lundi 27 mai 2013

Les égouts de Paris


En septembre 2010, je faisais un billet sur le relativisme en me servant de la sécurité au travail comme illustrateur (http://jeanfrancoislabadie.blogspot.com/2010/09/le-gars-de-la-csst.html ). Ce samedi, j’ai eu une autre occasion de tester cette dimension de l’interculturel, cette fois-ci, il y avait en plus une question de sécurité publique. Sur la route de Kenscoff, à la hauteur de Thomassin 32, on pouvait observer cet acrobate au bout d’un arbre (une soixantaine de pieds dans les airs, près de 20 mètres). Regarder bien la vidéo, vous verrez au bout de l’arbre le consciencieux bucheron armé de sa machette s’atteler à descendre ce majestueux pyebwa (lire pied bois). Au moins, il coupe la branche du dessus !! Bien évidemment, pas besoin d’être attaché. Pas nécessaire également de s’assurer, en bas, que personne ne se trouvera sur la trajectoire de la chute. Encore moins de se demander si dans sa descente, la branche pourrait couper certains fils électriques et donc, éventuellement, électrocuter des passants ou priver d’électricité tout le reste des zones sur la route de Kenscoff. C’est un peu comme conduire au son : quand ça fait boum, tu freines… Heureusement, pas de dégât, du moins pour le bout d’épisode que nous avons regardé. Même après plus de 4 ans dans ce pays, je demeure toujours aussi impressionné qu’il n’y ait pas plus de personnes estropiées, même si en fait c’est probablement l’un des principaux problèmes de santé publique. Et bien évidemment, cette prise de risque n’émeut personne sauf le blanc que je suis, élevé dans cet environnement contrôlé qu’est un pays dit développé. À la radio de RFI ce matin, j’écoutais un reportage sur les égouts de Paris. Selon le journaliste, on y organiserait des visites tout aussi intéressantes que démystifiantes sur cet environnement hautement hostile. L’égoutier interviewé raconte comment les législations des dernières décennies ont permis d’éliminer presque tous les risques professionnels auxquels lui et ses collègues étaient confrontés. On en vient à rêver que la vie des haïtiens soit traitée comme les égouts de Paris !

mardi 14 mai 2013

Redonner vie à Aristide


Ceux qui sont abonnés au compte Twitter du président ont aujourd’hui été inondés de tweets (on doit approcher la centaine). J’ai même reçu un appel automatisé où il vantait les réalisations de son gouvernement, ainsi qu’une invitation par SMS pour le rejoindre cet après-midi au Champs de Mars. C'est sans compter les rues de PAP qui sont décorées des affiches/banderoles soulignant les bienfaits du gouvernement Martelly/Lamothe. Parce que c’est l’objectif de communication du président, souligner les bons coups de ses 2 ans à la présidence d’Haïti question de parler plus fort que ses détracteurs. Ajouter à cela les odeurs naissantes d'une campagne électorale, on comprend que la partie communication de la guerre est lancée. Je n’ai pas lu tous les tweets (je travaille quand même !) mais on peut facilement s’imaginer que les opposants qui veulent critiquer son action trouveront assez de ‘poignées’ pour le mettre en valise. En politique, c’est de bonne guerre. En politique en fait, c’est la guerre, une guerre renouvelée la semaine dernière avec le passage d’Aristide au parquet (il a été convoqué comme témoin dans l’histoire du meurtre d’un animateur de radio et du gardien de sécurité de sa station qui a lieu il y a plus de dix ans). L’ex-président – dont tout le monde ici estime qu’il jouit toujours d’une très grande popularité auprès de la population – a profité de cette convocation pour relancer la machine de son parti pour les prochaines élections. Au plan tactique, l’anglicisme ‘une fenêtre d’opportunité’ apparaît, au minimum, comme un euphémisme. Le convoquer au parquet lui a offert une occasion en or de refaire surface publiquement, un long cortège de policiers et de fanatiques a fait le trajet aller-retour entre Tabarre et le centre-ville, une ville en arrêt pendant presqu’une journée (les UN avaient fermé certains de leurs bureaux par crainte des débordements), tous les médias obnubilés par l’évènement. Je vous le dis, un grand hit au plan des communications pour le parti exclus des deux dernières élections, et un chef qui était resté muet depuis deux ans. Le lendemain, l’homme a lu devant les médias un communiqué (un communiqué haïtien, donc de 40 minutes) dans lequel il a très clairement rouvert les hostilités politiques. Il a promis une renaissance de son parti avec des centaines de victoires pour son équipe (plus de 600 postes électifs lors du prochain scrutin). La chose qui m’a le plus frappé dans son discours, et j’avoue ne pas avoir vu de commentaires à cet effet, est l’utilisation de la vieille division de la couleur de peau pour mobiliser ses troupes et annoncer la ‘couleur’ de sa politique. Je parle bien ici de ces nuances de blancs-à-noir qui jugulent l’histoire politico-sociale du pays : La grande majorité de la population pauvre et noir, contre la minorité mulâtre/blanc riche et dominante. La lutte des classes sur le plateau des divisions ... ‘raciales’. Il y a toutes sortes d’histories (plus ou moins objectivées) concernant les appels de l’ex-président pour que les noirs de ce pays reprennent aux blancs (ne pas comprendre les étrangers) ce qui leur a été volés, ou encore ce à quoi on leur avait jamais donné accès. L’histoire du supplice du Père Lebrun par exemple. Martelly est très souvent critiqué pour sa pseudo trop grande ‘proximité’ avec les pouvoirs judiciaires et dès que la convocation d’Aristide a été connue, ils sont nombreux à avoir associé cette démarche du juge comme le prolongement direct de l’action du président. À voir comment les choses évoluent, peut-être qu’Aristide et son parti estiment aujourd’hui que la plus grande réalisation de Martelly aura été de leur redonner vie ?