Passage à l’est la fin de semaine dernière. Quelques heures en Patrol pour aller se promener dans la ville de Santo-Domingo, capitale de la République Dominicaine. Pas celle que les gens voient durant une semaine dans un resort sur le bord de la plage, l’autre. Une vraie ville avec McDo, BugerKing, centres d’achats, musées, … Des musées, on en a vu des dizaines juste dans le petit coin où on s’est promené, ``la zona coloniale``. Le style des vieilles maisons espagnoles où tu n’arrives jamais à comprendre comment une si petite devanture peut cacher une si grande maison, un si beau jardin intérieur. Un espèce de Vieux-Québec où une population vit pour de vrai et semble avoir pas mal de fun. « Contrepartie de cet atmosphère libertaire, des trottoirs défoncés, d’immenses trous qui manquent de vous engloutir à tout moment, des fils électriques qui jaillissent de partout, pendent et traînent dans tous les sens… Bref, Santo-Domingo, ville de contraste démente (euphémisme !), ville où des mots comme speed et nonchalant, fiévreux et romantique, brutal et sensuel, sale et sublime coexistent pacifiquement. Vous l’avez deviné, Santo-Domingo, on a vraiment aimé ! » (Le guide du routard 2009 : République dominicaine et Santo-Domingo, page 73). Nous autres itou !
Le passage de l’ouest vers l’est en voiture est également fort intéressant. C’est un peu comme quand, vers l’ouest cette fois-ci, on passe de Rigaud en Ontario. Comme si l’asphalte pousse différemment. Ayiti souffre beaucoup de la comparaison avec son frère siamois. Plusieurs des indicateurs ne sont effectivement pas à son avantage : activité économique, déforestation, situation politique, … Plusieurs haïtiens avec qui je parle détestent plus ou moins poliment leurs voisins. Je comprends que leurs voisins leur rendent bien. Il faut savoir que dans l’histoire, la République a été occupé par Haïti à plusieurs reprises dans son histoire. Le 27 février en République Dominicaine, la fête de l’indépendance, on fête le départ de l’occupant haïtien qui avait installé ses pénates pour une vingtaine d’années jusqu’en 1844. Parmi les motifs de cette rivalité, on retrouve également la question des travailleurs (certaine organisations internationales parlent d’esclaves) haïtiens qui font fonctionner une partie significative de l’activité économique des dominicains. Il y aurait plus d’une centaine de milliers d’haïtiens ‘prisonniers’ d’exploitants agricoles dominicains. Un rapport d’Amnistie Internationale (http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AMR27/001/2007/fr/b8cabc10-d3ad-11dd-a329-2f46302a8cc6/amr270012007fr.pdf ) nous donne une bonne idée de leurs conditions de subsistance (on ne parle pas de condition de vie dans ce genre de contexte…), ça fait lever le poil sur les bras.
L’expérience de la douane près de PAP est une vraie aventure. On termine les dix dernières minutes de voiture dans un environnement digne des films qui traitent de la fin du monde. Un grand lac a envahi la route et on roule sur une ‘bande’ de gravier blanc qui tombe des murs de roche que l’on longe. Arrivé à la douane, des dizaines de camions et de containers attendent leur tour. Des centaines de brookers courent après toi pour ‘t’aider à passer les douanes’. Moyennant un bon backsish, le brooker va régler tes problèmes avec les haïtiens de ce côté-ci de la barrière, et les dominicains de l’autre côté. Il te faut des papiers de la douane haïtienne pour faire passer les individus et la voiture et des papiers similaires pour passer en République. Des amis à nous ont payé 200 $US pour traverser, deux adultes et une petite déesse de 18 mois. Nous, avec notre licence OI (organisation internationale), des papiers réglés de Port-au-Prince via un service de l’Ambassade canadienne (pour lesquels on a payé 35 $US) et un espèce de petit passeport diplomatique délivré parle gouvernement haïtien pour les coopérants comme nous, on a passé sans se faire arnaquer. Mais quel passage. La barrière s’ouvre et la Patrol s’enfonce dans presqu’un pied d’eau et on roule à travers des baraques désaffectées et complètement inondées. Arrivés à la barrière républicaine, deux soldats, mitraillette à la main, regarde la bagnole et nous demandent si on est des diplomatico. Oui mon homme si ça te tente. On a droit à un sourire et l’un d’eux fait signe à un jeune albinos de 14 ans presque en bobette, les deux pieds dans l’eau et les yeux au trois quart fermés, d’ouvrir la barrière. Durant notre séjour en République, s’est joué un autre épisode des relations tendues entre les deux pays. Des dominicains, dans une forme de spectacle populaire mais macabre, ont décapité un haïtien qu’on croyait responsable du meurtre (par décapitation aussi) d’un dominicain. Toute la semaine, les ministres des affaires étrangères des deux pays ont fait la manchette ici à PAP. Vendredi, le ministre dominicain a reconnu que l’haïtien décapité n’était pas le responsable du meurtre d’un dominicain et s’excusait au nom de son pays de la façon dont les choses avaient tourné. Il s’est engagé à ce que le gouvernement dominicain poursuive et punisse les responsables de la décapitation de l’haïtien. Les choses semblent se calmer même si la PNH est bien installée devant l’ambassade dominicaine à PAP. Juste avant de remettre les quatre roues de la Patrol en Ayiti, le policier de la PNH qui vérifiait nos papiers a vu qu’on avait acheté un tableau du côté dominicain et nous a demandé – mi-blagueur mi-sérieux – si on préférait les peintres dominicains aux peintres haïtiens… Dès que les quatre roues ont touché le sol haïtien, on a eu droit à une averse de fou. Comme par hasard…
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