‘Les ceuz’ (ou l’équivalent tout simple du terme ‘ceux’ dans un bon français) qui nous racontent toujours que c’était meilleur dans le bon vieux temps, ces ‘ceuz-là’ m’énervent presque systématiquement. J’écris ‘presque’ dans la mesure où il existe mon idole Jean Dion, le seul à arriver à manipuler le concept du ‘bon vieux temps’ d’une manière convenable. Depuis que je suis ici, il y a des ‘ceuz’ me rappellent que dans le temps de Duvalier, c’était le bon vieux temps et qu’Haïti était un vrai pays. Fier, digne, propre, respecté, … Pas un ‘n’importe quoi’ comme Haïti serait devenu depuis que des coins-coins ont forcé Baby Doc à partir sans avoir le temps de faire sa valise. Le bug actuellement, c’est que le discours de ces ‘ceuz’ commencent à prendre parfumer un peu plus l’air ambiant.
- Tu sais, le problème c’est que la perception qu’on aurait rien réussi depuis le départ de Jean-Claude est bien entretenue et de ce fait, donne raison à ces gens qui souhaitent le retour de la dictature.
Asefi a l’air débitée en prononçant cette phrase.
- Ce n’est pas si simple que cela ! Si les gens ont pris la rue pendant des mois jusqu’à déterrer le cadavre du père pour dissoudre ses restes, ce n’était sûrement pas parce que c’était le bonheur.
- T’as raison. La situation de la population s’est généralement améliorée depuis 26 ans, mais ces gains restent insatisfaisants et il est facile de nous peindre en rose une réalité passée. De là à vouloir sauter dans une dictature, il y a un pas que la population n’accepterait pas.
- Généralement pas besoin de l’accord de la population pour installer une dictature !
- Ouais… Duvalier avait pu se servir des tentatives de coups d’État et la guerre contre les communistes afin d'obtenir l’appui des américains pour installer sa dictature, mais là, le contexte est nettement différent.
- On entend ce genre de préoccupations un peu partout, mais j’ai de la difficulté à y accorder une quelconque crédibilité à l’éventualité d’un coup d’État qui réinscrirait le pays dans une dictature.
- Ce n’est pas parce qu’on ne retournera pas à cette dictature, qu’on ne risque pas de passer pas dans une nouvelle zone de turbulence. Imagine qu’avec un président déchu à cause de sa nationalité, des militaires qui se sont remobilisés en prenant le contrôle de deux anciennes casernes et une opinion publique bien entubée au discours anti-Minustah, le contexte politique pourrait manquer de stabilité.
- Les gens me semblent effectivement fatigué de cette instabilité, cette guerre continue entre les parlementaire et l’exécutif.
- On peut certainement avoir le sentiment que ce pays est ingouvernable. Génétiquement ingouvernable. Tu vas entendre plein de gens te raconter que le peuple et ses politiciens n’ont pas la maturité nécessaire pour vivre dans une démocratie, qu’on a besoin d’un dictateur.
- On est dans un cul de sac si je comprends bien.
- Probablement, impossibilité de se gouverner adéquatement et plus aucune des conditions nécessaires pour renverser l’État. On est dans un culs de sac.
6 commentaires:
Il est intéressant d'utiliser le concept d'entropie pour analyser la société haïtienne. En thermodynamique, l'entropie représente le niveau de désordre d'un système et "plus l'entropie d'un système est élevée, moins ses éléments sont ordonnés, liés entre eux, capables de produire des effets mécaniques, et plus grande est la part de l'énergie inutilisable pour l'obtention d'un travail, c'est-à-dire libérée de façon incohérente" (Wikipédia). Cela colle bien à Haïti n'est-ce pas ?
Donc si la société haïtienne a un niveau d'entropie plus élevée qu'ailleurs (disons que la Finlande), cela implique qu'une plus faible proportion de l'énergie disponible sera utilisée pour des activités constructives et qu'une plus grande part sera perdue en conflits divers, et qu'il faut vivre avec cette réalité .
La formule de Boltzman "exprime l'entropie en fonction du nombre de configurations (ou nombre de complexions) définissant l’état d'équilibre d'un système donné" (Wikipédia). Appliqué à Haïti, cela se traduit par de multiples configurations sociales (dictature, féodalisme, démocratie, anarchie, guerre civile, révolution, etc.) pouvant à tout moment se substituer les unes aux autres ou coexister (alors qu'en Finlande il y en aurait moins).
Tout ceci permet de répondre "Tout est normal" quand on nous demande de décrire la situation en Haïti, aussi normal en tout cas que l'eau qui gèle à 0 degré et qui bout à 100. Et c'est bien difficile de changer ça (il faudrait prendre de l'altitude) .
J'avais oublié de mentionner protectorat, kleptocratie, assistanat, gestion de projets, république des ONG, évangélisme, banditisme et occupation étrangère dans la liste des configurations .
Une autre analogie fort utile, biologique celle-là, c'est l'État haïtien comme système immunitaire affaibli et incapable de jouer son rôle (comme chez un sidatique). Les parasites s'amènent et rongent le malade (sa culture en tout cas): ONGs, MINUSTAH, évangélistes, consultants, Sean Penn, USAID, etc. Et des microbes qui seraient inoffensifs pour un organisme normal (comme certaines ONG peuplées de morons finis) deviennent capables de l'infecter. Une autre perspective d'analyse qui permet de conclure que tout est normal .
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