mercredi 28 octobre 2009

« Pourquoi ça irait bien quand ça peut aller mal ! »


On a vu la situation du pays évoluer de manière quelque peu positive depuis notre arrivée. Les statistiques sur la criminalité ont continuellement chuté, une partie importante de la dette (donc du loyer de l’intérêt sur le trésor public) s’évaporer sous le souffle de la communauté internationale, les ouragans éviter l’île, deux organisations internationales tenir leur congrès annuels à PAP pour encourager le pays et Clinton débarquer avec 600 investisseurs pour relancer l’économie du pays. Un souffle un peu plus positif dans le cou de la population, même si on est toujours très loin d’un ‘open house’ généralisé. On n’allait quand même pas permettre à la pente positive de continuer son évolution sans réagir, il faut mettre un peu de sable dans la machine. Le sable ici étant comme la neige en plein hiver au Canada, une ressource inépuisable. On voit donc les politiciens (les sénateurs en particulier) commencer à générer une instabilité politique en interpellant la première ministre et son gouvernement qui devrait logiquement tomber ce vendredi. Le parti du Président (Lespwa) a repris la majorité au sénat depuis les dernières élections et on compte bien s’en servir. Sereine, la première ministre qu’on accuse d’avoir fait disparaître 190 millions de $US, a lancé trois enquêtes pour identifier où ont coulé ces billets verts. Deux hypothèses pour expliquer l’assaut des sénateurs, assaut qualifié de vulgaire et d’inapproprié par plusieurs commentateurs : 1- Un trop grande nombre de sénateurs ne veulent pas que les résultats de ces trois enquêtes soient connus ou ; 2-Un trop grand nombre de sénateurs n’étaient pas à leur bureau quand l’enveloppe brune est passée… Impossible dans un pays comme Haïti d’aborder la question politique sans que le mot corruption apparaisse. Je sais qu’au Québec on pense la même chose actuellement…

dimanche 25 octobre 2009

Gestion des déchets

Il y a de ce genre de bidule que l’on n’imagine pas tant que nous n’y mettons pas les pieds … ou le nez. Un hôpital génère quotidiennement des tas de déchets. Au Québec par exemple, nos hôpitaux ont des expertises et des ressources (humaines, financières et matérielles) pour gérer tous les jours les déchets produits, l’un des enjeux important étant bien évidement la prévention des infections. Objets coupant ou piquant, toutes les formes de pansements ou déchets humains (pensons juste aux placentas dans ce pays de femmes enceintes…) sont les exemples les plus évidents. Pensez au fait que l’expertise et les ressources sont celles d’un pays en développement, ajoutez-y quelques malversations, des animaux affamés à l’air libre (cochons, cabris, chiens et poules) ainsi qu’un 35 degré Celsius en quasi permanence, vous avez un cocktail explosif. Le ministère de la santé du pays (MSPP) a été appuyé par les organisations internationales dans les dernières années pour se donner des moyens de mieux gérer les déchets biomédicaux. On travaille à doter chaque hôpital d’un incinérateur et de pratiques adéquates pour gérer les déchets. On veut bien évidement enrayer des problèmes potentiels de santé publique, mais on veut également vider les cours des hôpitaux de ces tas de fatras aussi désagréables pour les yeux que pour le nez. La corruption, comme l’air, se respire partout. Des entreprises ayant eu le contrat de gérer ces déchets pour certaines institutions se servaient du dépotoir naturel qu’est la mer. Elle est juste à côté… Il y a quelques années, des déchets hospitaliers en provenance d’Ayiti se sont retrouvés sur des plages bondées de la Jamaïque et de Cuba… Disons qu’au plan des relations internationales, on peut imaginer mieux. Lors des grèves ‘régulières’ dans les hôpitaux, les déchets deviennent également un excellent outil de négociation. Rapidement, les voisins se plaignent des odeurs et les journaux font leur une de certaines photos croustillantes. Au centre-ville de PAP lors de la dernière grève, la présence d’un bébé mort sur un tas de fatras a eu son effet.

samedi 17 octobre 2009

Neg pran pouwa !


J’ai reçu un compliment cette semaine. Une vraie première dans ma vie d’expat. Un collègue haïtien, le genre de gars à qui tu fais une longue poignée de main et une accolade vigoureuse, un gars à qui, au Québec, tu donnerais une ‘bean’ pour lui signifier que t’es content de le voir, m’a dit que j’avais pris du poids. Ça faisait plus d’un mois que nous nous étions vus et il a constaté que mon adaptation à la bouffe haïtienne se déroulait plutôt bien. Entre neg, on ne perd pas ce genre d’occasion de se frapper amoureusement. En fait, son compliment, neg pran pouwa !, marquait un passage dans ma vie d’expat, pour la première fois on m’appelait neg. Comme nègre chez nous. Dans son « le monsieur prend du poids ! », il me reconnaissait une appartenance à la même communauté que la sienne. Si le terme nègre est proscrit de notre vocabulaire québécois, il est ici utilisé entre les haïtiens sans aucun embarras. Il ne faut pas comme blanc faire l’imbécilité de les appeler nègres, ils sont très conscients du sens que nous donnons à cette expression. Mais entre eux ou dans les médias, le neg c’est l’autre, le monsieur. J’étais donc content de me faire dire que j’avais pris du poids, pas trop, mais juste assez.

lundi 12 octobre 2009

Dieu les aime


Une autre soirée étendu dans un lit d’hôtel à attendre que la prochaine journée commence. L’internet, comme souvent, a pris un break. L’ordinateur est ouvert sur le lit et rêve que je le ferme. Il chauffe un peu trop dans une chambre où la clim est morte. J’écoute la voie planante de Geoffrey Gurumul (chanteur africain) sur mon Iphone. Il raconte sa vie dans une chanson, quelques bouts que je peux comprendre dans la mesure où ils sont en anglais. Il ne sait pas pourquoi il est né aveugle mais ce n’est pas trop grave, Dieux le sait et il l’aime tant. Dieu l’aime tant. Je songe à la vie de plusieurs aysien que je côtoie que Dieu aime tant itou. Je pense au chien et à son amoureuse que j’ai dérangés cet après-midi, langoureusement embrochés sur une montagne de fatras près de la mer. L’électricité vient de foutre le camp. Seule la lueur de l’écran éclaire la pièce. Trouver la bouteille d’eau pour se brosser les dents, trouver le bol pour la dernière pisse de la journée. Fait noir dans un pays de noirs. Au moins Dieu éclaire leur vie, même celle des noirs aveugles.

jeudi 8 octobre 2009

Quand tu joues du banjo à une seule corde...


Un professeur d’université avec qui j’ai travaillé pendant quelques années disait que la pauvreté correspondait au fait de n'avoir qu’un marteau dans son coffre à outils. Pour cogner des clous c’est assez efficace, mais pour visser une tête-carrée, couper un wire de métal, scier un 2 par 4 ou toutes autres besognes nécessaires à monter une commode IKEA par exemple, tu atteints vite certaines limites. La très grande pauvreté d’Ayiti vient d’être reconfirmée cette semaine. Le Programme des nations unies pour le développement (PNUD) vient de publier ses chiffres sur l’Indice de développement humain (IDH). Le Canada est 4ième sur 182 pays alors qu’Haïti se retrouve 149ième. Juste après la Papouasie-Nouvelle-Guinée et avant le Soudan. L’IDH est une mesure qui intègre différents indicateurs sociaux et économiques et donne une idée de la capacité des États à soutenir le développement de sa population. L’indice comptabilise des données sur l’espérance de vie (Ayiti est 133ième), l’éducation (125ième) et le niveau de vie (158ième). Dans ce classement, Ayiti arrive toutefois bon dernier pour l’Amérique… La bonne nouvelle, c’est que les résultats du pays ont évolué de manière constante depuis 1980 (0,77% par année en moyenne) et ce même si la rumeur publique affirme l’inverse. Quand, dans le concert des nations, tu joues du banjo à une seule corde, ta capacité à participer au son d’ensemble manque un peu de punch…

vendredi 2 octobre 2009

Clinton et les jordaniens


La présence internationale de la Minustah nous offre plusieurs visions antinomiques. Des militaires venus de pays arabes qui se baignent tout habillés (pantalon long et chandail) entourés d’haïtiennes légèrement vêtues sur une des plages les plus populaires de la région de PAP. Soldat népalais de 4 pieds 6 pouces appuyé à la ‘Ken Dryden’ sur sa mitraillette, complètement seul sur le trottoir le plus passant du pays. Militaires brésiliens habillés pour survivre au moins 20 (cagoules sous le casque bleu, gants et veste anti-balle) qui assurent la circulation dans les embouteillages du centre-ville en plein zénith. La visite de Clinton cette semaine (accompagné de deux cent gens d’affaire) a aussi laissé entrevoir le même genre de vision cocasse. On trouve en face de nos bureaux la résidence de fonction de l'ambassadeur américain et Clinton y a séjourné. Notre rue a donc été envahie par des militaires jordaniens. Imaginez, un ex-président américain dont la sécurité est prise en charge par des militaires d'un pays arabe...