lundi 30 avril 2012

Enfin un débat au Québec

On parle du Québec depuis quelques jours. Samedi matin sur RFI, un reportage sur la situation canadienne qui se dégrade après plus de deux mois de manifestations. Après cette manchette aussi vaste que le ‘pluss beau pays du monde’, on comprendra que la journaliste de la radio française résume les manifestations étudiantes qui colorent les murs de des grandes villes du Québec depuis le mois de février. En expliquant rapidement l’enjeu de ces manifestations (leur dimension ‘manifeste’ sans vouloir faire un jeu de mot trop facile) et le fait que les esprits s’échauffent entre les vrais manifestants (les étudiants), les professionnels (ceux qui ne cherchent qu’à en découdre avec les policiers) et les forces de l’ordre. On nous explique également que le ton monte entre les associations étudiantes et le gouvernement. Ce matin sur une radio de PAP, entre deux appels vers le correspondant qui faisait le pied de grue dans la salle de presse de l’aéroport pour couvrir le retour du président, l’animateur en a profité pour nous parler lui aussi d’informer les haïtiens sur ce qui se passe au Québec. À l’automne dernier, j’avais écrit sur la reprise de cette que le Québec n’a jamais réglé (le lien), pas besoin de revenir sur le nœud ‘politique’ du problème. Ce qui me frappe le plus dans ce débat que je surveille quotidiennement mais de loin, c’est l’ampleur des manifestations et le fait qu’elles ouvrent clairement l’affaire dans l’arène gauche-droite. Juste de ce point de vue, c’est peut-être une bonne nouvelle pour mon pays. J’en étais arrivé à penser que seul l’environnement pouvait vraiment mobiliser les québécois. Prenez le Suroît, Orford, le gaz de schiste ou le jour de la terre, les seules occasions (sauf pour la guerre en Irak !) où les rues se sont remplies ‘naturellement'.

samedi 28 avril 2012

"J'irai finir mes jours ailleurs"

Konstitisyon se papye, bayonèt se fè est un proverbe haïtien qui peut être traduit de la manière suivante : ‘La constitution est en papier, la baïonnette est en fer’. Allusion simple à une réalité qui a meublé l’histoire du pays, celle qui veut que les armes aient toujours eu le dessus sur la loi. C’est Asefi qui me rappelait ce proverbe au moment où elle manifestait son inquiétude face à cette milice qui s’installe de plus en plus solidement dans la vie politique.
- J’ai toujours choisi de rester ici malgré l’évolution des 25 dernières années, mais je t’avoue que cette nouvelle milice et sa jumelle – la remobilisation des forces armées nationales – bouffent mes dernières amoures du pays. - Tu y vas fort !
- C’est con comme l’histoire semble vouloir tristement se répéter. Je commence à penser comme ces pessimistes qui croient qu’Haïti s’en sortira jamais !! Duvalier avait manifesté son désaccord quand les VSN (Volontaires pour la sécurité nationale, les tontons macoutes en fait) ont commencé à se manifester. On aura vite compris qu’il était derrière cette force qui l’a bien servie. Aujourd’hui, on ne sait toujours pas qui finance leurs beaux 4X4 neufs et leurs armes de guerre. Ils ont réinvesti des anciennes casernes sans être vraiment inquiétés par le gouvernement. Beaucoup de cash et assez bien souchée pour s’équiper pour la guerre et investir sans contrainte des anciennes casernes militaires, difficile de ne pas faire l’hypothèse que cette milice émerge directement des plus hautes sphères du pouvoir.
- On parle effectivement de la milice rose …
- Ce qui m’inquiète en plus, c’est la brouille qui se développe autour de la PNH. Plusieurs policiers abattus dans les dernières semaines – l’entourage d’un député est en cause dans l’un de ces assassinats –, des policiers qui font la grève et foutent le bordel dans plusieurs villes du pays, leur directeur général qui est franchement à couteaux tirés avec la présidence et le ministère de la justice ... Il y a entre ces deux situations, un parallèle qui me dérange. On a beaucoup à se plaindre de notre police nationale, mais son évolution récente nous laissait penser qu’on commençait à approcher de la modernité. Quand des milliers de nouveaux hommes armés et sous-payés de l’armée et de cette milice rose vont rétablir leur droit de propriété, on va replonger dans un arbitraire que je n’ai pas connu et que je ne souhaite pas connaître. Je te le dis, j’irai finir mes jours ailleurs.

jeudi 26 avril 2012

Ça déborde de partout

Brel ne serait pas dépaysé depuis quelques jours, Ayiti – qui veut dire montage – ressemble davantage à son plat pays. On a la tête dans les nuages, mais pas au sens figuré. Le soleil n’a même pas trouvé deux minutes pour se tailler une petite place entre les nuages depuis deux jours. Il pleut, il pleut et il pleut. Après, il repleut ! On est sous l’alerte orange et le nombre de personnes qui malheureusement vivent leur dernier jour dans cette abondance continue de grimper. Plus de dix morts sous les pluies d’hier. Les ravines deviennent des rapides et le terrain friable se met à glisser. Hop, des maisons et des gens qui se font emporter... Le secteur du Canapé-Vert devient une folie de boue presqu’à tous les jours. Il semble qu’une rivière soit en train de reprendre la place que la civilisation lui avait enlevée il y a quelques années. Des secteurs du pays deviennent inaccessibles et l’hôpital de la ville des Cayes se retrouve une fois de plus sous plusieurs centimètres d’eau. C’est fou, ça déborde de partout.

mercredi 25 avril 2012

Les ti-culs dans le collimateur

Vivre dans un pays comme Haïti, c’est entre autres chercher par quel bout prendre le malade pour enclencher la thérapie. Il y a ici assez de ‘problèmes fondamentaux’ pour vous offrir autant de ‘bouts’ que vous voulez. Pauvreté, magouille, sous-alimentation, analphabétisme, violence, environnement, plan d’urbanisme, impunité, … Bien évidemment, vous me direz que tout est lié et qu’à partir du moment où on attrapera comme il faut un des fils qui pend, l’ensemble de la courte pointe suivra. Peut-être !? Dans ce bordel de fils qui pendent, les kidlib demeurent ceux qui m’interpellent le plus, même à près trois ans Les kidlib sont ces jeunes abandonnés qui errent dans les rues à la recherche de kob pour survivre. Les plus jeunes ont 5 ou 6 ans. On les dit ‘libres’ parce qu’ils ont (ou auraient) été abandonnés par leurs parents. Plusieurs d’entres-eux auraient fuit les conditions misérables des milliers d’orphelinats qui peuplent ce coin du monde. Les kidlib sont partout où il y a de l’argent. Les alentours de tous les restos, bars ou commerces qu’aspirent les cartes Visa des blancs sont envahis de ces kidlib qui surveillent et ou lavent votre voiture. On les trouve aussi atour des feux de circulation, là où les voitures peuvent rester stationnées assez longtemps pour quêter un peu de kob ou dépoussiérer la machine avec un linge crasseux à faire peur. Presque toujours, ils sont en ‘gang’ avec tout ce que ce genre de phénomène pousse comme rapports de force malsains. Le plus vieux de 12 ans écrase les doigts du plus jeune de 6 ans pour récupérer le 5 gourdes qu’il vient de pêcher … On s’imagine facilement que les réseaux criminels bien organisés trouvent dans cette meute de novices tout ce qu’il faut pour maintenir leurs lucratives activités. Si demain on me donnait quelques millions à gérer en me demandant de m’attaquer à un ‘problème fondamental’ du pays, je placerais ces ti-culs dans mon collimateur. Développer un programme complet pour leur offrir autre chose que la rue et les inscrire dans un nouveau rapport au monde. Essayer au moins de leur offrir un autre avenir.

lundi 23 avril 2012

Vacances

Je suis en vacances cette semaine. Et pour deux semaines svp… Théoriquement du moins. J’ai travaillé aujourd’hui et ce sera la même recette demain. Une rencontre avec la ministre qui s’est pointée à la dernière minute. (je parle de la rencontre, et non de la ministre). Avec le partenaire principal, on travaille comme des fous et cette rencontre arrive à point, pas question de la manquer. Des vacances qui arrivent à point. Les derniers mois ont été intenses et la dernière vraie pause remonte à trop longtemps. Il y a cette grippe qui s’est accrochée à mes poumons depuis trop longtemps, je vais essayer de la noyer dans le sommeil. On reste ici parce que Jo n’a pas mes conditions de travail, dont le temps dévolu aux vacances. Je veux aussi en profiter pour faire le ménage dans mes photos des trois dernières années., régler mon problème de BBQ, faire des petites recettes et aller faire aller mon kodak dans des coins de la ville encore inexploré. Il faudra toutefois que la vie se calme un peu. Des pneus brûlent dans plusieurs secteurs de la ville depuis quelques jours, les policiers protestant leurs conditions de travail et le traitement du décès d’un de leur collègue, possiblement assassiné par le gardien de sécurité d’un député …

dimanche 22 avril 2012

La bible

Comme tous les dimanche, les choristes de l’église baptiste accompagnent notre réveil. Dimanche en Haïti, comme dimanche dans certains quartiers de Montréal, c’est la journée du beau costume, de la belle robe. L’église oblige. Le couple de vieux qui grimpe la côte pour se rendre à l’église sue à grosses goûttes. Les deux trainent dans leur main cette bible qu’ils sont probablement incapables de lire. « Pas besoin de savoir lire, on l’apprend par cœur » me disait un bigot.

vendredi 20 avril 2012

Deux petites histoires

Dans le Miami Herald cette semaine, il y avait cet article (le lien) dont le titre frôle la malhonnêteté intellectuelle. Deux évènements placés côte à côte sans qu’un lien très clair les unisse, un cerveau divague facilement dans la logique d’une relation causale … Et hop, on a une grosse histoire au lieu de deux petites. La première de ces deux histoires concerne le départ urgent du président vers Miami. Dans la journée de lundi, les médecins ont décidé de mettre le président sur un avion pour l’amener prèse prèse (pressé pressé, en référence au billet de ) vers la Floride. Une embolie pulmonaire dont la gravité n’est pas encore claire mais qui théoriquement, aurait pu porter des conséquences importantes pour sa santé. Le deuxième évènement concerne l’entrée ‘en force’ d’ex-militaires dans le parlement au moment où les députés débutaient leurs travaux pour la désignation du premier ministre. Les travaux ont été arrêtés et, bien évidemment, la vie démocratique nationale a été égratignée. Un peu plus ou un peu moins … Tout ce qu’il y a de politiciens (élus ou choisis) a fortement crié au scandale, dans un contexte où cette force (dont la paternité – ou la maternité ? – fait toujours l’objet de rumeurs) continue doucement et silencieusement à s’incruster dans la vie nationale. Un président absent pour cause de maladie et des militaires (ex-militaires, milices, …) qui fracassent les portes d’un parlement, il en faut moins pour imaginer un coup d’État, surtout dans un pays qui les collectionne. Surtout que ce mercredi, la vie du centre-ville a été perturbée par des manifestations policières (un policier a été assassiné et ses collègues sont sur les dents) qui ont tourné aux affrontements armés. Contre qui ? Personne n’en parle !!!

mercredi 18 avril 2012

Les conditions s'améliorent

Le ménage avance. Je veux dire que les camps se vident de plus en plus. Le parc qui borde la route de Canapé Vert vient de reprendre sa forme initiale. Forme initiale que j’avais oubliée depuis le 13 janvier 2010… Le jardins de la Primature reprend lui aussi ses allures d’antan, même s’il reste encore un beau ménage à faire. Il ne reste que quelques tentes et on peut s’imaginer qu’après avoir ramassé les tonnes de rebuts laissés par les campeurs, le gazon et les fleurs reprendront leur place. Difficile d’évaluer si les conditions objectives s’améliorent, mais au plan de la perception, on a moins le sentiment que la vie prends du mieux. En fait, on n’en était arrivé après plus de deux ans dans ce bordel à avoir oublié que justement c’était un bordel. Que ce camps dans les jardins de la primature, à la sortie de l’aéroport, ou celui de la place Boyer étaient dans l’ordre du ‘normal’. Une bonne nouvelle dans ce changement est que les derniers campeurs des jardins de la primature à qui j’ai parlé ce matin avaient tous une ‘meilleure’ place où aller rester. Les conditions objectives s’améliorent peut-être ?

Aujourd'hui un an

Dans l'avion qui nous ramenait sur Montréal il y a un an aujourd'hui, j'écrivais ce blogue (lien). Je pense à lui comme aux autres restés au Québec. J'embrasse ma mère surtout.

lundi 16 avril 2012

Natif natal

Ceux qui ont pu voir le président présenter fièrement ses huit passeports haïtiens il y a quelques semaines, l’ont entendu s’autoproclamer de ‘natif natal’. Un 100% haïtien, ou un tricoté-serré comme on dirait chez nous. Il y a quelques expressions créoles qui poussent le concept de pléonasme dans ses derniers retranchements. À la radio récemment, on parlait de l’accident routier qui a fait 27 victime en parlant d’un évènement ‘gravman grav’. Graman grav est bien évidemment plus grave que … simplement grave. Dans le même créneau que gravman grav, il y a également lajman laj (largement large) pour illustrer ce qui est plus large que … large. On nous raconte souvent que le français québécois tire une de ses qualités dans la force des images que les mots transportent. Le créole ne laisse pas sa place.

dimanche 15 avril 2012

Valeur sûre

Le mysticisme est une valeur sûre. Aux résultats incertains vous me direz, mais une valeur sûre quand même. Il semble donc qu’une petite fille de 13 ans soit sortie du pays des morts ce vendredi 13. Malade depuis une semaine et hospitalisée à Jacmel, elle serait décédée et transférée dans une morgue de PAP. Réveillée vendredi, elle serait rentrée chez elle où les curieux s’agglutinent. Depuis que la petite est malade, sa mère aurait publiquement accusé un bokoy (quelqu’un capable de jeter des sorts) d’être responsable de la maladie te la mort de sa fille. L’intérêt n’est bien évidemment pas savoir si c’est vrai, mais ce qui le serait. Je ne parle pas du sort, de la mort ou de la résurrection, mais du rapport à l’histoire. De l’engagement des gens vivre pleinement cette histoire et surtout, de continuer à la faire vivre. Je me répète, le mysticisme est une valeur sûre.

vendredi 13 avril 2012

Rendre service

Il y a quelques jours, je faisais ici référence à cette histoire où une journaliste dominicaine dévoilait un scandale de corruption impliquant Martelly et un sénateur républicain. On en a compris un peu plus aujourd’hui. Les services secrets dominicains (j’ai essayé de ne pas trop rire en entendant le journaliste nous parler de l’efficacité de ces services secrets) auraient intercepté une communication d’un ex-militaire dominicains qui lançait l’ordre de démarrer le plan visant à déstabiliser et à renverser le président Haïtien. Cet ex-militaire dominicain compterait sur l’appui d’un comparse haïtien. Les ministres de la justice des deux pays en conférence de presse conjointe (hier en Rep-Dom et aujourd’hui ici) pour nous raconter qu’ils avaient ébranlé ce plan machiavélique. L’intérêt républicain dans l’histoire est que cet ex-militaire est un proche conseiller du candidat de l’opposition à l’élection présidentielle et que ce pavé dans la marre des relations hatïano-dominicaine arrive à point nommé pour le candidat du pouvoir. L’intérêt haïtien réside bien évidemment dans le fait que cette information blanchirait le président des accusations de malversations. Une chose est certaine toutefois, les deux présidences prennent l’affaire au sérieux. Le parquet haïtien a été formellement saisi du dossier et le comparse haïtien serait déjà en prison de l’autre côté de la frontière. Une histoire qui sert bien tout le monde ...

jeudi 12 avril 2012

Les partis politiques

La vie politique reprend de sa vigueur lentement. Il y avait un certain calme depuis une dizaine de jours avec le déplacement du président en Floride pour une chirurgie, et l’attente du rapport de la commission sénatoriale sur l’avenir de Lamothe, le premier ministre désigné. Ce dernier a gagné le premier des débats, les sénateurs ayant accepté son dossier. Il reste toujours des petites complications au sujet de sa nationalité (lui aussi aurait des passeports contenant des irrégularités, si ce n’est des impossibilités) et de sa résidence au cours des 5 dernières années, mais en bons politiciens, vaut mieux le laisser passer à cette étape, on aura toujours l’occasion de le coincer au moment opportun. Sur Alter Presse aujourd’hui, on tentait d’analyser le vote sous l’angle de la discipline de parti. Disons simplement que des négociations individuelles (comprendre ‘pot-de-vin’ pour certains) auraient été plus déterminantes dans le choix des sénateurs que l’adhésion à une idéologie politique. On nous annonce la même tendance pour le vote des députés … Au même moment, l’Institut pour la Démocratie et l’Assistance Électorale (IDEA Internationale) organisait une journée de réflexion sur le rôle des partis politiques dans la vie démocratique d’une société. Principalement pour raconter que le parti politique est un acteur essentiel d’une saine vie démocratique. Je vous laisse réfléchir à la santé de cette vie démocratique avec plus de 150 partis politiques qui naissent et meurent aussi rapidement que le temps nécessaire pour dire ‘chaque haïtien est son chef’. Il faut nous souhaiter que la vie de notre prochain premier ministre survive plus longtemps que les partis politiques.

mardi 10 avril 2012

Paradoxes

Les paradoxes participent à la beauté de ce monde. À son intolérable odeur de putréfaction itou, mais c’est autre chose. On a donc passé un weekend hautement paradoxale où d’un côté de la ville, des rues complètes étaient bloquées pour restituer les 12 stations du chemin de croix du Christ, et de l’autre pour que les bandes à pied voudouisantes puissent faire librement leur musique. Des deux côtés de la ville, des foules toutes aussi importantes qu'enthousiastes. Et des foules probablement concomitantes. C’est un paradoxe ou une rationalité que je n’arrive pas à saisir ? Dès que je trouve la réponse, je vous le fais savoir.

lundi 9 avril 2012

Attendre dans la patience

J’ai écrit quelques fois que les haïtiens avaient inventé la patience. Ils l’incarnent tous les jours depuis deux cents ans en ne s’étant jamais véritablement révolté. L’insoutenable patiemment accepté. Ils l’ont inventé également en ne s’énervant jamais face à un retard. Imaginez une banque qui annonce ouvrir ses portes à 8h30 et qui fait patienter 42 minutes sans trop d’explications. Un chauffeur qui arrête son tap-tap et ses passagers un bon dix minutes pour discuter avec un ami qui rencontré au hasard d’une rue. Une réunion appelée pour 9h00 et qui ne commence qu’à 10h30. Un médecin qui arrive plus d’une heure en retard à sa clinique … Donc à tous les jours, des millions d’occasions de s’impatienter. La réaction normale ici est donc de ‘prendre son gaz égal’ en … arrivant en retard. Dans la salle paroissiale d’Aquin ce samedi, il y avait déjà une bonne quarantaine de timoun bien assis à attendre un spectacle pour eux prévu pour 11h00. Le temps passe sans que rien ne se passe. Personne ne s’impatiente sauf les quatre blancs dans la place (et j’en suis). Je me rends au bureau des organisateurs pour savoir si notre attente (déjà une heure) sera récompensée. La réponse a le caractère vague des réponses locales : « C’est pour bientôt monsieur. » J’allonge un « bientôt … » sur le ton interrogatif, question d’obtenir un peu plus de précision. « Effectivement monsieur, bientôt. » « Je sais monsieur, mais j’aimerais savoir si bientôt signifie 15 minutes, une ou deux heures. » Je sentais que je l’énervais. Il leur faut toujours un sapristi de blanc pour les forcer à préciser l’engagement et culture du marronnage oblige, on évite de se coincer dans une réponse trop définitive. J’arrive à comprendre que le retard est lié au déroulement d’une activité préalable qui a commencé avec deux heures de retard. Donc … On peut s’imaginer patienter encore au moins une bonne heure. De retour dans la salle, la foule des enfants avait augmenté et tout le monde restait aussi calme. Le processus d’autodigestion qui tous les jours m’assaille présentait ses premiers signes et a grugé ce qu’il me restait de patience. On n’aura pas vu le spectacle, sauf celui de ces timoun patiemment et pacifiquement assis. On n s’imagine pas des ti-culs du Qc rester en place pendant plus d’une heure sans nous faire tout un brouhaha…

dimanche 8 avril 2012

Entassées dans un camion, coincées dans un cercueil

Il y a toujours des morts sur les routes lors des longs weekends. C’est vrai partout dans le monde, c’est statistique. Les risques augmentent de manière proportionnelle au nombre de voitures qui transportent des gens allés dire bonjour à grand-maman, tonton Gérard ou tante Huguette. Le nombre de personnes qui meut en allant voir tati et tonton, c »est assez pour éliminer les fêtes du calendrier… Cette règle statistique et sociale ne s’applique pas vraiment ici. Ce n’est pas tant le nombre de voitures sur les routes que le nombre de personnes qui s’entassent dedans ou devant un camion qui détermine les probabilités !! Encore une fois donc, un carnage routier, Morne Tapion cette fois-ci. Une soixantaine de personnes (probablement majoritairement des femmes, des marchandes) entassées dans un camion qui aurait manqué de frein. On parlai dans les médias de 27 morts et d’une quarantaine de blessés. Nous sommes passés sur cette même route quelques heures plus tôt … Le matin dans la mer à Saint-Louis-du-Sud, on parlait avec un français qui vit ici depuis dix ans. Sur la route au loin on voyait passer ces camions remplis à pleine capacité de moun et de leur matériel accrochés au véhicule (les moun et le matériel). Le français disait quelque chose du genre : « Je ne sais pas trop quand ils vont commencer à mettre de l’ordre dans ce transport anarchique, on a toujours droit à des carnages ! ». Mettre de l’ordre dans l’anarchie !? J’émets une fois de plus l’hypothèse que nous ne sommes pas devant l’anarchie, mais devant un système bien organisé qui permet à certain de bien se remplir les poches. Que 27 personnes meurent dans cet accident n’est pas une donnée encore assez significative pour que le système bascule. Combien en faudrait-il ? Grande et grave question, mais j’imagine bien qu’une seule victime, la bonne, pourrait modifier ce système. On a donc quitté Aquin pour rentrer à Pétion-Ville. Les musiciens avaient abandonné leurs instruments pour aller boire ce qu’il faut pour combattre la chaleur dans laquelle ils ont baigné toute la journée, satisfaits d’avoir amusé des foules compactes. Ils joueront peut-être de nouveau cette semaine, il y aura des funérailles à célébrer.

jeudi 5 avril 2012

Pâques

Ce sera des vacances. Ici en Haïti, mais des vacances quand même. Je ne sais pas trop quel genre d'accès au Web je pourrais voir pour les trois prochains jours. Je vous promets quelques nouvelles du festival de musique de Aquin et des rara de Léogane. Des photos surtout !

mercredi 4 avril 2012

On se posera la question plus tard

Une matinée d’ingénierie et d’architecture. Le tout aurait pu être long pour un sociologue, mais ce fut l’inverse. Une activité organisée par un projet financé par la banque Mondiale pour aider le ministère de la santé à se doter de structures de soins capables de faire face aux intempéries. Aux catastrophes naturelles qui menacent le pays pour être plus précis. Vous pensez au tremblement de terre, mais il faut aussi ajouter les cyclones, la pression et la dépression (que subissent les édifices) issues des très grands vents, les tsunamis, les glissements de terrain, les très fortes pluies, la liquéfaction des sols, les éboulements, la dégradation accélérée de certains matériaux,... Des experts de plusieurs pays venu donner des conseils aux haïtiens et aux blancs qui construisent ou prévoient construire des hôpitaux. Parce que des gens qui ont de l’argent pour construire de nouveaux hôpitaux, on n’arrive plus à les compter. C’est l’une des conséquences du tremblement de terre de 2010 et ce même si personne ne sait (ou ne veut savoir) comment l’État haïtien va récupérer ces nouveaux bâtiments et en assurer le fonctionnement. Il y a quand même de questions à se poser plus tard !! Donc des experts qui sont venus rappeler quelques variables essentielles à mettre dans les calculs et expliquer les défis de construire des hôpitaux en Haïti. Par exemple, j’ai entre autres compris (graphique à l’appui) qu’un édifice qu’on construit assez souple pour faire face au tremblement de terre, peut devenir une proie facile pour les vents de 200 km que pousse un ouragan. Un building assez rigide pour confronter les grands vents, s’écraserait au moment où la terre tremblerait. Pas facile donc de mettre dans une même équation toutes ces variables qui ont pour effet d’augmenter la complexité du travail et, de manière parallèle, les coûts de construction. L’objectif de toutes ces analyses et de tous ces calculs est d’arriver à construire un édifice qu’on n’aura pas à évacuer au moment d’une catastrophe naturelle, peu importe laquelle. Toute cette complexité et toutes ces exigences imposent une qualité d’ouvrage (et donc de main d’œuvre) que le pays ne semble pas toujours en mesure de fournir. Raison pour laquelle on importe une forte expertise internationale pour construire. De quoi confirmer une fois de plus que la majorité de l’argent qui entre en Haïti ne stagne pas longtemps ici avant de quitter l’île.

mardi 3 avril 2012

Pas une raison pour se faire mal

Le dossier des Forces armées d’Haïti (FAD’H) s’installe d’une manière bancale dans l’espace public. Pendant que d’anciens militaires ont repris des espaces qui leur appartenaient jadis afin de se redonner la forme pour le grand jour, la commission responsable de redéfinir la remobilisation de la FAD’H vient de publier un rapport préliminaire. Le rapport propose une série de préalables qui, pour faire dans le pléonasme, ont besoin d’être mises en place pour que la FAD’H revive. Le premier de ces préalables est « l'interdiction sur tout le territoire des recrutements et entrainements illégaux de type militaire ». Ici, toute la nuance sur laquelle on pourra ouvrir un espace de négociation est le caractère légal ou illégal des entrainements. La FAD’H étant inscrite dans la constitution, l’entrainement pourrait être léga. Il y a ce qu’il faut d’avocats et de constitutionalistes pour allonger jusqu’à l’épuisement un débat non concluant sur cette question. Le deuxième préalable fait référence à la résolution du « problème d'indemnisation et de pension de l'ancien personnel des Forces Armées d'Haïti. » Disons que ce deuxième préalable risque de donner des maux de tête au gouvernement. Je pense à ces centaines de professeurs des écoles publiques en arriérage salarial de 5 ans … Disons que les obstacles à cette remobilisation devraient pousser comme des champignons. Pendant ce temps, la PNH est intervenu cette semaine pour déloger d’ex-militaires qui venaient d’investir une ancienne caserne à Saint-Marc. « Nous n’avions pas la volonté de nous battre. Les militaires n’abandonnent pas. Nous nous sommes tout simplement repliés » a dit un sergent. Un sergent ! Mais un sergent de quelle armée ? La volonté de se battre contre qui ? La PNH ! Dans cette grande comédie qui pourrait tourner au drame, je me suis mis à rêver à cette phrase célèbre du film La guerre des tuques : « La guerre... La guerre, c’est pas une raison pour se faire mal ! »

lundi 2 avril 2012

Capacités mentales

Un gros caillou vient d’être lancé dans la marre. Il vient de nos voisins, de la République Dominicaine. Une journaliste ‘vedette’ vient de raconter une juteuse histoire de corruption impliquant un sénateur républicain, une histoire qui éclabousse en même temps Martelly. Le président haïtien aurait bénéficié des largesses de ce sénateur pour empocher 2,5 millions. La nouvelle devrait faire jaser de ce côté-ci de la frontière, mais c’est davantage un paragraphe ‘perdu’ de la dépêche qui m’a interpelé. Je vous le copie : ‘La presse dominicaine note que ces révélations se produisent moins d’un an après l’arrivée au pouvoir de Martelly (mai 2011), comparé à Abdalá Bucaram de l’Equateur, destitué par le parlement de son pays en février 1997, un peu plus d’un an de mandat, pour « incapacité mentale à exercer le pouvoir ».’ Je ne sais pas trop si cette phrase a été intégrée dans le bon topo ou si encore elle est complète. J’imagine certains parlementaires, après le dossier de la nationalité, lancer une commission pour évaluer les capacités mentales du président … Je ne sais toutefois pas ce que la constitution en dit ?