L’année dernière presqu’à la même date, j’usurpais le statut de photographe professionnel pour me rendre à la cérémonie d’investiture de Martelly. Équipé d’un kit de photographe et surtout accompagné d’une collègue journaliste (une vraie, elle !), j’ai pu hériter d’un laisser-passer de presse que je conserve toujours jalousement. Dans le jardin du palais (de ce qui en reste du moins), il y avait des centaines de journalistes venus couvrir ce qui s’annonçait comme un renouveau pour ce pays qui depuis 1804, ne serait jamais arrivé à se relever. Ce n’est pas moi qui le dit, mais Asefi.
- Et puis Asefi, comment tu évalues la première année de ton nouveau président ?
- Bof !
- … Comme analyse, c’est d’une pertinence et d’une justesse. C’est presque chavirant.
- Tu veux que je te dise quoi ? On a une présidence qui n’a en rien renié le cadre de la musique populaire d’où il origine, une présidence qui danse. Et généralement, quand tu danses, tu n’avances pas, même si tout le monde aime te voir danser. Après un mouvement vers l’avant, t’en fais un vers la gauche ou la droite avant de reculer. Et si le président n’avance pas, le pays fait de même.
- L’éducation quand même !
- Ok, peut-être. On a plus de timoun à l’école mais on sait également tous que les chiffres ont été gonflés et que les écoles borlèt sont toujours aussi borlèt, pleines ou vides de timoun. N’oublie pas de plus qu’un scandale couvre lentement dans ce dossier. La fondation qui gère les millions de $ de ce programme en parallèle et en dehors du ministère de l’éducation nationale devrait commencer à laisser dégager des effluves nauséabondes. Mais à part ce dossier de l’éducation, qu’est-ce qu’il y a de nouveau ?
- Les camp se vident.
- Les camps avaient commencé à se vider avant qu’il n’arrive, c’est un mouvement inexorable. En plus, c’est la communauté internationale qui vide les camps, pas le gouvernement haïtien. Personne n’est dupe. La première constance de cette première année, c’est la guerre larvée que se livrent la présidence et les parlementaires. Et c’est dans cette guerre qui pousse à l’inertie qu’on voit la vraie dimension politique de notre président.
- C’est-à-dire ?
- Incapable de faire avancer sa politique. On a passé huit des douze derniers mois sans gouvernement ! On en est au quatrième candidat au poste de premier ministre et il semble y avoir encore une fois plus de sable que de lubrifiant dans l’engrenage. Sérieusement, le président n’a démontré aucune qualité pour naviguer de manière constructive dans l’espace politique.
- Les parlementaires ne sont quand même pas faciles.
- Raison de plus de mieux jouer ses cartes, de s’élever un peu ! Il fonce dans le mur le pied au fond. Regarde le dossier de sa nationalité, il le joue pour le perdre ou encore pour le faire perdurer tout au long de son mandat. Justement ce que souhaitent les parlementaires et leur silence des dernières semaines ne veut pas dire que le problème est réglé. Ils ont la carte dans leur poche et la sortiront dès que ça leur sera nécessaire.
Elle s’arrête un peu question de siroter sa Prestige, et se relance.
- Son deuxième problème est son incapacité à contrôler son impulsivité. Ses réactions sont trop primaires, le gars manque clairement de recul. Tu regardes ses réactions face au PM ou aux parlementaires, on saisit que Martelly perd complètement de vue le concept de séparation des pouvoirs. Même logique avec les médias. Pas pour rien que le dictature revient dans l’esprit de chacun depuis un an. Le gars peut faire peur.
- As-tu le sentiment qu’il joue avec cette idée qu’il puisse faire peur ?
- Effectivement. Les rumeurs entretenues et en partie confirmées par les américains à l’effet que des trafiquants font partie de sa garde proche, ainsi que cette histoire habilement entretenue autour des milices roses, tout ça nous ramène à des bouts de notre histoire qui se sont terminés dans la violence. L’avenir n’est pas rose, sans faire de jeu de mot.
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