Chantal Guy, la journaliste de La Presse qui a décrit toute
en sensibilité ses passages en Haïti, en parlait comme d’un amour
impossible. D’un pays qu’on aime détester, une espèce de relation amour-haine.
Peut-être avait-elle raison ? C’est le genre de conclusion que je tirais lors
de mon passage ce weekend à la douane de Malpass. Un paysage plus proche des
décors de films de fin du monde. Des ‘faux officiels’ dominicains qui, l’eau
jusqu’aux genoux, circulent entre les voitures un gun à la main ou une carabine
accrochée au cou pour nous demander nos papiers. « Documento de identidad !
» Je garde la fenêtre fermée en l’ignorant gentiment. Il va refaire trois
tentatives avant de comprendre que je ne serais pas payant. C’est le genre de
traquenard dans lequel tu ne te fais prendre qu’une seule fois. Les policiers
et militaires officiels dominicains regardent amusés ces arnaqueurs coincés des
touristes qui traversent de l’autre côté de l’enfer. On vient de passer
presqu’une semaine à Santo Domingo. Question de changer le mal de place. Je n’étais pas sorti d’Haïti depuis août
dernier, la théorie du ‘changer d’air au trois mois pour survivre’ se confirme
une fois de plus. Se confirme également ce sentiment étrange qu’une fois sorti
d’ici, on ne pense qu’à y revenir. Il faut dire sur ce point que les
dominicains ne nous incitent pas à nous ‘enfarger les pieds’ très longtemps chez
eux comme on dit chez nous. Je ne sais pas comment est la vie dans les resorts
qui permettent aujourd’hui à l’économie nationale de fleurir, mais en pleine
ville, dans le quotidien citadin d’une capitale de près de 3 millions
d’individus, les haïtiens nous manquent rapidement. Il y a d’abord cette
opulence d’un centre-ville clinquant avec toutes les boutiques de luxe que vous
pouvez imaginer (Louis Vuitton, Cartier, etc.), opulence qui côtoie une
indigence aussi pauvre que sale. Un moteur de Ferrari siffle dans les oreilles
d’un cheval famélique qui tire une charrette de fruits et de légumes. Et sur l’autoroute
en plus. Le même pays, le même peuple, la même rue, … Il y a aussi cette ‘violence’ qui transpire
de tout. La violence criminelle (le taux de criminalité dans cette ville est
nettement plus important qu’à PAP : On comptait 23,57 meurtres pour 100
000 habitants en Rep Dom (2009), deux fois plus qu’en Haïti ou le taux est de
11,5), celle de l’arbitraire policier qui nous interpelle pour n’importe quoi
et son contraire, celle de l’unilinguisme obtus de ceux qui assument ce que
l’on appelle le service à la clientèle. Vous comprenez donc que le bonheur de
sortir d’Haïti pour entrer en République Dominicaine, est au moins équivalent
que celui de quitter la République Dominicaine pour entre en Haïti. La
différence tient au fait que lorsqu’on entre ici, on sait que ce n’est pas que
pour quelques jours de vacances. C’est pour la prochaine sortie dans trois
mois, question de respecter la théorie.
mercredi 28 novembre 2012
mercredi 14 novembre 2012
Plus d'espace pour décompresser
Ce midi à l’hôtel, mon collègue haïtien me
raconte que pour sortir le pays de son marasme, on devrait retourner à la
dictature. Dans le bon temps où son père était un dirigeant macoute du nord du
pays, les choses étaient claires, propres surtout. La magouille ambiante depuis
le départ de Papa Doc est comme un miasme qui envahie les poumons de tous, sans
distinction aucune. La vie publique haïtienne est débordée depuis deux semaines
par des histoires de magouilles criminelles qui frappent à tous les niveaux de
la structure sociale. Le fils d’une des 3 familles les plus riches et
puissantes du pays est en prison depuis deux semaines, il dirigerait un réseau
de kidnappeurs. La police américaine s’est impliquée dans l’enquête et depuis
la confirmation de son installation dans ses nouveaux appartements assurément
moins luxueux, les rumeurs n’en peuvent plus d’associer tout le monde à son
réseau. La bourgeoisie haïtienne comme les proches du président y passent. Au
moment où on l’installait sous les barreaux, on mettait également en dedans des
policiers impliqués directement au sein de ce dit réseau de kidnappeurs. La
semaine dernière, un supérieur de la PNH s’est fait tiré une balle dans la tête
en laissant ses deux enfants à l’école et on ne sait pas comment il est ou non
associé au dossier du réseau de kidnappeurs. L’ancien chef de la police est
maintenant en résidence surveillée, certaines personnes veulent sa tête sans
savoir si oui ou non elle resterait associée au reste de son corps. Samedi soir
dernier, un policier est entré dans une fête à la Faculté de droit pour
installer dans la tête d’un étudiant une seule entre les deux yeux. Depuis, la
vie au centre-ville est perturbée par les coups de feux et les gaz lacrymogènes.
Dans cette logique irrespirable, la PNH vient de publier une liste de plus de
70 policiers qui seront ‘virés’ à cause d’un train de vie (maisons, voitures, …)
impossible à expliquer avec leur seul revenu de l’État. Drôle qu’on ne les
associe pas à certains crimes payants, mais uniquement au fait qu’ils génèrent trop
d’argent pour être des policiers honnêtes … Et finalement, le coin de Cité-Soleil
tranquille depuis que nous sommes ici, réactive la guerre des gang. Ça tire
dans le secteur et les déplacements vers la mer sont plus risqués. Dire qu’on y
allait pour décompresser.
lundi 5 novembre 2012
Haïtienne poésie
Vous savez qu’Haïti est l’un des pays où il se publie le plus de livres par tête-de-pipe. Il fallait voir la dizaines de nouveaux bouquins sur le tremblement de terres à la foire du livre qui a eu lieu 4 mois après le 12 janvier … Vous me direz que c’est normal, la logorrhée haïtienne étant ce qu’elle est, elle se transforme en bouquin aussi facilement qu’en discours ! Peut-être ? Heureusement, cette fécondité n’implore pas que la quantité, mais fleurte également avec la qualité, les haïtiens ayant trouvé le moyen de gaber de manière régulière des prix littéraires. Mercredi soir, il était déjà sûrement trop tard pour ce jeune poète qui vendait ses strophes dans le stationnement du market. Je sais que les artistes ne dorment pas la nuit comme tout le monde, mais quand même ! Le ti-cul de 8 ans vendaient ses poèmes aux âmes sensibles. Des rimes en ‘eur’ pour 14 strophes au titre évocateur (je m’y mets moi aussi) de ‘Tu es’.
Tu es la rose qui fleurit dans mon cœur
Tu es le diamant qui me décore l’intérieur
Tu es le mouchoir qui essuie mes pleurs
Et tu es la force qui enlève ma douleur
…
Quelques petites coquilles seulement. Je trouvais que le ti-cul avait de l’audace pour se promener entre les voitures afin de vendre sa poésie aux pressés qui sortent de l’épicerie les mains pleines de sac. Alors que lui, bien évidemment, a les poches vides d’argent. Je n’ai pas trop regardé, on devient allergique à ces vendeuz de n’importe quoi ou à ces jeunes ‘Maximum security’ qui nous sautent dessus à la sortie de tout commerce qui attire le blanc. Jo, elle, s’est arrêtée et elle a acheté. Je ne sais pas trop combien de kob le ti-cul a pu faire dans cette soirée aussi noire que froide de chaleur humaine, il faut espérer que sa créativité lui soit payante. J’espère surtout le revoir sur un stationnement en train de vendre sa poésie, moi aussi je vais partager ma richesse.
Tu es la rose qui fleurit dans mon cœur
Tu es le diamant qui me décore l’intérieur
Tu es le mouchoir qui essuie mes pleurs
Et tu es la force qui enlève ma douleur
…
Quelques petites coquilles seulement. Je trouvais que le ti-cul avait de l’audace pour se promener entre les voitures afin de vendre sa poésie aux pressés qui sortent de l’épicerie les mains pleines de sac. Alors que lui, bien évidemment, a les poches vides d’argent. Je n’ai pas trop regardé, on devient allergique à ces vendeuz de n’importe quoi ou à ces jeunes ‘Maximum security’ qui nous sautent dessus à la sortie de tout commerce qui attire le blanc. Jo, elle, s’est arrêtée et elle a acheté. Je ne sais pas trop combien de kob le ti-cul a pu faire dans cette soirée aussi noire que froide de chaleur humaine, il faut espérer que sa créativité lui soit payante. J’espère surtout le revoir sur un stationnement en train de vendre sa poésie, moi aussi je vais partager ma richesse.
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