vendredi 30 septembre 2011

Jean Leloup

L’avion a subtilement posé ses roues sur le tarmac. Quel bonheur. Que je prenne la médication pertinente ou que je consulte un bon psy, l’essentiel est qu’il se passe quelque chose et que je place cette peur dans la section oubliettes de ma mémoire. Dans l’avion aujourd’hui, j’ai eu une superbe voisine. Superbe dans tous les sens. Une jeunesse sans âge, bien assise sur des talons hauts, un long pantalons blanc, un afro pas affreux (en référence aux affreux qui n’ont pas d’afro de M), une camisole qui dégageait des épaules et un corsage qui poussent l’esprit dans ses derniers retranchements. La fille n’avais jamais pris cet avion ou du moins ne savait pas comment attacher la ceinture. En boy scout indécrottable, je l’ai aidée. En vol, elle a vu sur mon iphone le visage de Jean Leloup. J’écoutais du John the Wolf, il y a des bonheurs fous de cette terre froide qui s’écoutent toujours. « Le monde est à pleurer », on n’y peut rien, c’est le monde à pleurer. La jolie voisine s’intéresse donc à mon iphone, ou plutôt à l’image qui est dessus. « C’est un chanteur ? » « Bof … peut-on dire que Jean Leloup est un chanteur ? » Je voulais lui expliquer que la folie et le génie pouvait se marier et accoucher d’un chanteur, mais pour faire simple, je lui ai dit oui. « Leloup est un chanteur québécois … mais pas du Québec ». Elle ne semblait pas me suivre. D’elle-même, avec ses faux ongles peinturlurés, elle a pris une de mes oreillettes pour écouter le gars sur la photo. Doucement, son corps s’est mis à se mouvoir. « Moi aussi je suis chanteuse » qu’elle me dit. « Ha ? ». « Je voyage vers Port-au-Prince pour aller chanter au concours Digicel Star. Je suis une des deux finalistes du Cap-Haïtien et demain, je vais chanter à la télé pour être sélectionnée dans la phase finale du concours. Allez-vous voter pour moi ? » Sûrement madame, sûrement… Oups désolé, mademoiselle.

jeudi 29 septembre 2011

L'orage

Le problème avec la peur, c’est qu’elle est tenace. J’ai fait un très beau vol ce matin. Ce n’est pas le cas pour tous mes compagnons. Mon voisin de gauche suait à plein malgré une rafraîchissante climatisation, alors que sa voisine de gauche priait si intensément que je soupçonne que plusieurs ont arrêté leurs propres invocations se disant que son intensité agrégeait tout le monde. Chose certaine, la chose s’est bien passée. Le hic, c’est qu’il faut s’y replonger demain matin. Au Cap, l’accident de la semaine dernière fait beaucoup jaser. Les orages de fin de journée sont très intenses et selon une vidéo diffusée à la télé, l’avion aurait été frappée par la foudre. Les 3 personnes (et non 13 comme annoncé au début) n’auraient eu aucune chance. Ce matin, le comptoir de Totrugair grouillait de monde alors que l’employée de Salsa était toute seule et comptait sûrement les minutes qui la séparaient de sa pause.

Les grenouilles

Je ne parle pas ici du grenouillage politique (il s'en passe cette semaine pour la nomination du premier ministre), mais bien des grenouilles. Je suis debout à 4h30 ce matin pour me rendre à l'aéroport et prendre ce ... d'avion qui m'énerve autant. Ce sera une première depuis l'accident de la semaine dernière : Kenbe fò Labadie, Kenbe fò. Donc ce matin à 4h30, Claudette sort de sa chambre et se pousse doucement la tête hors du cadre de porte du salon où je déjeune pour me dire qu'il y a un crapaud dans sa chambre. Une petite grenouille. Rien à faire, elle est complètement paniquée, il faudra que je fasse le chasseur de grenouille et sorte l'intrus des lieux. La même fille qui ne s'énerve pas devant les araignées-crabes (tarentules), perd tous ses moyens devant une petite grenouille. Beaucoup d'ayisien ont peur des grenouilles alors que les anolis ou autres bestioles ne les effraient pas ! Dimanche, on mangeait chez des amis où un bon père de famille en forme et solide et son fils de 30 ans tout aussi baraqué racontaient comment ils avaient été 'gelés, pendant des heures à cause d'une grenouille dans la maison... Il y a quelque chose avec cette grenouille (ou le crapaud) qui fout l'effroi aux ayisien. Il faudra qu'un spécialiste de la mythologue haïtienne ou du vaudou m'explique. Merci à l'avance.

mercredi 28 septembre 2011

Les parfums

Lors de ma marche matinale, je croise toujours des parfums. Les parfums qui se dégagent naturellement d’un matin fortement arrosée par la nuit. Il y a aussi toutes ces fleurs, les avocatiers qui poussent leur fruit partout, les fleurs jaunes de giraumon qui sont dans leur phase de transformation. Et finalement, il y a ces haïtiens tout propres qui quittent la montagne pour le bureau. Des femmes en tailleur aux talons hauts assortis, des hommes cravatés à l’épinglette d’une grande banque, tout ce beau monde sort de la kay pour se taper un bon 45 minutes de marche dans des sentiers rocailleux avant d’atteindre l’asphalte où ils prendront un tap-tap pour descendre au centre-ville. Il est 5h45 du matin et il faudra dans 12 heures, remonter la pente à pied pour entrer à la maison. La petite famille reste à la maison, il faut quand même prendre soins des timoun, préparer le repas et remettre tout ce beau linge en état de retourner travailler demain.

lundi 26 septembre 2011

Buissonnière école

Le titre de ce blogue est relatif aux limites de ma connaissance de la langue française. En fait, je veux dire l’inverse de l’école buissonnière, j’ai donc écrit buissonnière école… OK, soyons sérieux. Aujourd’hui au bureau, deux petites voix féminine se faisaient la compétition, laquelle allait pousser dans les aigus davantage que l’autre. Ces deux petites filles (entre 5 et 9 ans ??). Depuis quelques semaines, ces deux petites voix terminent leur journée (de 15h00 à 17h00) dans les pourtours de mon bureau. Histoire complexe, mais elles viennent attendre avec leur petit ami (qui ne parle pas encore) que sa maman termine son travail. Je sors souvent pour leur faire un brin de jasette en créole. Elles trouvent ça plutôt drôle : « Pourquoi tu parles créole ? » Question impossible, si vous trouvez une réponse intelligente à cette question, faites-moi suivre. Je parlais donc avec les deux petites filles cet après-midi et les interrogeais sur le déroulement de leur journée. Elles ont passé la journée à l’école. À l’école ? Pas d’uniforme et avant la date décrétée par le Président (la semaine prochaine) ? Oui monsieur le blanc, l’école en cachette ! Officiellement pas commencée, des écoles sont ouvertes depuis quelques semaines et invitent les enfants à s’y présenter sans leur uniforme, question d’éviter les soupçons des autorités… Je vous l’avais dit, l’inverse de l’école buissonnière.

dimanche 25 septembre 2011

Des ONG qui font rire

Je fais suite à mon dernier billet sur l’anti-ONGisme en faisant un clin d’œil au clown. Ceux qui font rire les enfants et leurs parents, pas ceux qui dépriment les adultes. Samedi soir à l’Institut Français, la compagnie Kloun Tribò Babò était en spectacle. Dernière représentation d’une tournée qui leur a permis de faire le tour du pays (du plus creux au plus creux !) depuis trois mois pour présenter leur spectacle sur le choléra. Une autre façon de faire de la prévention. Le québécois qui est derrière cette folie avait déjà créé Clowns Sans Frontière avant de fonder Secours Rire. La troupe presque toute haïtienne (sauf lui) mène le show et comme à l’habitude nationale, les artistes locaux sont arrivés avec une heure de retard. Il en a profité pour dérider la foule, question d’entretenir la patience. Il a fallu qu'on se sauve avant la fin, le timon qu'on accompagnait a eu peur !!

samedi 24 septembre 2011

Un peu avant 6h00 du matin, la voilure de ce voilier était plus matinale que le vent qui semblait vouloir étirer son sommeil. Le voilier en question transporte des sacs de charbons, peut-être la plus grande exportation nationale. Je ne suis même pas certain de faire une blague !! Sur la route qui nous mène du Cap-Haïtien à Fort-Liberté (route que je sillonne souvent), on voit des dizaines de camions remplis de ces sacs de charbons, destination Ouanaminthe juste avant d’entrer en République-Dominicaine. C’est comme ça sur les routes qui traversent d’un pays à l’autre. Lors de la campagne électorale, le chiffre le plus cité par les politiciens (et le plus alarmant) parlait de 2% de couverture végétale dans le pays. 2% !! Il suffit de survoler Haïti à basse altitude pour constater ce 2%. À l’inverse. Dès que l’on traverse du côté de la République Dominicaine, on voit une nette différence, un peu comme la qualité de la route quand on sort du Québec pour rouler en Ontario ou aux États-Unis. J’ai des amis qui sont allés prendre quelques jours de vacances dans la région de la Grande-Anse la semaine dernière. Ils y ont vu le fameux 2%. Une région complètement enclavée qui avait réussi jusqu’ici à conserver sa couverture végétale. Sauf que …, on termine la construction d’une belle route (Cayes-Jérémie) qui va ainsi rendre intéressant la transformation à grande échelle de bois en charbon, question d’alimenter le marché voisin. J’ai lu à quelque part que les besoins en charbon de bois des haïtiens pouvaient être amplement comblés sans que ne soit affecté de manière sensible la couverture végétale du pays. L’enjeu est que le gouvernement voisin a mis en place une règlementation (et des moyens de l’appliquer) interdisant la coupe d’arbres à des fins de production de charbon de bois. Je pense à Plume avec sa chanson « Les Pauvres » quand je vois le pays s’auto-appauvrir de la sorte, un espèce de cercle infernal où ton état (État) pousse des conditions qui ne peuvent faire autre chose que de t’engluer encore davantage dans la pauvreté : « Les pauvres se font toujours avoir 
Sont donc pas d’affaires ! »

vendredi 23 septembre 2011

L'ONG-bashing

L’ONG-bashing est un peu comme l’antiaméricanisme, dans sa dimension primaire, il est plus con que la lune ! Je passe ma journée à entendre ce genre de propos où tout est de la faute des ONG. On met en boucle la ‘république des ONG’ de Paul Farmer et comme une affirmation a tendance à augmenter en crédibilité en fonction de l’augmentation du nombre de ses répétitions, on dit vrai parce que tout le monde avant l’a dit. Les ONG sont donc responsables d’une bonne partie des malheurs haïtiens, le président, le PM, des ministres, des directeurs généraux, des journalistes, la population générale, … tout le monde l’a dit. Même les ONG sont dans le mode ‘toutes des salopes sauf ma mère !’ Cette semaine, l’épiderme foncé de plusieurs de mes collègues haïtiens n’a pas pu passer au rouge (pour rouge de rage) quand j’ai osé questionner la responsabilité de l’État Haïtien dans ce foutoir que ONGiste. Parce que foutoir, il y a ! Des ONG vont là où il veulent pour faire ce qu’elles veulent, elles quittent sans avertir, elles affaiblissent la fonction publique en débauchant ses meilleures ressources, elles se font une compétition sur le dos du bon peuple, … La place à la critique est effectivement relativement grande. J’ai donc cherché à faire réfléchir mes amis sur les caractéristiques des répondants auxquels sont confrontés ces ONG inconscientes ou mal intentionnées. En fait, dans plusieurs cas, les ONG ne font face à personne, ou encore à des gens qui disent oui à tout et à son contraire. Je ne parle pas des semaines qui ont suivi le tremblement de terre où le gouvernement ne répondait presque même plus. On a vu récemment deux organisations se voir octroyer le mandat par un ministre de faire exactement la même chose !! Elles auront pris près de deux mois à comprendre que leurs actions se dupliquaient. J’entendais un responsable d’une de ses ONG me dire récemment qu’il rêve qu’on l’oriente, que l’État Haïtien définisse ses priorités, qu’on lui dise comment elle pourrait mieux répondre à un besoin, à un vrai besoin. Mais la nature ayant horreur du vide, les ONG comblent l’espace laissé libre en fonction de leur propre lecture des besoins, et surtout, de l’expertise qu’elles peuvent déployer. Il ne faut pas oublier non plus qu’elles ont des millions à dépenser, pas le temps d’attendre qu’un gouvernement dresse à nouveau le menu. L’idée ici n’est pas de dédouaner les ONG pour le capharnaüm dans lequel tout le monde est coincé, bien au contraire, mais c’est de rappeler que le tango, divinement ou maladroitement exécuté, se danse à deux.

mercredi 21 septembre 2011

Bonne journée

Au bar de l’hôtel en bordure de mer, le soleil se couche en faisant éclater les couleurs. Le rhum garde ses très bonnes habitudes même si des petits moustiques tentent de détruire la perfection du moment. Ils n’y arrivent pas. Je suis avec un québécois depuis quelques jours qui me demandait en mangeant ce midi comment j’arrivais à trouver ma motivation dans ce bordel qui n’annonce rien de bon. Vous savez, la tâche semble si titanesquement complexe qu’elle frôle l’impossible, que l’abandon apparaît comme une stratégie de survie. Fuir le bateau avant qu’il ne coule ou pendant, ça ne fait peut-être pas une très grande différence. Je lui disais que c’était les petits changements observables qui évitaient toute décompensation dans la dissonance cognitive, que l’erreur était de voir le tout dans son ensemble. En fait la journée au plan professionnel a été tellement bonne que même lui comprend maintenant où on pige sa motivation. Ce pays est rempli de gens trop intéressés, intéressants, motivés et motivants pour s’en décourager.

mardi 20 septembre 2011

Salsa

J'apprends ce soir que le dernier vol de la journée PAP/Cap-Haïtien a été le dernier vol à vie pour 13 personnes. Je dois refaire pour une xième fois ce trajet aérien la semaine prochaine. On va faire de la place pour toute sa rationalité, à moins que je traverse le pays en machine !?

Envoyé de mon iPhone

lundi 19 septembre 2011

Faites le calcul

Les deux commentaires associés à mon dernier billet reflètent une réalité bien haïtienne. Les gens qui sont atteints du SIDA ont effectivement droit à une offre de services que l’on peut facilement qualifier de ‘mirobolante’ (soins de santé, hébergement, alimentation scolarité des enfants…) considérant les soins auxquels ont accès les autres haïtiens. Dans le même ordre d’idée, les professionnels qui travaillent dans ce secteur ont droit à des conditions de travail presque aussi ‘mirobolantes’ (rémunération, espace, équipements, …) si on les compare à celles de leurs collègues qui sont dans le même hôpital, juste de l’autre côté du corridor. Quelques chiffres. Le budget de l’État Haïtien (en 2011) est de 88 milliards de gourdes dont seulement 30 milliards sont issus des coffres de l’État. Les 58 restant viennent des poches de l’international (2/3 du budget). Ayiti dépense 4% de son budget national pour le secteur de la santé, soit 3,5 milliards de gourdes (au Canada, on dépense trois fois plus, soit près de 12% du budget national). Le programme PEPFAR (President's Emergency Plan for AIDS Relief fondé par Georges Bush en 2003) aura dépensé 164 millions de $US, plus de 6,5 milliards de gourdes. Le taux de prévalence du VIH/SIDA en 2009 était de 2,2 % de la population. À vous de faire les calculs…

dimanche 18 septembre 2011

Catch-22

Le Devoir et La Presse ont eu une grosse prise dans les derniers jours en publiant des textes sur Paul Farmer. Ici, c’est une grande vedette de l’aide. Il travaille en Haïti depuis 30 ans auprès d’une ONG qui en créole s’appelle Zanmi la sante et en anglais, Partners in Health. Une grosse ONG qui oeuvre principalement dans le département du Centre où elle ferait un très bon travail. Les données sur l’accès aux soins et certaines statistiques de santé montreraient qu’il se passe là quelque chose qui ne se passe pas ailleurs. La rumeur est forte et j’avoue n’avoir jamais fait l’effort d’aller confirmer. Le bonhomme (dont l’organisation est proche d’Arcade Fire entre autres) a lancé il y a quelques mois la fameuse expression ‘république des ONG’ en soulignant le fait que l’État haïtien n’était plus de la partie quand vient le temps de planifier ou de mettre en œuvre des ‘services à la population’. Constat que je partage. Je ne connais pas personnellement le bonhomme et j’avoue être assez heureux de plusieurs positions qu’il défend plus clairement depuis le tremblement de terre. J’imagine le gars assez lucide pour être critique de son propre travail en Haïti depuis 30 ans. Le genre de lucidité qui te permet de te questionner, par exemple, sur l’impact d’un éventuel départ de ton organisation pour les services à la population : Auront-ils le même niveau de service (accès et qualité) avec les services de l’État ? Ou encore sur l’impact de ton organisation sur la capacité du système public : Combien de médecins ou d’infirmières ont quitté la fonction publioque pour venir travailler au sin de mon ONG ? Le réel enjeu avec cette formule de la ‘république des ONG’, est de naviguer dans un contexte où la population gagne tout de suite quelque chose, alors qu’on risque d’égrainer encore davantage la capacité d’intervenir de l’État. Dans un contexte d’urgence perpétuelle (les ouragans, le SIDA, la tuberculose, le paludisme, le choléra, ..), il faut choisir entre aider la population (aide internationale), ou développer la capacité du pays (développement international) à gérer les crises. C’est un catch-22, t’es certain de perdre. Tout ça pour dire que personne ne peut être contre la proposition du bonhomme de renforcer la capacité de l’État. Le défi est d’évaluer la faisabilité réelle d’une telle proposition. Ça pourrait vouloir dire par exemple de ne pas réagir (ou de réagir différemment) à certaines urgences. Dans le contexte de compétition (au sens marketting du terme) dans lequel se trouve les ONG qui veulent vos dons, je n’y crois pas beaucoup. À moins que les gens de la publicité et des relations publiques deviennent de vrais génies. Ça pourrait vouloir dire également que nos gouvernements ne chercheront plus à se faire du capital politique avec l’aide. Merci de douter avec moi de cette éventualité … Finalement, il faudrait que tout ce beau monde s’inscrive dans une relation de confiance avec le gouvernement haïtien. Penser que ce dernier vaut la peine d’être renforcé et qu’il gèrera adéquatement les fonds éventuellement transférés. Catch-22 je vous dis !

samedi 17 septembre 2011

La crème-à-glace

Au souper, on a fait une petite expérience. Un timoun de près de trois ans qui mange de la crème glacée pour la première fois de sa vie !! Se met l’affaire timidement dans la bouche et vite veut la recracher. On ne sait pas si c’est la texture, le goût ou la température qui suscite cette première réaction, mais Jo est certaine que c'est le froid qui l'a fait réagir. Elle a sûrement raison ! Mais comme les ouragans des caraïbes se laissent influencer par le battement d’aile d’un papillon quelque part au Portugal, le timoun en question a changé de cap. Le bol a dû être rempli à trois reprises avant d’être parfaitement léché. Particulier de s’imaginer que quelqu’un puisse ne pas avoir connu le plaisir de la crème-à-glace avant l’âge de trois ans. J’essaie d’imaginer ma vie sans la crème glacée… Impossible.

vendredi 16 septembre 2011

Tu craches

- Asefi !! Je ne comprends rien. Pourquoi le désigné Conille est passé devant la chambre basse (les députés) alors que pour les deux désignés précédents, pas eu le temps de passer devant les députés, ils ont été rejetés à la première étape de la chambre haute (le sénat) ? - Tu te poses trop de question ! Ne cherche pas de logique là où c’est l’intérêt qui mène. - Même quand c’est l’intérêt qui dirige l’orchestre, il y a une logique !? Celle de l’intéressé, on arrive à comprendre au moins. - C’est là que tu te trompes. La capacité de la politique haïtienne de créer un climat où il y a une absence complète de toutes logiques est incommensurable. L’objectif étant de maintenir constante une nébuleuse, le marronnage dans sa plus fine et subtile démonstration. Impossible à saisir, impossible de contrattaquer. T’as entendu l’absurde à la radio aujourd’hui ? Le rapporteur du comité spécial de la chambre basse qui lit un texte rempli de phrases vides mais bien tournées décorées de références légalistes à la constitution ou au droit international. En fait, les règles c’est comme les bornes, ça sert à être contourné. 89 députés sur 89 ont avalé la phrase du rapport qui concluait qu’en fonction de l’analyse des experts, le désigné vivait et travaillait en Haïti depuis 5 ans. Le gars avait un contrat des Nations Unies en Afrique !!! Payé par les Nations Unies. Il n’avait même pas de carte d’électeur mais en avait fait la demande !! Quand ?? Je ne sais pas combien l’affaire a coûté à la communauté internationale, mais une chose est certaine, il n’y a pas un seul député qui a refusé le pactol. - Tu changes de sujet, je veux comprendre pourquoi le processus de ratification a été modifié pour le troisième candidat. Dans un pays où tout les politiciens se gargarisent avec les articles de la constitution pour définir leur position de principe, c’est un peu paradoxale que la procédure de ratification ait été modifiée. - Généralement, après t’être gargarisé qu’est-ce que tu fais ? - Je ne te suis pas... - Tu craches !

jeudi 15 septembre 2011

À l'ombre

Deux jours que le centre-ville est bloqué. Le mouvement anti-minustah ne s’essouffle pas même si on ne peut pas dire qu’il prend de l’ampleur ou mobilise des milliers de personnes. Pour le moment, les étudiants de la Faculté d’ethnologie semblent être les instigateurs de ce mouvement de protestation. C’est du moins autour de leur faculté que les esprits s’échauffent. Hier, on avait été averti de ne pas s’y montrer le nez, mais ce matin, c’était le calme plat. On est donc parti avec Jean-Claude pour aller au ministère. Dès que nous sommes arrivés sur le Champ de Mars, on sentait une fébrilité naissante, un petit quelque chose que t’arrives à sentir sans toutefois pouvoir l’objectiver. Drôle de réflexe, comme si un sixième sens s’était développé. On a vu une bonne trentaine de personnes à un carrefour. Un gars qui sort du groupe et dépose un pneu dans le centre de la voie, un qui suit et vient asperger le kawoutchou d’essence. Pas eu le temps de voir le troisième qui allait tirer une allumette dans le cocktail, on a changé de direction et repris la route de la maison. Les hélico ont circulé au dessus de la ville une partie de la journée et le centre-ville une zone de restriction dans le langage de la sécurité de la coopération canadienne. Outre la récente agression sexuelle d’un jeune haïtien par des soldats uruguayens, il y a le questionnement ‘annuel’ aux Nations Unies sur le maintien de la Minustah. La fin officielle du mandat de la force onusienne est dans quelques semaines, mais personne ne doute qu’il sera renouvelé. C’est le souhait du président même si un sondage maison faite par HPN (plus de 1500 répondants) montre que près de 2 haïtiens sur 3 estiment que le pays pourrait se passer de la présence de la Minustah. Avec ces manifestations, ce sont les quelques milliers de ‘campeurs’ du Champ de Mars qui sont coincés entre les tirs de fusil, les pneus qui brûlent et la vapeur des gaz lacrymogènes. Pendant ce temps, le reste du pays se la coule douce. Comme ce timoun qui apporte à sa marchande de mère le matériel qui lui permettrait de se faire gazer par les voitures toutes la journée, confortablement assise sur le bord du trottoir et à l’ombre.

mardi 13 septembre 2011

Les pieds dans la même bottine

On met le pied gauche dans la sandale de droite, et le droit dans la sandale de gauche, mais on n'a toutefois pas les pieds dans la même bottine ! Allez voir notre nouveau blogue (http://pouyo.blogspot.com/), celui qui nous permettra de ramasser de votre argent pour aider l’orphelinat. On vous l’avait promis et … vous vous étiez engagés !!

lundi 12 septembre 2011

Le négocié

On n’en oublie la politique !! Pourtant, comme le Bon Dieu, elle est partout en même temps. On a donc lancé les démarches pour la ratification (ou non) d’un troisième candidat au poste de premier ministre. Les chances Gary Conille semblent plutôt bonnes selon … (vous avez deviné !?) … la rumeur. Il semble que le groupe des 16 (les 16 sénateurs issus de l’Inite et du GPR) a annoncé être prêt à ratifier ce choix ‘négocié’ avec le président. Négocié, c’est le passeport vers le poste. Tout ce qu’il y a de politiciens professionnels s’étaient énervés du fait que l’inexpérimenté président avait bafoué l’honorabilité de la haute chambre en ne consultant pas ses zouaves lors de ses deux premières tentatives. Pas pour la troisième, à cette étape-ci du processus du moins. Ce weekend, on a vu un peu de tèt chod (les têtes qui s’échauffent) autour du candidat quand des conseillers de Martelly (éventuellement pas très heureux du résultat de la négociation) auraient tenté (toujours selon la rumeur) de faire signer au désigné une lettre de démission pas encore datée, question que le président puisse s’en débarrasser au moment opportun. Le désigné outré aurait proposé de se retirer du processus jusqu’à ce que le président le convainque qu’il ne partageait pas du tout le zèle de ses conseillers. Conseillers qui en fait estiment que le candidat est trop proche du parti de l’ex-président Préval, l’Inite. Du côté de l’Inite, certains reprochent au désigné au contraire d’être trop proche de Duvalier. Le père de Conille a été ministre sous Duvalier (et était un ‘vrai’ duvaliériste selon …). L’association du négocié à Duvalier lui aurait même valu de passer à quelques doigts de la mort au moment des soulèvements étudiants anti-duvalier (pro-aristide), il avait été ciblé par les manifestants et a soufflé quelques claques sur le nez. Outre ses allégeances politiques encore impossibles à clarifier, madame Manigat a pris la parole ce weekend pour dire, du haut de son statut de spécialiste de la constitution, que Garry Conille ne respectait pas le prescrit constitutionnel pour accéder au poste de premier ministre. Il n’a pas résidé en Ayiti au cours des 5 dernières années et son statut de ‘diplomate’ ne serait pas confirmable, il travaillait pour les Nations unies et non pour Ayiti. Madame Manigat sait aussi bien que tout le monde que la logique de l’analyse de la constitution ne refroidit aucun ardeur de parlementaires. Ils ont déjà rejeté ‘techniquement’ un dossier pour l’accepter quelques mois plus tard (Bellerive). Les dernières critiques (qui sont en fait les premières) est que le désigné est celui de l’international et qu’il a été imposé (une forme de négociation) aux sénateurs et à Martelly. En fait, le négocié n’a probablement pas besoin de respecter complètement les critères constitutionnels ni de faire des heureux dans la communauté nationale, son statut de négocié l’en dispense.

dimanche 11 septembre 2011

Pas assez souvent

Le vacarme de la génératrice combattait le son des boîtes qui crachaient la musique de l’orchestre. Seule la ferveur des adeptes se faisait clairement entendre. On s’imagine faussement que les transes font partie du folklore vodouisant, c’est justement faux. L’énergie avec laquelle plusieurs haïtiens protestants s’engagent dans la prière pourrait faire peur. Une église pleine à craquer, une cérémonie qui dure quelques heures, tout le monde sous ses plus beaux atours. On prie, on chante, on danse, on présente un nouveau né, on souligne l’anniversaire de quelques frères et sœurs, on écoute les témoignages dits ou chantés, on remercie celui qui a donné 20$ US à l’église, on félicite les lauréats du bach et encourage ceux qui s’y sont pétés le nez, on prie, on chante on … Quand, en plus, on a fait la liste des activités de la semaine qui arrive, on comprend que c’est du sérieux. J’imagine qu’il faut s’immerger dans ce genre d’évènements pour mieux comprendre une culture où l’extériorité et l’intériorité se confondent sans toutefois jamais se marier. Pas assez souvent du moins.

vendredi 9 septembre 2011

Le rêve

Ce bateau de la garde côtière américaine mouillait en eau haïtienne cette semaine. Il s’amenait lentement vers le port du Cap-Haïtien. À son bord, fort probablement, des boat peoples haïtiens interceptés quelque part en eau internationale ou en eau américaine. En quittant l’île du côté du Cap-Haïtien, ces bateaux de fortune (drôle d’expression quand même !!) qui entassent des centaines de personnes tentent de se rendre en Floride. Les États-Unis, c’est bien connu, le pays de la liberté, le rêve. Le rêve peut virer au cauchemar, mais la logique même du rêve, c’est d’être éclatant. Au passage, certains débarquent dans les Île Turks et Caicos, dans les Bahamas ou en Jamaïque. J’imagine que d’autres sautent à l’eau en passant aux abords de Cuba ? Il faut fouiller sur le Net pour trouver des dizaines d’exemples de catastrophes. Des bateaux qui coulent et attirent au fond de la mer les rêveurs. D’autres reviennent, comme sur ce bateau, dans le cauchemar qu’ils voulaient fuir. Le rêve fait toujours courir les foules, même vers le cauchemar.

La pluie de la veille

À 6 heures du matin, les nuages trop fatigués de la veille n’arriveraient plus à se lever. Il a tellement plu hier soir, que Port-au-Prince n’a peut-être pas dormi !? Le petit bout de route entre la Place Saint-Pierre et Pélerin 9 (c’est là qu’on habite) a pris deux heures. Une partie des bordures de la route de Kenscoff a été emportée par les pluies. Le sentier de marche que je fais tous les matins depuis quelques semaines était presque devenu impraticable. Un des résidents de la montagne que je salue tous les matins n’avait pas envie d’être sympathique. Au téléphone, il parlait à Gabo pour qu’il vienne l’aider à vider l’eau coincée dans sa maison. Selon les infos publiées sur HPN, on comptait déjà quelques morts hier soir, des gens emportés par des ravines en crue. Des quartiers complets de la capitale auraient été inondés. Et dire que Maria hésite encore à nous placer dans sa trajectoire.

jeudi 8 septembre 2011

Planifier sa sortie

S’en va, ne s’en va pas … C’est le genre de dilemme pseudo cornélien sur lequel la Minustah arrive toujours à faire l’équilibriste. En fonction d’une certaine logique légaliste, il faudrait plier bagages, mais sur le fond de l’affaire, quitter risquerait de plonger la population et les expats dans un nouveau chaos. J’essaie de m’imaginer la réaction canadienne à un retrait de la Minustah, je pense que nous serions fortement invités à rentrer dans le froid. Ici donc, le ton a augmenté d’un ton (justement) au cours des derniers jours. La Minustah, outre le simple fait d’être une force d’occupation, a engrangé quelques gaffes au cours des dernières années, gaffes qui poussent beaucoup d’haïtiens à souhaiter son départ. Il y a des histories de viol, de meurtre, de vol, le choléra et la dernière en date, l’agression sexuelle de soldats uruguayens sur un jeune de Port-Salut, zone touristique du sud du pays. La grogne est si intense que « tous » les haïtiens ont vu la vidéo qui a circulé sur Youtube montrant les soldats en train d’humilier le jeune homme, tous même si probablement moins de 20% des haïtiens ont accès au Web ! Rien n’est encore confirmé (et ne le sera jamais…) sur la véracité de cette histoire de viol du jeune haïtien par des soldats uruguayens, mais la Minustah n’a pas pris de chance à remis ces joyeux soldats sur l’avion, un aller simple vers la maison. La vidéo (qui ne présente pas le viol mais une scène de domination franchement humiliante) est en soi assez choquante pour que le président uruguayen offre des excuses à son homologue et au peuple haïtiens. Les médias et la rue se sont emparés de l’histoire. Aux abords du Champs de Mars, on trouvait cette affiche où on invitait les masisi (homosexuels) à quitter au plus vite le pays. La Minustah répète aujourd’hui ce qu’elle répète depuis deux ans, qu’elle planifie son retrait. Martelly le répète également et parle de la mise en forme d’une force nationale capable de prendre la place que les soldats onusiens vont laisser. Son discours est moins décisif sur cette question, le bonhomme comprend que ses plus grands alliés dans le contexte politique actuel sont à l’extérieur du pays. Les forces politiques haïtiennes comme la fonction publique (dont la PNH) seraient plutôt à couteau-tiré avec un président qui prend une bonne partie de sa popularité dans le creuset de la désaffectation populaire envers les politiciens et fonctionnaires. Si la Minustah continue de se tirer dans le pied, on peut penser que son plan de sortie (auquel je ne crois pas du tout) confronte un échéancier un peu plus serré.

mercredi 7 septembre 2011

Le Cap

Cette photo a été faite sur le pont qui permet d'entrer dans la ville du Cap-Haïtien. Deuxième grande agglomération du pays avec ses universités et son hôpital universitaire. Tout le monde raconte que le Cap était la plus belle ville du pays. Les trente dernières années ont permis une lente descente vers, disons, la bidonvillisation. On peut bien voir que le cadre a sûrement été attrayant. La ville vit quelques émois depuis deux semaines, deux lieux de culte ayant été saccagés dont la cathédrale. Dans ce pays où la diversité des religions faisait enfin l'objet d'une paix relative. Il y a bien eu la lutte contre le vaudou, mais on serait dans une phase pacifiste depuis les dernières années. C'est sûrement pour cette raison que les responsables de tous les cultes s'unissent pour dénoncer ces actes. Pas besoin d'une guerre de religion dans cet enfer !!

La pêche

Pour faire suite à mon dernier billet. Aux petites heures du matin, ce pêcheur 'artisanal' sort de l'eau avec une prise qui lui permettra de nourrir la petite famille.

lundi 5 septembre 2011

La mer


Les ayisien sont comme les montréalais, ce sont des insulaires qui ne savent pas nager. Je veux dire qu’ils vivent sur une île sans trop sans rendre compte. À la mer ce week-end, on voyait ces familles débarquer de Port-au-Prince ou de Pétion-Ville, des maillots de bain tout neufs, les enfants avec des swim-aid bien gonflés et la panique des ‘bonnes’ de voir des ti-culs se mouiller jusqu’au cou. À la plage, on amène la bonne s’occuper des enfants, question de mieux siroter le whisky. Chacun son dimanche de congé. Je pensais à cette fausse insularité ce matin en traversant le pays en avion. On voit toutes ces villes ou tous ces villages dont les résidents n’ont jamais senti le sel de la mer. Pas d’argent, pas de temps, pas de transport. Claudette ou Jean-Claude nous ont déjà accompagnés à la mer avec … leurs enfants. Tu vois des familles haïtiennes qui mettent le pied dans la mer pour une des rares fois de leur vie. Je ne parle pas des villageois qui sont bercés par les côtes, eux, vivent dans l’eau. C’est l’une des réalités dont on entend presque jamais parlé en Ayiti. Pour le développement économique, on parle de tourisme et les zones franches. Peut-être y aurait-il des mines intéressantes dans le centre du pays ? Mais les pêcheries ? Absentes, la proximité de la mer ne sert qu’à inspirer une fraîcheur relative des produits proposés sur le bord des plages par les adolescents-pêcheurs. Jamais on n’aborde la mer comme stratégie de développement économique.

vendredi 2 septembre 2011

Bruckner


Deux des portes du salon sont ouvertes sur l’éclairage des étoiles. Jo, comme moi, est assise à son ordinateur. Je me garde ce qui reste du dernier Fred Vargas pour la plage ce week-end. Bruckner fait compétition aux grillons qui frottent leurs élytres (vive Internet !!). J’écoute Bruckner depuis qu’un fou d’Ayiti m’a dit que c’était son exutoire pour continuer à y vivre. Au lieu de prendre l’avion quand l’haïtianité le fait trop souffrir, il écoute Bruckner. Des écouteurs pour couvrir les sons de la vie haïtienne, la musique d’un orchestre allemand où 100 musiciens oublient l'individualité de leur extraordinaire talent pour participer à une œuvre collective. Une grande œuvre collective. C’est de cette façon qu’il m’a décrit son antidote contre la déprime. Depuis,... j’écoute Bruckner.

jeudi 1 septembre 2011

Et si on attendait novembre


Le sort du prochain premier ministre désigné a déjà commencé à se jouer. Celui qui est toujours sous les feux de la rampe, Dr Garry Conille, pourrait faire l’objet de plusieurs complications à la chambre haute. En premier lieu, un passionnant débat philosophico-politico-historiso-juridico-banane sur l’application des six critères définis dans l’article 157 de la constitution. Est-ce qu’ils s’appliquent tous de manière équivalent ? Si non, lequel ou lesquels pourraient être plus facilement négociable. Parmi ces critères, il y a celui qui détermine que la personne doit rester depuis 5 ans dans le pays. Le bonhomme travaille depuis quelques années aux Nations-Unies et en Afrique depuis au moins deux mois. La porte est donc ouverte aux élucubrations politiciennes pour nous offrir une longue et pénible joute oratoire, spécialité locale. Au plan de l’analyse stratégique, je fais une hypothèse. Martelly gagne du temps avec une autre candidature qui risque de se dégonfler, question de pousser le tout jusqu’en novembre où on devrait assister à des élections sénatoriales qui met entre autres dans la balance le sort de 9 des 16 sénateurs du G16, le groupe d’opposition. Bien jouer ces prochaines sénatoriales pourrait permettre au bonhomme de se constituer enfin une majorité dans la chambre haute. Pour la majorité de la chambre basse, l’affaire est déjà dans le sac. Vaut peut-être mieux attendre le mois des morts pour enfin gouverner.