C’était l’affiche d’une école dans le coin de Tabarre : Primaire, secondaire et adultère. Pas de blague, on offre des cours aux enfants, aux adolescents et aux adultes. L’affiche extérieure a rapidement été enlevée quand le (ou la) propriétaire de l’école a compris sa bourde, une bourde hautement révélatrice de ce qui se trame dans la grande majorité des écoles du pays. Les écoles privées ici sont légion. Une petite maison assez grande pour faire deux salles de cours et hop, on crée une école. Quand on manquera de place, on construira un deuxième étage. Rappelez-vous l’école qui s’est effondré en novembre, plus de 90 enfants y sont morts écrasés. Selon les rumeurs, l’appât du gain aurait poussé un propriétaire d’école à agrandir ses locaux, question de pouvoir augmenter ses revenus et les subventions qu’il recevait d’une ONG. Tout le monde (ou n’importe qui !) se proclame enseignant et lance sa propre école dans n’importe quel contexte. L’éducation est un business fort lucratif sur lequel le gouvernement n’exerce aucune forme de contrôle. L’enjeu, c’est que les haïtiens se saignent à blanc (je le sais, elle est facile …) pour envoyer leurs enfants à l’école, l’éducation étant comprise comme la seule voie de sortie possible pour les familles. Un chauffeur de notre projet prendra un plein mois de son salaire pour envoyer un enfant à l’école pendant une année. Ils en ont souvent 3, ce qui explique que le quart de leur revenu sert à payer l’éducation des enfants. Imaginez deux seconde, trois mois de ce qui a été déposé dans votre compte de banque par votre employeur qui s’envole directement pour payer l’éducation de vos trois enfants. Pour ces chauffeurs bien payer dans le contexte haïtien, c’est très difficile, pour le petit personnel (expression consacrée pour les ménagères, les garçons de cours, les gardiens de sécurité …), c’est l’enfer ! Pour ceux qui ne travaillent pas (60 à 70 % de la population selon les chiffres), on n’en parle pas… Un collègue canadien qui travaille sur un projet en milieu scolaire me disait que les enfants (ceux qui peuvent aller à l’école !) prennent en moyenne 17 ans pour terminer l’équivalent de leurs études primaires et secondaires (pour les études adultères, c’est autre chose). Le problème c’est que les parents se trouvent souvent en situation où ils ne peuvent pas payer les frais de scolarité et les enfants sont ainsi renvoyés de l’école. On attendra quelques mois, peut-être un an ou deux, pour retrouver le cash nécessaire et ainsi retourner les enfants sur les bancs d’école. Les retards s’accumulent et plusieurs ne se rendent pas au bout. S’ajoutent aux frais de scolarité ceux associés aux costumes. Mignons les ti moun quand ils marchent dans les rues dans leur beau costume. Méchant arnaque pour les parents. Les écoles bien évidement ‘vendent’ les costumes. On a donné un coup de pouce à Claudette récemment pour que son garçon de 5 ans puisse avoir le costume de graduation (vous avez bien lu, 5 ans et costume de graduation obligatoire). Dans sa situation, la somme était énorme ! Tout cela dans un contexte où la constitution du pays (je ferai un jour un blogue sur cette constitution) prévoit l’accès à l’éducation gratuite pour tous. Maudite constitution…
2 commentaires:
Quel beau blogue sur un très touchant pays. Je te lis régulièrement en attendant de venir visiter Haïti moi-même.
Laurence
excelente analyse, et comme toujours très bien écrit. bravo
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