Billet publié le 23 mars 2009.
Depuis une semaine, nous avons de la visite à la maison. Un collègue de Johanne est en vacances à PAP et en profite pour faire des contacts pour Bibliothécaire Sans Frontières. On a profité de son séjour pour aller passer le week-end au Cap-Haïtien et visiter (re dans mon cas) la Citadelle. Encore plus impressionnante que la première fois… Un peu de plage et, surtout, pas mal de bagnole. En fait, le Cap est à 20 minutes en avion et 6 heures en voiture. Il voulait voir du pays et on a donc décidé de faire l’aller dans les airs et le retour sur terre. Je suis ainsi passé pour la première fois dans les Gonaïves. Ville toujours plus sinistrée que les autres en cas d’ouragan. Un ingénieur m’a expliqué que les inondations sont attribuables au fait que presque toute l’eau qui tombe sur le pays coule vers les Gonaïves. Ajouté à cela un déboisement féroce et des canaux d’irrigation mal construits qui ne peuvent assurer que l’eau ne passe pas directement … par les habitations. Cette année en plus, le débit était tellement élevé qu’il a ‘charroyé’ un container des Nations unies qui dans sa descente, a fait voler en éclat un pont presque tout neuf. On a rien retrouvé du pont, même pas dans la mer ! Il faudrait beaucoup de ressources financières pour construire des canaux de contournement, mais vaut mieux guérir que prévenir. Dans un article que mon oncle Bob (je le salue en passant) m’a envoyé récemment, on pouvait constater que le financement de 17 millions de dollars américains reçus cette année pour les Gonaïves était dédié strictement aux mesures d’urgence et non à la reconstruction. Le journaliste de la revue The Economist réfère à des expats présents sur place qui, en faisant leurs valises pour une deuxième fois, ils y étaient en 2004 lors du passage de Jeanne, annonçaient leur retour pour l’année prochaine. Malgré leur passage, la situation reste encore difficile à regarder. Des voitures avec 4 pieds de boue bien compacte à l’intérieur, une route qui n’est plus une route, des maisons sans murs et des murs sans maisons… Deuxième première, un match de foot au stade de PAP. Notre visiteur a la fâcheuse habitude d’être français, il voulait donc voir un match de foot. Une partie de la Ligue des champions de la Concacaf (comme l’Impact il y a quelques semaines) entre les Cavaly de Léogane et le Britania d’Aruba. Aruba est une petite île juste au Nord du Vénézuela, un petit pays d’un peu plus de 100 000 personnes selon Wikipedia (on se renseigne où l’on peut !) qui a obtenu son autonomie des Pays Bas en 1986. Le foot nous apprend tellement de choses. Donc, avec Lionel (je vous avais dit que c’était un français !), on s’est rendu au stade. En achetant les billets, j’ai étalé mon ignorance de ce beau sport. On m’informe qu’il y a des billets à 400 gourdes (10US) et à 150 gourdes (faites le calcul). Je réponds à la dame que les billets à 400 allaient nous permettre d’être assis dans les sièges d’en bas, comme au Centre Bell ! ‘C’est l’inverse au foot, mon homme’ que m’ répond notre invité. Plus tu débourses, plus t’es haut dans les gradins. J’imagine qu’il doit toutefois y avoir une hauteur parfaite… En fait, c’était un attrape-touristes, il n’y a pas vraiment de plus haut ou de plus bas dans le stade ! La seule chose, c’est qu’on avait droit à un siège individuel au lieu d’un banc. Comme au Centre Bell, durant la partie, les vendeux de bouffe et de bière se promènent de rangées en rangées. À la fin de la première demie, un billet de 25 gourdes se retrouve sur la marche juste au bout de la rangée. Pendant plus d’une heure, il n’a pas bougé. Des dizaines de personnes sont passé à côté sans se pencher. Imaginez un billet de 20$ dans les marches du Centre Bell ! Ma voisine a fouillé dans sa sacoche pour vérifier si elle avait perdu 25 gourdes. Mon autre voisin à fait la même chose dans son portefeuille. On m’avait dit que l’insulte suprême pour un haïtien était le fait d’être identifié comme voleur, j’en ai eu la preuve. Dans la foulée des gens qui ont descendu l’escalier à la fin de la partie, le billet de 25 gourdes est disparu. La partie terminée, on s’est rendu à la sortie pour téléphoner à la cie de taxi fiable de PAP, Taxi Rouge. Pas de réponse… Plusieurs essais toujours sans réponse. Disons que le stress commençait à pousser son bouton jusqu’à ce qu’en essayant de retéléphoner à la cie, je me trompe de contact sur mon portable et rejoins un dentiste avec qui je travaille. Il a toute de suite su que c’était moi qui l’appelais et quand je lui ai expliqué notre situation, il a un peu paniqué. Au match de foot ?! Un taxi ?! Il voulait appeler un de ses amis psychiatres… Les haïtiens sont beaucoup plus craintifs que les blancs, il faudra que je vous explique le tout dans un prochain billet. Donc le dentiste, qui comme par hasard reste à deux minutes du stade, est venu nous rejoindre. Il a hélé un taxi et après quelques minutes de négociations, il a compris qu’il pourrait y faire confiance… s’il embarquait avec nous. Troisième première, un taxi à PAP. Le dentiste, Lionel et moi sommes donc partis dans une vieille Mercedes 1983 (je connais maintenant la fabrication intérieure des bancs du modèle 1983 de Mercedes) qui toussait plus qu’elle n’avançait. Sur la route, on commençait à peine à être soulagé, jusqu’à ce qu’un barrage policier nous force à nous arrêter. Le chauffeur de taxi n’avait pas de papier, ni pour lui, ni pour la voiture. Les policiers demandent au chauffeur de tasser son tacot sur le côté et d’éteindre le moteur. Le chauffeur de taxi sort et commence à négocier avec les policiers qui, après dix minutes, acceptent de nous laisser repartir. Le chauffeur se rassoit sur ce qui reste de siège, se penche sous le volant et en collant deux fils, réanime son vieux moteur. Revenus à la maison, on a repris la Patrol et avons ramené le dentiste chez lui. En passant, le club de Léogane a gagné 5 à 0.
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