dimanche 31 juillet 2011

La continuité et la rupture


Asefi est assise sur le bord du découragement. Total. Au moment des élections, elle avait tant espéré que son peuple ne choisisse pas la ‘catastrophe-Martelly’. Et puis, il y a quelque semaines, elle avait elle aussi laissé le nouveau président l’inspirer, elle s’était mise à espérer. Seul l‘ouragan Émilie annoncé pour mercredi pourrait venir brouiller les cartes d’un jeu politique dont la fin annoncés sera le rejet de la candidature de Bernard Gousse. Un deuxième revers pour Martelly qui a vu son premier candidat à la primature (Daniel Rouzier) être évincé par les parlementaires.
- Martelly ne comprend rien à la politique, au jeu politique.
- Il ne comprend rien ou ne veut pas le jouer lui répondis-je. Ne pas le jouer à la façon des parlementaires, j’entends. Il a été élu avec un discours de rupture et les gens aujourd’hui le critique parce qu’il ne s’inscrit pas dans la continuité. Refuser de donner 25 000$ aux sénateurs et députés pour qu’ils appuient Rouzier ou Gousse, je comprends que c’est la rupture.
- Il faut quand même négocier, c’est ça la politique. Martelly s’entête et est en train de nous amener dans un cul de sac politique duquel on ne sortira pas facilement.
- Cul de sac politique … tu parles de quel cul de sac ? Il me semble qu’on y est depuis plusieurs années non ! Je suis surpris de lire ou d’entendre les commentaires de plusieurs experts au sujet de ‘la négociation’ comme essence de la politique dans un contexte démocratique. Pouf… je ne suis pas politicologue, mais ça me semble faux, au moins réducteur. En fait, je ne suis pas trop certain que le problème est la’ négociation’, mais plutôt ‘ce qui est négociable’. Si on comprend ce qui se joue actuellement – la petite prime de 25 000 $ pour les parlementaires contre le contrôle de certains ministère clés –, ça ressemble davantage à de la compromission qu’à de la négociation.
- Il ne pourra pas tout changer en quelques semaines !! La corruption dans mon pays, c’est comme l’air, il y en a partout et c’est une nécessité pour survivre. On est tous d’accord pour dire qu’il faut que ces choses cessent, mais ce n’est pas en se lançant dans cette confrontation que Martelly va javelliser le tout. La seule chose qui est certaine, c’est que s’il ne laisse pas quelques gains aux parlementaires aux différents groupes qui le composent, on se retrouvera à nouveau dans un contexte d’instabilité et de violence politique. Je sais que nous sommes des spécialistes du discours de la ‘vierge offensée’, mais justement, on reste au niveau du discours. Il ne peut pas concrétiser ce discours aussi simplement et rapidement qu’il le voudrait.
-Je ne suis pas certain de te suivre …
- Un gouvernement un peu moins corrompu est sûrement préférable à pas de gouvernement du tout. Martelly se prend pour un idéaliste, un révolutionnaire. S’il transforme notre société, ce sera sur la longueur, pas sur la cassure.
- Mais le système de corruption est assez souple pour ne pas casser. Tant qu’il ne se rompt pas, on nage dans la continuité.
- Vaut mieux un continuité moins corrompue qu’une rupture qui nous entrainerait dans la violence.
- Et Martelly, il préfère quoi selon toi ?
- Je n’ose pas penser qu’il est un adepte de la violence, même si dans la suite des rapports de force politique, ça tournerait à son avantage.

vendredi 29 juillet 2011

On ne se doit rien


Ça fait plus de 600 fois que je me penche sur un clavier d’ordinateur pour bloguer ce blogue … Il y a donc bien évidemment de la répétition. C’est un peu comme les 8 notes de la gamme, c’est dans les nuances qu’elles deviennent infinies. J’essaie donc de faire dans la nuance à défaut d’atteindre l’infinie. J’ai donc déjà écrit sur la confiance en affirmant que c’était comme essayer de marcher avec une jambe en moins et qu’à cet effet, les ayisien étaient handicapés. Pas confiance en leurs semblables comme en ceux venus ici pour aider, coopérants, policiers ou militaires. Ça se manifeste dans cet individualisme crasse qui aveugle toute vision commune, communautaire comme nationale. Ne cherchez pas à différencier la cause de l’effet, c’est une perte de temps. Le problème c’est que ça crève toutes intentions de faire les choses autrement, d’améliorer son sort, surtout celui du bien commun. J’ai aussi écrit sur ce nouveau programme de financement Kay Pam que l’État et deux banques viennent tout juste de mettre en place. J’imaginais mon collègue – celui qui dort sous la tente depuis le 12 janvier 2010 – sauter sur l’occasion pour terminer la reconstruction de sa maison qui est toujours ralentie par des apports financiers qui se font attendre. Naïveté, quant tu nous tiens !!! « Jamais je ferai confiance à ces rapaces !!! Le programme de microcrédit mis en place pour les employés de la fonction publique a démarré il y a quelques années avec un taux d’intérêt de 14%. On n’en est aujourd’hui à 22% !! Là, on propose de nous prêter sur 30 ans à 8%. À combien tu penses qu’on va chiffrer le taux d’intérêt dans 5 ans, 10 ans, 25 ans , 30 ans … Jamais je vais signer un contrat avec eux, ils ne respecteront pas leurs engagements comme jamais ils ne les ont respectés. Je préfère rester sous la tente encore quelques années et jamais rien leur devoir.» À rien se devoir, on ne se doit rien …

jeudi 28 juillet 2011

Un fou est mort


Ce matin, le blokis (prononcer blokus) sur Bourdon tout près de la Primature poussait ses tentacules jusque sur Delmas 60. Presqu’un grand stationnement. Le fou, qui tous les jours circule sur Bourdon du centre-ville de PAP jusqu’à Pétion-Ville, avait fait sa dernière marche. Frappé par une machine, la folie s’est arrêtée dans a tête. La Minustah gérait le trafic et un passant avait ramassé une affiche pour habiller le défunt. Malgré les efforts, la mort ne se cache pas dans un pays comme Ayiti.

mardi 26 juillet 2011

À perpète


En comparaison avec plus de 250 pays, Haïti serait le pays où il y a le moins de prisonniers. C'est sans compter que plus 60% des personnes emprisonnées sont des prévenus en attente d'accusation depuis des années... C’est ce qui se dégage d’une étude qui vient d’être publiée. Les analystes trouveront sûrement toutes sortes d’explications : Règne de l’impunité, capacité carcérale famélique, arbitraire des services de sécurité publique, corruption du système judiciaire, … Tout le monde vous dira en fait que l’explication ne dort pas dans le fait qu’il y a moins de criminalité ici qu’ailleurs, mais qu’on est moins bien équipé pour la gérer. Allez dans un pays où il n’y pas de médecins, et vous verrez qu’il n’y a personne atteint du cancer ! L’image qui a frappé mes neurones en lisant cette dépêche a été la prison dans laquelle des millions d’haïtiens sont coincés. Celle du pays en lui même qui contraint le développement d’une trop grande proportion de ses habitants, comme les limites des pays amis qui empêchent les haïtiens de circuler librement. J’ai également à l’esprit ces dizaines de milliers d’enfants abandonnés, coincés dans des crèches, des orphelinats ou des familles (restavek), ou encore à ces kidlib qui lavent ou surveillent les voitures à l’entrée de tous les restos ou bars de Pétion-Ville. Pour ces timoun, la liberté qu’offre Ayiti ressemble davantage à un emprisonnement à perpétuité. En fait, pas besoin de construire davantage de prisons, le cadre général qu’offre ce pays à une majorité de sa population implique déjà assez de contraintes. Le plus triste (ou sympathique, c’est selon) dans cette histoire, c’est que lorsque les haïtiens trouveront toutes les libertés souhaitées, on devra construire de nouvelles prisons …

lundi 25 juillet 2011

Refaire surface


Discussion sympathique et chaude l’autre soir avec un employé de la Minustah. Rapidement, on s’est entendu sur le fait que ses patrons avaient mal géré la chose communicationnelle relative au choléra. Le point de discorde a plutôt été sur la question de la responsabilité de la Minustah dans l’installation ‘à vie’ de la bactérie Vibrio cholerae dans cet Ayiti cheri. La réponse de mon interlocuteur est celle construite par les spécialistes des communications : « On ne peut pas prouver hors de tout doute que ce sont des soldats népalais qui ont introduit la bibitte dans le pays, impossible donc d’incriminer la Minustah. » D’un certain point de vue scientifique, il a raison. D’un certain point de vue seulement. La logique probabiliste qui prévaut dans ce genre de travaux se conserve toujours une petite gêne et ne sombre jamais dans l’infaillibilité. Ce sont les spécialistes des communications qui glissent dans la certitude dans le sens de « c’est une certitude, vous n’arriverez jamais à démontrer hors de tout doute (même pas besoin d’être raisonnable…) que ce sont des soldats de la Minustah qui ont bousillé l’affaire. » Effectivement, mais les odds sont toujours en défaveur des militaires dans ce dossier et assumer sa responsabilité, ce n'est pas reconnaître sa culpabilité. L'idée n'est pas de trouver un coupable (on en ferait quoi ??), mais ça pourrait enfin donner l'impression que les sympathies sincères récitées dans les conférences de presse le sont vraiment (sincères je veux dire ...). Là où la Minsutah n’a pas failli toutefois, c’est dans la défense de ses intérêts organisationnels. Effectivement, comment penser qu’une organisation puisse ouvrir elle-même la porte à d’éventuelles poursuites ? Se positionner comme inattaquable était la seule option valable. L’enjeu est de l’affirmer assez clairement pour être compris de tous sans toutefois trop insister, question de ne pas jeter de l’huile sur un feu jamais réellement éteint. Surtout qu’à chaque saison des pluies, comme la bactérie, cette question fera surface.

dimanche 24 juillet 2011

Serge Gainsbourg

Dans les activités entourant la commémoration de la mort de Serge Gainsbourg (mort en 1991), il s’est fait et se fait toutes sortes de choses. Anpil bagay comme on dit. Pas le choix, le gars à lui seul vaut qu’on s’y arrête. Si vous aimez la gueule de Gainsbourg et ce qu’il a réussi à en faire, allez écouter The Serge Gainsbourg Experience. Un anglais (Brad Scott) fait revivre un Gainsbourg en anglais (en partie) et avec des allures plus rock. Je ne sais pas trop si l'affaire a été fortement diffusée au Québec ou en France, je l'ai attrapée un samedi sur RFI. Depuis, ça tourne dans mes oreilles et j’avais envie de l'écrire … Vive Itunes !

samedi 23 juillet 2011

Lakay se lakay


Lakay se lakay, c’est comme Home sweet home (maison sucre maison !!), ça ne se traduit pas littéralement. La maison c’est la maison. En atterrissant sur PAP de Montréal, Miami ou Paris, les haïtiens disent Lakay se lakay. Un espèce de bienvenue chez soi à soi. Depuis le tremblement de terre, cette lakay est devenue le centre de bien des enjeux pour des milliers d’haïtiens. Je ne parle pas uniquement des plus défavorisés, mais de ceux qui tous les jours travaillent et qui continuent à dormir sous une tente. Un des directeurs du Ministère avec qui je travaille fait du camping depuis plus 18 mois. Il entre tous les jours au travail aussi bien mis que le matin du 12 janvier 2010. Deux banques (détenues en grande partie par des fonds de l’État) ont lancé cette semaine un programme de près hypothécaires. Kay pa’m (ou kay pam), une maison pour moi, vise à aider les employés de la fonction publique et ceux qui ont un emploi stable à retrouver une maison. 8% d’intérêt garanti sur 30 ans. Ce n’est pas rien, surtout que l’intérêt (hypothécaire ou non) a davantage tendance à voisiner les 25%. À un tel loyer de l’intérêt, personne n’emprunte sauf avec la certitude de pouvoir combler très rapidement le trou dans la poche qu’il fallait colmater. Un proche a emprunté à un taux de 24% pour faire des rénos importantes suite au séisme. Je pense donc à mon collègue du Ministère, il pourra sûrement enfin reconstruire sa maison, sortir enfin de sa tente. Ça ne lui redonnera pas sa bonne humeur, il ne l’avait jamais perdu !

vendredi 22 juillet 2011

La désolation


Là où la RN9 rejoint la RN1, il y a cette vieille remorque complètement éventrée. Elle se fait chauffer au soleil depuis déjà au moins deux semaines. Perdue dans cette grande zone presque désertique, la remorques voisine des tentes éparses qui tentent de nous donner l’impression qu’un camps existe. C’est presque la désolation. Delmas 19, trente minutes avant d’arriver à la remorque, un vieil aveugle attaché au bras d’un jeune de 16 ans. Je ne sais pas lequel est le plus maigre. Ils quêtent leur vie dans cette pauvreté ambiante, l’aveugle porte dans sa main droite une demie calebasse pour que les gens y déposent des gourdes, dans l’autre il a sa canne. Sans le jeune, l'aveugle ne peut se déplacer dans cette ville pleine de trous où rue et trottoirs se confondent. Sans le vieux, le jeune ne peut mendier. C’est la désolation.

jeudi 21 juillet 2011

La grève


À la sortie des bureaux du Ministère cette semaine (les nouveaux bureaux installés sous une grande tente, comme pour être solidaire des presque 700 000 personnes qui attendent toujours dans les camps l’arrivée du premier ouragan sur PAP), il y avait un tintamarre juste derrière la grande clôture qui sert à protéger les gens sérieux. Des grévistes de l’hôpital universitaire. ‘Encore’ désespèrent tout le monde… Cette fois-ci, ce n’est pas un arriérage salarial de 10 mois qui les poussent à faire cette musique, mais une nouveau contexte. Un nouveau contexte de gestion, ou un nouveau contexte politique, c’est selon. Les grévistes veulent la tête de la nouvelle administratrice alors que pour la direction le problème est politique, des personnes intéressées veulent profiter d’une nouvelle présidence et d’une nouvelle équipe ministérielle pour reprendre la tête du plus grand hôpital du pays. Avec les 52 millions investis (dépensés disent plusieurs) dans la reconstruction de cet hôpital en parti touché par le séisme, on peut comprendre que sa gestion puisse devenir un élément d’intérêt.

mercredi 20 juillet 2011

Négocier la démocratie


Pourquoi a-t-on l’impression que lorsque la vraie politique se fait, on n’en n’entend plus parler ? Depuis jeudi dernier en effet, tout ce qui concerne le choix du premier ministre ne fait plus la une. Bernard Gousse, le premier ministre désigné par Martelly, a demandé un report d’une semaine pour déposer ses pièces. Tout le monde comprend que ce délai n’est pas lié au fait qu’il cherche dans son grenier certains papiers, mais que lui et l’équipe du président doivent faire les négociations nécessaires avec les parlementaires. Concrètement, la candidature de Gousse avait du plomb dans l’aile. Le niveau de tension étant trop élevé entre le président et le parlement, il fallait donc permettre à la marmite de laisser sortir un peu de pression. Cette pression s’évapore actuellement dans une négociation relative à la confection du gouvernement. Martelly aurait donc accepté la position des parlementaires – ‘On laisse passer ton premier ministre si tu nous laisses contrôler certains ministères’ – et travaille actuellement à séparer la part du gâteau. Parce qu’un gouvernement, compris dans une certaine perspective de corruption, c’est un gros gâteau. Il y a des ministères directement plus ‘payants’ que d’autres, ou qui offrent davantage que d’autres des opportunités de consolider sa position de parlementaire. Entre contrôler le Ministère de la santé et celui de la condition féminine, le choix est facile. Je ne vous parle pas du Ministère des finances ou de celui de la sécurité publique … Il semble donc que tout ce silence (ce presque silence pour être plus juste) serve à nos amis politiciens un climat plus serein pour les négociations. Parce qu’en Ayiti, tout ce qu’il y a de politiciens et d’analystes nous emplissent les oreilles depuis des semaines que la politique dans un contexte démocratique, c’est l’art de négocier. Que cette négociation est au centre de tout et que de ce point de vue, le pays n’a pas une grande expérience, que nous en sommes à nos premiers pas. Toutes ces années de dictature n’auraient jamais permis de développer cette pratique politique de la négociation. Je ne suis pas politicologue, mais ça me semble nettement réducteur de définir la politique comme l’art de négocier, peu importe le contexte d’une démocratie ou d’une dictature. Je dirais plutôt que la politique est l’art de mettre en forme une vision de la société et que la négociation est l’un des outils nécessaires. On est dans un contexte démocratique quand cette vision est connue de la population, acceptée et appuyée par elle, que les moyens pour la mettre en œuvre (les négociations par exemple) sont publiques et que les journalistes peuvent nous expliquer qu’est-ce qui est sur la table de ces dites négociations. Ce qui cloche actuellement est que toutes ces négociations n’ont rien de très démocratiques. À moins qu'on en soit à négocier la démocratie...

lundi 18 juillet 2011

Dormir sur ses deux oreilles


Il y a de ces expressions qu’on répète et sur lesquelles ont devrait porter une meilleure attention. Par exemple, cet avis de tous vos bons amis qui vous disent de ‘ne jamais dire jamais’ en utilisant eux-mêmes le ‘jamais’ proscrit !? Ou ceux qui font ‘un virage à 360’. Faites-le test, on continue exactement dans la même direction, point de virage. Il y a quelques jours, j’écoutais un journaliste interviewer un politicien sur des pseudo histoires de corruption au parlement. Confiant et en paix avec lui-même, le politicien disait ‘dormir sur ses deux oreilles’. Je vous propose de faire l’essai de dormir sur vos deux oreilles. À moins que votre code génétique vous ait configuré pour installer vos deux oreilles du même côté, sur le front ou derrière la tête, vous n’y arriverez pas. Il reste toujours l’option que votre lit et votre oreiller soient configurés pour vous permettre de ‘dormir sur vos deux oreilles’, mais là, ce serait tordu !

dimanche 17 juillet 2011

Tout ça pour un timoun


Les comparaisons sont toujours boiteuses, c'est ce que je me dis quand je vois Brad Pitt à la télé ... Sauf que quelquesfois, ça permet de se donner une autre perspective. Il y a quelques semaines, j'ai participé à une rencontre où on présentait les résultats d'une étude sur le coût des services périnataux. grosso-modo, le coût d'un accouchement vaginal en Haiti se situe autour de 1200 gourdes.... 30$ US pour parler sérieusement. À Montréal, il en coûterait 3000 $ canadiens. Parmi les détails techniques, je rappelle que l'on tient compte dans cette analyse des coûts de fonctionnement de l'hôpital et des salaires des professionnels.  Vous ne me croyez pas hein !! Mais au delà de toutes les limites normales d'une étude de coût, ce chiffre correspond à une réalité. Imaginez que l'étude ait été très mal conduite (ce n'est sûrement pas mon opinion), que ses biais aient amené les chercheurs à sous-estimer certains coûts, et je vous laisse multiplier par deux le résultat obtenu. Même par trois si vous le souhaitez !!!

samedi 16 juillet 2011

Le plastique


En créole, on dit sachè (sachet). Ce sont les sacs de plastique pour les québécois, et sac plastique pour les français. Alors qu’un peu partout dans le monde, pays riches comme pays pauvres, on les interdit, ici, on serait toujours à l’époque d’en faire la promotion. Je vous invite à prendre l’avion pour faire le test. Entrer dans une épicerie, achetez deux tomates, un avocat et un pied de céleri et vous vous retrouvez avec quatre sachè. Un pour les deux tomates, un deuxième pour l’avocat et un sachè doublé pour le pied de céleri. Ça peut être lourd un pied de céleri… À chaque fois, c’est le même exercice de déprogrammation de l’emballeur. L’environnement se retrouve donc envahi de ces fleurs qui volent au vent (il y a une histoire comme ça en Afrique du Sud où les gens se plaignent de ces ‘fleurs’ qui envahissent leur environnement), qui bouchent ce qui peut avoir d’égout et qui asphyxient les animaux incapables de les discerner. Je ne vous parle pas non plus des millions de bouteilles de plastique qui jonchent les rues ou les champs. L’individualisme peut même pousser à faire de l’espace publique la poubelle de tous !! Toujours est-il que les cash for work qui continuent d’assurer le revenu de certaines familles de Potopwins (Port-au-Prince en créole), se sont mis à la tâche de ramasser et entasser des milliers de bouteilles de plastique. On voit poindre des monticules de ces bouteilles un peu partout dans a ville. Je n’oserais pas à cette étape parler de récupération, on ne sait pas encore trop ce qu’on en fera.

vendredi 15 juillet 2011

Comme à Montréal


Le dentiste ... La dentiste pour dire vrai. C’est toujours avec le même bonheur quand je vais m’étendre sur la chaise de ce professionnel de la santé qui a fait des dents son pain et son beurre. Les mêmes aromes de produits chimiques qu’à Montréal, le même bruit de perceuse fine qui se répercute dans les oreilles après avoir été conduit par les mâchoires, les mêmes deux tuyaux dans la bouche pour aspirer ce qui peut rester nous rester d’aspiration coincé dans cette position, le même anesthésiant qu’il faut réinstaller trois fois pour bien finir la job… Toujours comme à Montréal, les orteils qui se crispent et de décrispent sans arrêt au bout de la chaise, les doigts qui agrippent le pantalon. J’adore, comme à Montréal. À la sortie, comme à Montréal toujours, j’ai payé le pain et le beurre de la dentiste et je peux vous dire que le pain et le beurre du dentiste ici coûtent près de 3 fois moins cher que celui des dentistes de Montréal. Encore trop cher toutefois pour 99% des haïtiens qui se trouvent des pseudos dentistes chez le voisin ou le ougan de la zone. Au prix que ça coûte, vaut mieux les enlever, ce sera des dépenses de moins.

jeudi 14 juillet 2011

Entendu ce matin à la radio

"En Ayiti, être honnête et intègre est un crime." Un professeur d'université qui réagissait au rejet de la candidature de Rouzier pour le poste de premier ministre.

mardi 12 juillet 2011

Le petit paquet


- C’est parce que Martely n’a pas mis de petit paquet sur la table.
Cetout fait souvent ce genre de phrase qui ouvre sur une interrogation. Silencieusement, il attend que je le relance pour pouvoir m’expliquer sa théorie.
- Le petit paquet …?
- C’est simple, les parlementaires fonctionnent aux petits paquets. Je ne sais pas si c’est Préval qui a inventé l’approche, mais il a su en profiter. En fait, Martelly n’a pas compris que pour faire passer Rouzier, il fallait qu’il offre aux sénateurs et députés un petit montant d’argent pour qu’ils appuient sa proposition. Ce petit paquet voisinerait les 15 ou 25 000 $US. Dans le cas d’une grosse décision comme celle du premier ministre, on parle sûrement de 25 000. Là, il pensait les coincer avec sa stratégie de les amener à sélectionner un certain nombre de candidats à partir desquels il ferait son choix, mais il n’a pas plus compris que nos politiciens n’ont d’engagement qu’auprès de celui rapporte le plus. L’idéologie politique en Ayiti fond sous les rayons chauds du soleil. Regarde bien les 16 qui ont publiquement affiché leur engagement à ne pas ratifier le deuxième choix de Martelly, en fonction de la grosseur du petit paquet, ils pourront changer d’idée.
- T’es en train de dire qu’ils auraient fait cette sortie que pour faire monter les enchères ?!?!
- Peut-être que tu commences enfin à comprendre !!

lundi 11 juillet 2011

Partie de bras de fer


La vie politique haïtienne devrait s’agiter cette semaine. Après le rejet de son premier candidat à la primature il y a deux semaines, Martelly a changé de stratégie. Il a proposé dix noms aux deux chambres et leur a demandé de retenir ceux qui seraient acceptables aux yeux des parlementaires, les gardiens de l’ordre constitutionnel. Des trois noms sont sortis gagnants de cette étape préliminaire, Martelly a choisi Bernard Gousse. Un gars qui été ministre de la justice à une époque où la justice justement a déraillé, le passage d’un gouvernement de transition (Latortue) suite au départ forcé d’Aristide. L’opération Bagdad lancée par les groupes criminalisés constitués et armés par Aristide (selon des rumeurs devenues informations depuis) avait mis le pays à feu et à sang, rendant ainsi nécessaire l’installation de la Minustah. À cette époque, l’État aurait procédé à des arrestations gratuites. Gousse à la tête du Ministère de la Justice a donc été incriminé, même par des sénateurs noirs américains, et a recommencé à l’être depuis que son nom est apparu dans les discussions entourant sa désignation. Déjà, 16 sénateurs ont signé une pétition pour dire au président que la candidature sera rejetée. Martelly semble garder son calme en rappelant que premièrement, il reste toujours 18 sénateurs qui n’ont pas affiché leur désaccord et surtout, il rappelle à tout ce beau monde que Gousse faisait partie de la liste qui lui a été proposée. On l’entend dire « il vous faudrait un peu plus de cohérence messieurs !! » On verra donc demain comment les choses se dérouleront pour la deuxième désignation, mais la fracture annoncée entre Martelly et les parlementaires se manifeste de manière toujours plus forte. Surtout que le président a annoncé qu’il n’y aurait pas de troisième désignation. À ceux qui avaient fait circuler la menace de sa démission, il a été aussi très clair, il compte rester en place pour les cinq ans prévues à son mandat. Une belle partie de bras de fer en vue. La question est maintenant de savoir qui sera le plus fort et surtout, d'où tirera-t-il sa force !!

dimanche 10 juillet 2011

Vierge offensée, politicien offensant


Durant ce week-end long et un peu trop arrosé (promesse d’ivrogne, j’arrête de boire), j'ai été témoin d'une scène tout autant absurde que révélatrice de l'état général de cet Ayiti cheri. Vendredi matin sur la route nationale no 1 en allant vers la côte des Arcadins, un barrage improvisé (gros cailloux ou bouts de branches) ferme une des voies. Deux casques bleus nous incitent à ralentir probablement pour mieux voir l'horreur de la scène. Le corps d'un homme complètement désarticulé git sur le sol. Le gars est probablement tombé de l'un de ces autobus qui font PAP-Cap-Haïtien à une vitesse que ni la mécanique ni les freins ne permettent. Sur le choc, on se disait que les casques bleus allaient assurer la suite avant l'arrivée de la PNH. Optimisme, quand tu nous tiens... Quelques heures plus tard, on a quitté la côte en destination de la maison (un gros nuage gris et sa pluie sont venus nous couper du soleil) pour revoir le même barrage improvisé, le même corps désarticulé gisant sur la route, mais plus de casques bleus. On a ralenti (qu’est-ce qu’on aurait pu faire !?) pour voir au loin une ambulance arrivée sur les lieux. En fonction de nos observations, le corps est donc resté sur la route au moins quatre heures sous une surveillance partielle des casques bleus, et une surveillance nulle de la PNH. Je pensais à ces vierges offensées haïtiennes (les haïtiens sont très bons pour jouer les vierges offensées) qui s'énervent dans toute la grandiloquence qu'on leur connaît, d'un manque d'égard (plus ou moins juste) à leur personne, à leur nation, ... Je pensais à ce sénateur bien connu qui cette semaine à la radio s'inquiétait de la dégradation des esprits depuis l’installation de la nouvelle présidence. On manifesterait un manque de respect flagrant pour l'honorabilité de la fonction de sénateur ou de député, fonctions définies par une constitution issue du sang des hommes de ce pays qui ont arraché la liberté aux ennemis de la nation ou aux dictateurs sanguinaires, ces pères de la première nation noire du monde, cette première démocratie issue des lumières. On devait respect aux descendants de ces grands hommes. Solennel, les trémolos dans la gorge, il rappelait que ces parlementaires, ces hommes et ces femmes qui forment le gouvernement national, méritent le respect dû à leur fonction à leur rôle dans la nation. Que personne n’était autorisé à entacher le blanc tissus de leur engagement pour le peuple ayisien. Dans le silence qui a suivi le passage devant cet humain déshumanisé, je pensais à l'honorabilité de sa fonction de sénateur, au respect des institutions nationales, de cette constitution presque sacrée (qui n'est en fait à peu près pas respectée). Les mots dans la bouche de ce politicien qui exigeait un respect ‘naturel’ attribué à sa fonction, puaient surement davantage que le corps qui se décomposait sur ce bitume chauffé par un 35oc caribéen. Il y avait dans cette image quelque chose de tellement révélateur du néant qui existe entre la hauteur du discours haïtien, et la bassesse du traitement qu’on propose réellement à sa population.

vendredi 8 juillet 2011

Questions

À suivre le cours des évènements de la vie politicienne haïtienne, quelques questions pop pop (ou pop popent pour les puristes !!) dans ma tête. En premier lieu, que veut vraiment le nouveau président ? J’ai discuté avec un expert de l’analyse politique il y a quelques jours qui se questionnait sur la stratégie Martelly : Est-il vraiment malhabile au plan politique pour proposer un (maintenant deux) premier ministre qui n’a pas de chances réelles de charmer les parlementaire, ou est-il à ce point machiavélique pour pousser sénateurs et députés à refuser toutes ses propositions au cours des prochains mois et créer ainsi une crise politique telle qu’il serait légitimé de dissoudre les deux chambres ? La suite logique n’est pas évidente : Il se lance dans des législatives qui lui donnent le contrôle du parlement ou on s’enfonce dans une dictature. Deuxième question, peut-on réellement appuyer la vie politique d’un pays sur une constitution qui impose un partage des pouvoirs, alors que l’idée du bien commun n’a pas de prise dans la culture politique du pays ? Je sens que j’ai besoin de m’expliquer … Je comprends de la constitution de 1987 qu’elle a été écrite par des individus qui voulaient à tout prix que l’époque fraichement révolue (la dictature duvaliériste) ne puisse jamais se reproduire. On a donc partagé des pouvoirs réels entre la présidence et les deux chambres (on a même interdit qu’un président puisse assurer sa fonction en deux mandats consécutifs, comme si on ne pouvait la différence une continuité présidentielle et une présidence à vie !!), ce qui rend l’exercice politique hautement chaotique. J’ai mis les pieds dans ce pays il y a trois ans et à l’époque, les parlementaires avaient refusé deux candidatures de premier ministre avant d’accepter Michèle Pierre Louis en septembre 2008. Un peu plus d’un an après, les parlementaires lui retiraient leur confiance pour permettre l’installation d’un nouveau gouvernement 100% Inite (les élections législatives avaient donné le contrôle des deux chambres au parti de Préval). Quelques mois plus tard, la vie politicienne a été bouleversée par ce fichu 12 janvier 2010, la stabilité s’étant enfin installée dans un contexte de stagnation devenu encore plus lucratif par cet investissement international gargantuesque. Sur ce point, Martelly s’est publiquement questionné sur l’impact des 4 milliards dépensés (il serait plus judicieux de dire ‘engagés’) depuis le séisme en rappelant qu’il avait fait de la lutte à la corruption l’un de ses principaux engagements...!!! On me semble donc assis sur une constitution qui favorise davantage l’instabilité politique, qu’elle ne propose un équilibre qui permettrait réellement de reconstruire (construire disent certains) cet Ayiti cheri. La dernière question, qui s’inscrit dans la continuité logique des deux précédentes, m’a été posée par un ami haïtien avec qui je partageais une pizza inmangeable : « Ne devrions-nous pas revenir à la dictature ? » Question tout aussi indigeste que la pizza pour un blanc du nord comme moi, mais question que plusieurs ayisien se posent. Terminé la pagaille stérile à laquelle se livrent les parlementaires et les partis, un président stable qui a le pouvoir de faire les réformes attendues. Bien évidemment, tous souhaiteraient que cette nouvelle dictature soit bienveillante et favorise le bien commun. Comme si on demandait à un loup de garder le poulailler, ce n’est peut-être pas impossible, mais ça me semble contre nature.

jeudi 7 juillet 2011

Un spectacle pour les yeux


Ce soir, spectacle de danse. Je l'ai déjà écrit, les haïtiens ne dansent pas, leur corps transcende toutes chorégraphies. Un fil relie leur corps directement à la musique, toutes les nuances de couleurs imaginables des sons trouvent un mouvement. Des postures délicates aux impulsions plus vigoureuses. La sensualité se mélange à la sueur qui perle sur la noirceur de leur peau. Aussi beaux que belles, toujours un spectacle pour les yeux. Imaginons que le PIB se mesure à la qualité des danseurs, ce serait sûrement un des pays les plus riches sur cette planète !!

mercredi 6 juillet 2011

Vite, des poètes


L'amygdalite est une infection des boules dans la gorge qui provoque une inflammation. Le perdiemite est une infection des per diem qui provoque une inflation. On navigue dans les mêmes eaux, il devient plus ou moins facile d'insérer certaines choses dans la gorge. Ok, j'arrête de niaiser. La perdiemite est une expression poétique qu'un collègue africain m'a donné aujourd'hui pour décrire les affres de ces per diem maudits. Le per diem est ce montant d'argent que je reçois lorsque mon travail m'impose de ne pas être à la maison, des frais comme les repas au restaurant, le coucher ou d'autres dépenses relatives à mon déplacement. Financièrement, le per diem est hautement intéressant. Petit exemple. Un médecin qui travaille dans le public gagne 23000 gourdes par mois, un peu moins de 600$US pour quatre semaine de travail. Si je l'invite à venir avec moi participer à une activité qui implique un déplacement de 24 heures, il recevra en per diem autour de 80$US. Faites le calcul, sept jours avec les canadiens durant le mois et il double son salaire. S'ajoutent quelques jours dans le mois avec les américains, avec l'OMS et avec l'UNICEF, et on appelle ça arrondir les fins de mois. La première difficulté avec ces fichus per diem, c'est que ça devient un moyen privilégié pour mobiliser les partenaires haïtiens à participer aux activités issues de nos projets. De ce point de vue, les théoricien de l'économie ont le haut du pavé : plus le gain attendu est important, plus la motivation est grande. Le deuxième problème est que le per diem varie en fonction des partenaires, ce qui devient un des outils supplémentaires de compétition entre les bailleurs/ONG. Les ayisien savent bien que pour tel genre d'activités, vaut mieux travailler avec les canadiens qui sont moins chiches, mais pour une autre activité, ils choisiront les américains plus généreux. Ils magasinent donc leur participation à nos activités en fonction entre autres de cette dimension. Je sais que vous vous demandez pourquoi tout ce beau monde de blancs ne s'agencent pas, c'est que les économistes ont le dessus sur les poètes.

Le gars était prêt à faire la guerre

Je transcris ici quelques phrases d'un long texte que Rouzier, le premier ministre désigné par Martelly mai rejeté par les parlementaires, fait paraître dans Haitilibre (le lien). Intéressant dans la mesure où le gars nomme clairement l'espoir de changement que le nouveau président a réussi à incarner. Il y a de l'eau dans le gaz comme on dit, mais surtout, des occasions ratées :

« En tant que citoyen, j’avais accepté de servir mon pays en mémoire de tous nos compatriotes morts du séisme, des intempéries, du choléra, de la misère, des naufrages en haute mer, de la violence armée, des kidnappings et des assassinats, comme ce fut le cas hier encore, de Guiteau Toussaint... Tous, victimes de notre échec collectif à assumer le triptyque de notre République : Liberté, Egalité et, surtout et avant tout, Fraternité. »

« Une Population bafouée, trahie, méprisée par ceux et celles qui lui avaient promis l’espoir, la démocratie et le développement, pour ne leur délivrer que, le chômage, la misère, la mendicité et l’insécurité ; Une Population confrontée pendant plus de 50 ans à l’effondrement progressif de l’Etat, à la déliquescence de ses institutions et au règne de la médiocrité, de la corruption, de la violence, et de l’anarchie ; Une Population finalement décimée par des désastres cataclysmiques comme si la nature voulait, elle aussi, se joindre à la curée entamée par les Gardiens du Troupeau ; Une Population angoissée, affaiblie, désabusée, traumatisée, à genoux mais jamais vaincue, relevait la tête et assenait un Non sonore et péremptoire au statu quo et à ses partisans. »

« Si nous traitons la misère et les affres du sous-développement comme une monstrueuse tyrannie, nous devons être prêts à leur faire la guerre et cette guerre là, le Président Martelly, le prochain Premier Ministre, vous et moi n’avons simplement pas le droit de la perdre. La politique que je voulais proposer à la Nation était celle d’entrer en guerre contre les conséquences dévastatrices des catastrophes créées par la nature et par l’homme qu’a connues notre pays pendant les 50 dernières années, en embrassant sans réserve le changement promu par le Chef de l’État. Ce changement devait s’exprimer avant tout dans la défense du bien commun ; ce patrimoine qui englobe l’existence des biens nécessaires au développement du citoyen haïtien et la possibilité réelle pour tous d’y avoir accès. Ce bien commun exige le bien-être social et le développement de tous les enfants du pays, de tous, sans exclusion et sans exclusive; et il implique la paix, la stabilité et la sécurité d’un ordre juste. Le bien commun est, en ce sens, différent de l’intérêt général qui, dans un groupe, ne prend pas en compte chaque personne et, par conséquent, en ne considérant qu’une entité globale, pourrait accepter le sacrifice nécessaire de certains membres du groupe, d’ordinaire les plus faibles, pour la survie des autres. Le bien commun, tel que je l’envisage, engagera tous les membres de la société ; personne ne sera exempt de participer, selon ses possibilités, afin de chercher à l’atteindre et à le développer et personne ne sera abandonné. Fok tout moun lité, fok tout moun travay e fok tout moun jwenn ! »

mardi 5 juillet 2011

Le temps, c'est de l'argent


Attendre est une vertus que l'on développe quand on travaille dans les pays en voie de développement. J'écris comme si j'avais 20 ans d'expérience et 5 pays derrière la cravate, alors que cette affirmation s'appuie davantage sur les commentaires de plusieurs partenaires internationaux qui ont déposé leurs mallettes un peu partout dans le monde avant d'atterrir ici. Au plan anthropologique, on m'explique que c'est dans ma tête de blanc né dans un pays développé que j'attends. Qu’ici, personne n'attendrait, c'est la temporalité qui serait différente. Pas question d'être plus ou moins lent ou plus rapide, la mesure prend une autre forme... Un peu plus et on me sort la fable du lièvre et de la tortue pour me dire ne pas m'impatienter, que tout arrivera à temps. « Mais en fonction de quelle temporalité ? » Imaginez des gens qui se présentent à une clinique d'un hôpital publique où le médecin est en retard. Oups désolé, il n'est pas en retard, il est en route. "Il sera là à quelle heure ?" "Bientôt, il est en route." Une heure d'attente, deux, trois, ... Enfin de compte, le médecin ne se présentera pas, son "en route" n'avait pas que des allures indéterminées, il était également infini. Calmement, sauf pour quelques impatients, tout le monde retourne chez soi pour revenir le lendemain où le scénario pourrait transporter quelques ressemblances. Je n'imagine pas ce genre de situation au Qc. L'imputabilité, la responsabilité, le professionnalisme ou une autre valeur de gestion, s'énerverait le poil des jambes et nous mettrait tous les patients patients en situation d'impatience. Pire, on trouverait qu'ils ont raison et l'organisation assumerait publiquement sa responsabilité d'avoir laissé une telle chose se produire. "Vous êtes trop stressés" me disait un gestionnaire d'établissement de santé. "Est-ce que c'est vous qui ne le seriez pas assez ?" lui ai-je répondu.
-On travaille avec nos moyens, pas avec ceux qu'on a pas. Tant et aussi longtemps qu'on offrira des conditions de travail (il fait référence au revenus et conditions effectives d'exercice) comme celles qu'on nous propose aujourd'hui, personne ne se donnera l'éthique professionnelle comparable à celle qui prévaut chez vous.
-T’es donc en train de me dire que ça n’a rien à voir avec la culture ou le rapport à une autre forme de temporalité ?
-Tu fais chier ... Le temps, c’est de l’argent, peu importe les cultures.

dimanche 3 juillet 2011

Pa gen solisyon


Le 3 décembre 2008, quelques semaines après notre atterrissage sur PAP, j’écrivais un billet (le lien) qui s’intitulait (il s’intitule toujours !!) « Pa gen pwoblèm ». En référence à cette attitude haïtienne de tout prendre à la légère, je parle de tout sauf de la mort. Et du tremblement de terre. Dans ce billet, je réagissais au fait que dans ma tête de blanc fraichement arrivé, je voyais plein de problèmes que mes nouveaux voisins interprétaient d’une autre manière. Depuis quelques semaines et après 30 mois de vie haïtienne, je tire la conclusion que tout ça est faux. Fausse représentation. La vérité, c’est qu’en fait, les solutions n’existent pas. Facile, imaginez que nous n’ayez pas de problèmes, vous ne seriez pas à la recherche de solution. Il est donc préférable de tirer la conclusion qu’il n’y pas de problème, qu’il n’y a jamais de problème, on n’a pas à se casser la tête pour trouver une solution. Je ne fais pas référence ici à la créativité des haïtiens pour réparer tout ce qui va tout croche autour d’eux, je parle de leur capacité à trouver une solution durable à leur vrai problème.

Vous voulez des nouvelles du livre bleu ?

Je vous en donne quand même. Cette semaine, on a traversé une autre étape, du point de vue de notre périple dans la fonction publique haïtienne, devrait être la dernière. Devrait dans la mesure où nos amis les canadiens pourraient sortir un autre lapin de leur chapeau en nous demandant de trouver le papier X qui va venir confirmer la légalité du papier Y, quelque chose du genre. Le petit-cul de 16 ans avec qui je vis ces différentes péripéties préparent ses examens qui auront lieu cette semaine. Son rêve à cette étape est d'aller rejoindre sa tatillon chérie le plus rapidement possible et pouvoir commencer l'école en septembre au Canada. Depuis la mort de sa mère au moment du tremblement de terre, il a fait la démonstration de l'élasticité de la solidarité familiale haïtienne. N'empêche, il est comme ces millions d'haïtiens bercés par la certitude que lòt bò lanmè (l'autre bord) est meilleur. Je commence donc moi aussi à rêver au jours où je vais le conduire à l'aéroport avec un billet simple pour Montréal. 

vendredi 1 juillet 2011

Une place pour mon comptable ?


Imaginez que vous êtes administrateur d’une structure de l’État. Vous gérez les entrées et les sorties d’argent dans un hôpital, un bureau départemental ou communal. Vous recevez des différents bailleurs/ONG qui dépensent de l’argent dans votre structure, des sommes d’argent plus ou moins substantielles. Chose certaine, vous en recevez davantage et de manière plus régulière que ce que vous recevez de votre propre État, mais ça, c’est une autre histoire. Donc, chacun de ces bailleurs/ONG vous achemine de l’argent et les outils pour assurer une reddition de compte habituelle. Cet argent qui vient de X doit servir à acheter du carburant pour faire des supervisions pour une projet qui concerne l’épidémie de Y. Merci de ne pas utiliser ce carburant pour autres chose et surtout, n’ayez pas la bonne idée de jumeler cette supervision pour l’épidémie de Y avec le transport de matériel pour le projet W ou une autre supervision pour l’épidémie de Z. Ceux qui financent W et Z ont déjà donné les sommes nécessaires à l’achat du carburant, ça pourrait tout mélanger. J’espère que je suis clair !! Revenons donc à notre administrateur qui doit gérer toutes ces entrées d’argent et en assurer une utilisation judicieuse, le terme judicieux étant défini ici par la régulation comptable propre à chacun des différents bailleurs/ONG. Chaque bailleur/ONG arrive avec ces formulaires et ces échéances de reddition de compte. Le comptable qui doit gérer ces dizaines, vingtaines ou trentaines d’entrées, de formulaires et d’échéanciers de reddition de compte développe quelques petits problèmes de concentration avec les semaines qui passent. Tet chaje comme on dit ici, surtout quand on regarde les conditions effectives de travail et les compétences du personnel. Le bailleur/ONG n’ayant donc pas souvent ses rapports dans le délai et dans la forme attendu, il décide d’installer son propre comptable dans votre structure pour régler « son » problème de reddition de compte. On retrouve donc des structures de l’État où cohabitent 3, 4, 7 ou 8 comptables tous issus de bailleurs/ONG différents. Ils relèvent de qui ? Je vous laisse deviner !! Vous êtes un ou une imbécile (ou tata en québécois) si vous vous posez les questions suivantes : « Les bailleurs/ONG ne devraient-ils pas offrir une plus grande flexibilité dans l’utilisation des ressources afin d’éviter les duplications, les triplications, les quadriplications, … ? » ; « Aurait-il été plus pertinent que les bailleurs/ONG s’entendent sur des outils et des échéanciers communs de reddition de compte et qu’ils renforcent le partenaire haïtien dans ses capacités de gestion de ces montants ? » Je me sens toujours bien quand je comprends que je ne suis pas seul à être un imbécile !!