Petite épine dans le pied d’un coopérant qui vient d’une culture et d’une classe sociale qui ne permettent pas ce genre de pratiques. Le petit personnel est le personnel de maison : Garçon de cours, ménagère, gardien, jardinier, chauffeur pour certains. Le personnel payé à un salaire de misère (entre 70 et 90 $ par mois pour six jours de travail par semaine) pour une besogne au service d'une famille riche. Riche ici ne veut bien évidement pas dire la même chose que chez nous, mais une famille qui se tire un revenu de 1 500 $ par mois pourra se payer du petit personnel. Plus on est riche, plus on en a … Au plan de l'image, c'est bien aussi d'avoir du petit personnel. Ça donne doublement du prestige : Je suis riche et j’aide de pauvres haïtiens à être moins pauvres. Pour ce qui est de la qualité de vie, vous pouvez facilement vous imaginer des bienfaits de quelqu'un (ou plusieurs) qui prend soins des enfants, fait les repas, s’occupe de la maison, de la voiture, …. À l'épicerie l'autre matin, ma voisine inconnue racontait à son amie qu'elle ne pourrait maintenant plus vivre à Miami, ‘Ayiti c’est dur, mais la vie à Miami est trop difficile sans petit personnel’. Le sujet du petit personnel est difficile à aborder avec mes collègues ayisien dans la mesure où de plein fouet, on entre dans des dimensions de valeurs, de culture. En premier lieu, il y a l'appellation 'petit personnel'. Dans ma tête formée à la rectitude langagière, l'expression dérange.
- Si eux sont du petit personnel, nous autres on est du grand personnel ?
- T'es trop simpliste Labadie, ne donne pas aux mots une signification qu'ils n'ont pas. Vous autres les québécois, vous êtes trop tordus sur les questions linguistiques ! Trop sensibles. Il faut vous voir réagir quand on parle des 'nanas' … Il n’y a rien de péjoratif dans l’expression petit personnel pour un haïtien.
- On peut bien relativiser la signification des mots, mais tu ne me feras pas avaler l'idée que le traitement offert au petit personnel est toujours adéquat.
- Là, tu parles d'un autre problème. Celui de la perpétuation du code noir. Le code qui établissait la supériorité du maître sur ses esclaves, et surtout leur droit de propriété sur ces derniers. Sur ce point, t'as raison, c'est toujours bien vivant dans la tête de certains de mes compatriotes.
Si effectivement la majorité des gens que l'on connait semble traiter de manière adéquate ce personnel (ils sont nourris, on assume les frais d'écolage des enfants, leur assure l'accès aux soins de santé, offre toutes sortes de compensations pouvant les aider), on a le sentiment que certains autres voudraient voir revenir l’esclavagisme. Les jours et mois qui ont suivi le tremblement de terre nous ont offert des histoires à faire vomir, comme si la catastrophe annihilait la capacité de certains humains à reconnaître la douleur de l'autre. En fait, l’enjeu est là, certains 'grands personnels' sont effectivement dans la logique du code noir qui leur permet de traiter cet autre comme un sous-humain. Asefi avait raison, le code noir est toujours en vigueur dans la tête de plusieurs à la différence qu'aujourd'hui, on doit leur donner un salaire… C’est selon cette même perception du sous-humain qui est cause dans le contexte de la non-confiance évoquée quelques fois sur ce blogue. Cette capacité que peuvent avoir les ayisien de penser que leurs compatriotes sont bons, intelligents, honnêtes, des gens de confiance. Leur capacité à penser les choses dans une logique de solidarité.
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