lundi 31 janvier 2011

Trop simplet


Je n’ai pas parlé des élections depuis quelques jours, question de priorités. Mes états d’âme (Duvalier et le surnommé Georges) m’ont chaviré. Pas le temps de parler politique. Je m’y remets plus sérieusement ce soir pour comprendre que Célestin et Martelly sont tous les deux abandonnés par leur formation politique. Avec sa bonne humeur habituelle, Cetout m’a assommé, «J’espère que tu n’es pas surpris !»
- Surpris, je ne sais pas vraiment, mais encore davantage confus, c’est certain.
- J’ai toujours pensé que tu étais trop simplet pour suivre et bien comprendre la politique haïtienne.
- J’avoue qu’au plan de la capacité prédictrice de mes analyses ...
- Pas fort effectivement. Ne le dis à personne, ne l’écrit surtout pas sur ton blogue, mais même les haïtiens ne comprennent plus rien.
- L’ardoise va être effacée mercredi, peut-être que la suite va être plus facile à comprendre ?
- Tu confirmes mon diagnostic, t’es trop simplet !

dimanche 30 janvier 2011

Merci Georges


Bob, c’est mon père. Bob écoute de la grande musique. C’est lui qui appelle ça de la ‘grande musique’. Les grands airs d’opéra, les grands ensembles, les orchestres ou chorales militaires. Tellement son coeur déborde à l’écoute, ses yeux deviennent plein d’eau. Question de génération, j’ai toujours pensé que le formalisme de l’affaire le touchait tout autant que la dimension purement mélodique de ces fameux airs. Même si je suis trop comme lui, j’avoue que je préfère les petits ensembles, l’informel, l’improvisé - qui en a l’air du moins. Depuis deux ans, j’ai été confronté plus d’une fois au formalisme haïtien. Dans ma petite tête informe, j’ai déjà cru que l’essence existait dans l’expérience, que la forme ne véhicule rien de l’essentiel, que le respect du protocole ne sert ... qu’à respecter le protocole. Qu'à la forme, je préfère le fond. J’ai bien vite saisi, pour ne pas dire senti, l’attachement de tout le monde à ce fichu protocole. Que la forme transporte tout de même une âme (ça y est, je deviens animiste !), comme si une dimension intouchable berçait le coeur de tous dans le ‘parfait’, le ‘chorégraphié’, le ‘tout-le monde-habillé-pareil’. Il faut juste sentir une seule fois l’engagement de deux cents timoun de cinq ans costumés comme des gradués d’Harvard, la main sur le coeur, chanter la Dessalinienne... Cette semaine, j’ai participé à une cérémonie de remise de diplômes. Il y avait tout le formalisme qu’il fallait dans la logique haïtienne. Des discours qui suivent des discours. Les salutations officielles qui n’en finissent pas. Il y a également eu Georges (je l’appellerai Georges pour les besoins de la cause). Le président des célébrés, celui qui devait venir livrer le propos de ces 24 collègues aux plus de 100 personnes de l’assistance. Un propos qui touche tout autant le coeur qu’il illumine d’intelligence. Le débit, les silences, les regards vers la salle. J’étais immobile sur ma chaise, une branche de mes lunettes dans la bouche. Dans ma tête circulaient des images de Jean-Louis Millette debout sur une scène de théâtre, celui qui arrivait à jouer sans jouer. Celui qui par la forme, arrivait à toucher le fond. Georges a entre autres lumineusement et solennellement souligné le courage de ses collègues au cours de la dernière année : "Car nul spectacle n’est plus abrutissant que celui combiné, de la déchéance de sa propre nation, de l’effondrement de sa propre demeure, du démantèlement de sa propre famille, de l’incertitude de son propre avenir. La pratique de leur force intérieure m’aura redonné espoir en la vie. Je saisis cette seconde pour les en remercier profondément.» Abrutissant, déchéance, nation, famille, force intérieure, espoir, seconde, remerciement, ... Dans ces trois seules phrases, est résumé toute l’essence de ce que je tente désespérément d’exprimer sur ce blogue depuis des mois. Merci Georges.

samedi 29 janvier 2011

Le cauchemar de la dictature est moins pénible que celui de la démocratie


Je mets la switch rose-bonbon à off. Pour ce billet du moins. Depuis deux semaines, je suis toujours estomaqué du silence ambiant concernant la présence de Duvalier dans ce pays. Je pense au silence des ayisien, ceux qui ont été (ou auraient été, on en n’est plus trop certain) les victimes de ce régime. Il arrive même qu’un ‘tabarn…, réveillez-vous’ me vienne à l’esprit. En fait, je ne comprends pas que les gens ne soient pas dans les rues… Dans toutes les discussions que j’ai eues avec les collègues et amis haïtiens depuis deux semaines, il semble se dégager deux éléments d’explication pour donner un sens à ce qui est pour moi une non-réaction. Le premier est que ceux qui devraient sortir dans les rues sont ceux-là mêmes qui ont participé à l’édification du fiasco dans lequel la démocratie a amené le pays. La gauche intellectuelle (dans la mesure où ce concept peut avoir un sens dans le no man's land idéologique de la vie politique haïtienne) qui contestait le régime de Duvalier, est cette même gauche qui a participé à pousser la dictature hors du pays et à installer à partir de 1990 le tandem Aristide-Préval. Le discours de la gauche ‘humaniste’ a rapidement perdu sa place pour donner le micro aux appels à la violence contre les macoutes et les mulâtres (« vous savez où est l’argent, vous n’avez qu’a`aller le chercher », les appels au dechoukaj, au supplice du Pè Lebrun, … ), avant d’être démagogiquement instrumentalisé par le Curé Aristide (la théologie de la libération). Les intellectuels de la gauche haïtienne auraient depuis été évincés de l’espace politique haïtien et n’auraient donc plus réellement droit au chapitre, celui qui fait sortir les foules dans les rues du moins. Il ne resterait que la voix de quelques défenseurs haïtiens des droits humains à qui lancer la pierre serait une hypocrisie, les grandes voix internationales des droits humaines s’étant tus pendant les 25 dernières années de la vie de millionnaire que Duvalier a pu mener en France. La deuxième explication est conjoncturelle. C’est celle que l’on entend sur plusieurs postes de radio ou à la télé quand un journaliste met le micro sous le nez d’un passant. Dans son ensemble, le cauchemar de la population haïtienne aurait réellement débuté avec la fin de la dictature. La violence de la dictature était circonscrite aux opposants du régime alors qu’aujourd’hui, l’insécurité gagnerait toutes les couches de la population. Les chimè, les kidnappings, les braquages, la petite criminalité, ce qui ferait trembler toute la population haïtienne. La vie économique aurait été elle aussi plus facile à l’époque de Duvalier : « Tout le monde mangeait, pas beaucoup, mais tout le monde mangeait quand même. » Quant à la corruption, disons simplement que Duvalier ne serait pas réellement en mesure de donner des leçons à ceux qui l’ont suivi depuis la fin des années 1980. Sous la dictature, il y avait au moins de l’ordre et la maison était propre, les ayisien étaient dignes, respectables. La vie était plus facile, les enfants jouaient dans les rues sans avoir peur de se faire enlever. Ainsi, ce qui ressemble aujourd’hui à une victoire de Duvalier, correspond probablement à la défaite de la démocratie politicienne haïtienne. On n’a qu’à regarder le cirque qu’a été le dernier exercice démocratique pour comprendre que la population en arrive à confondre politicien et vide. Les gens ne sont donc pas dans les rues parce que le dictateur ne fait pas plus peur que les démocrates qui l’ont suivi, que ceux qui criaient n'ont plus de voix. Que le cauchemar de la dictature est moins pénible que celui de la démocratie.

vendredi 28 janvier 2011

J'ai rêvé à l'homme


Je reste sous le choc du film vu hier soir (le billet intitulé J'ai vu l'homme). Il y a ce silence politique ambiant qui me perce les tympans depuis deux semaines, ces salutations normales dans un resto. J’ai imaginé ces serveurs et serveuses venir et aller à sa table comme ils le font pour les autres, les gens de la cuisine cuire une viande ou préparer une salade aussi simplement qu’à l’habitude. Dans les journaux ce matin, on parle des Égyptiens qui prennent la rue, des Tunisiens qui l’ont fait il y a deux semaines. Ici, un Président à vie dort paisiblement dans un hôtel et passe la soirée dans un resto. La différence est peut-être qu’ici les gens ne peuvent prendre la rue, ils y vivent forcés depuis un an.

jeudi 27 janvier 2011

J'ai vu l'homme

Dans un resto de Pétion-Ville, notre souper se terminait. Le Président à vie et sa femme sont passés devant nous. Ils ont machinalement embrassé les gens de la table voisine avant d’aller prendre une table un peu plus loin. Depuis sont arrivée, je demeure abasourdi par le fait que sa présence n’a pas suscité de trop fortes réactions. Je continue de l’être à cause du silence qui continue de suivre sa conférence de presse. Un dictateur est en ville, il sort paisiblement au resto, des amis proches l’accompagnent, trois policiers de la PNH montent la garde autour du resto. On est dans un film. Plus rien n’est vrai depuis le 16 janvier.

mercredi 26 janvier 2011

De son Abitibi natal


Au moment où j'écrivais mon dernier billet (Ne le dites pas à mes patrons), spécifiquement au moment où je tirais la pipe à mes amis du Québec avec leur -25'C, je recevais de ma belle-soeur cette photo d'un geai bleu dans le froid de l'Abitibi. Merci Diane, c'est à ton tour de nous réchauffer le coeur...

Ne le dites pas à mes patrons


En route vers Jacmel tôt ce matin pour une rencontre de travail avec l’équipe départementale. Le tremblement de terre ayant aplati le premier étage de leur bureau, ils ont pu être relocalisés ... sur le bord de la mer. Rien que ça. Quand tu sors de la voiture climatisée, les odeurs de la mer envahissent tes narines. Le sel et les fruits dans la même bouffée. Le bruit des vagues te sort de la discussion et la brise continue rend les ventilateurs obsolètes. Il faut dire que c’est toujours l’hiver et qu’on a déjà subi pire que 32'C (cette dernière phrase est pour mes amis du Québec qui se sont tapés du -25'C dans les derniers jours..., je pense chaleureusement à vous). Vers 14h en sortant de la réunion et avant de rentrer sur PAP, Paul et moi sommes arrêtés dans un resto de bord de mer pour manger un petit poisson boucané. Prestige, pikliz et bananes... Paul a repris le volant et le trajet du retour s'est fait dans un agréable silence digestif.

lundi 24 janvier 2011

Le bon et le méchant


Avez-vous lu Le Liseur ? Berhnard Schlink a écrit ce petit roman plus qu’intéressant. Ils ont tenté d’en faire un film, mais comme souvent, vaut mieux lire que voir. J’ai apprécié ce roman parce qu’il ramène une fichue question qui trotte dans ma tête depuis des années : Qu’aurais-je fait si j’avais été un allemand de 18 ans dans les années 30 ? S’enrôler, résister, se sauver ... Même genre de questionnement concernant le génocide rwandais. Comment notre société arrive ou non à nous façonner de manière à nous pousser à faire l’infaisable ? J’ai aussi ce genre de réflexion quand à Rome, durant les dernières vacances, je croisais des personnes âgées. Ont-ils appuyé Mussolini ? Étaient-ils dans la résistance ? J’ai ce même genre de réflexion depuis l’arrivée de Duvalier. Des gens que je connais qui ont un passé de résistant, d’autres qui étaient des Tontons macoutes. Assez facile de vivre avec l’idée que telle personne a été un résistant, qu’il a fait de la prison, qu’il a fuit le régime ou qu’on l’a lentement accompagné vers l’aéroport... Pour les macoutes, j’avoue que je tombe un peu plus sur le cul ! Je pense entre autre à un bonhomme fort souriant et aimable que je croise très souvent. Un fanatique du Brésil qui noue des relations cordiales (pour ne pas dire amicales) avec tout le monde qui passe par ‘son’ service. J’apprends qu’il est (ou était) macoute, un actif dans les Volontaires de la sécurité nationale. Depuis le départ de son Baby Doc, il a dégringolé l’échelle sociale et salariale pour faire ce qu’il fait aujourd’hui ... Est-il bon ou méchant ? Je ne sais plus vraiment. Je continue de réfléchir à la différence entre bon et méchant, à l’étanchéité de la frontière entre les deux personnages, aux échanges continus entre les deux au sein d'une même personne, ...

dimanche 23 janvier 2011

La Sainte Bible

Peut-elle être autrement que Sainte ? Ai lu cette analyse (lien) inspirante et éclairante dans Le Devoir du week-end. Rien n’explique tout, mais tout pourrait peut-être expliquer ce qui ne ressemble à rien.

samedi 22 janvier 2011

Avancer par en arrière


Asefi n’en peut plus. Son frère Cetout n’arrête pas de tout chahuter depuis le retour de Duvalier.
- Avec des amis, ils veulent même organiser une manifestation pour que la justice l’installe directement dans la prison de PAP en attendant que les procédures judiciaires soient terminées.
- En quoi ça t’énerve ?
- S’il continue, il va foutre le bordel dans la famille. Notre grande soeur Rose est mariée à un ancien macoute. Elle a elle-même profité de la politique noiriste des Duvalier pour assumer des fonctions importantes dans la fonction publique. Pour une famille ‘noire‘ comme la nôtre, Duvalier a été la voie de sortie de la pauvreté. Des amis de la famille commencent à le trouver un peu trop perturbant.
- Conflits de générations !
- Peut-être bien, mais les tensions montent et ça me perturbe.
- C’est quand même particulier dans la mesure où ces jeunes ‘éduqués’ qui voudraient voir Duvalier emprisonné pour les crimes commis sous sa dictature, sont les mêmes qui appuieraient Martelly.
- Il y a là une belle contradiction, mais il ne la voit pas ! En fait, si au début on n’a pensé que le retour de Duvalier était un coup fourré de Préval pour semer un peu plus la confusion autour des élections, peut-être qu’il faut commencer à poser l’hypothèse que c’est plutôt une stratégie du camp Martelly pour augmenter la pression publique sur Préval pour que le deuxième tour permette la présence de Martelly.
- J’avoue que les accointances Martelly-Duvalier semblent de plus en plus apparentes.
- Des familles duvaliéristes sont dans le camps de Martelly depuis le début, les deux sont représentés publiquement par le même avocat et Martelly a ouvert la porte à intégrer Duvalier dans son équipe de conseillers. C’est effectivement un rapprochement qui semble de plus en plus évident.
- Stratégiquement, c’est une bonne chose ?
- Tu sais Labadie, on est un peuple d’historiens amnésiques ! Branchés tous les jours sur 1804, Dessaline, Louverture, etc., on n’arrive pas à se rappeler le rôle dévastateur de ce dictateur dans notre vie collective ! C’est complètement affolant.
- T’es donc d’accord avec Cetout si je comprends bien ?
- Oui, moi aussi je crois que c’est complètement délirant que ce dictateur vive librement dans notre pays depuis près d’une semaine. C’est encore davantage délirant d’imaginer qu’il jouerait un rôle dans la vie politique de notre pays au sein de l’équipe de Martelly. Mais en même temps, j’ai peur que notre famille explose si Cetout continue à pousser sur le bouchon.
- T’as pas le sentiment que c’est cette même crainte qui explique la réaction apathique de la majorité de la population haïtienne depuis dimanche dernier. Ils sont quelques centaines à s’énerver dans les rues pour acclamer le dictateur, mais sur le fond, c’est plutôt le calme plat.
- T’as peut-être raison. Il faut comprendre l’étendue de l’empreinte d’un bonhomme qui pendant 30 ans - avec son père - a façonné la société haïtienne. Ceux qui ont profité du noirisme, les macoutes, les gens d’affaire ou les partisans sont partout, ils sont redevables à Duvalier. Rejeter massivement ce passé, c’est aussi prendre la chance de créer des fractures profondes au sein de plusieurs familles haïtiennes. En même temps, ne pas le rejeter risque de lui offrir une place significative dans la vie politique de notre pays pour les prochaines années.
- Pour un peuple qui vit dans le passé, ça dessine effectivement un drôle d’avenir...

vendredi 21 janvier 2011

Jeanette veut savoir


Vous savez que ce fameux président à vie nous a sorti assez rapidement de notre état d’esprit commémoratif. Je voulais vous parler de l’ambiance du 12 janvier 2011 ou d’un spectacle fait par 600 enfants au grand stade de PAP, mais l’actualité m’a sorti complètement de ma béatitude idéaliste. Comme le web est devenu le Big Brother à l’envers (c’est nous qui nous-mêmes nous exposons en public), je voulais aussi vous parler de moi parce qu’avant et dans cette semaine spéciale, j’avais eu droit à quelques questions du type Jeanette veut savoir : «Comment le tremblement de terre t’a-t-il transformé ?» Impossible de répondre simplement à une question aussi complexe, pour ne pas dire compliquée. Complexe dans la mesure où la réponse concerne plusieurs dimensions, compliquée parce que la réponse n’est pas simple, plutôt tortueuse, à la limite remplies de contradictions. Comme avoir la certitude de ne pas être la même personne depuis le 12 janvier 16h53, sans pouvoir expliciter clairement quelles sont les différence avant/après. Plus fort et en même temps plus faible. Plus anxieux alors que d’autres fois, plus confiant. Plus sensible aux autres même si dans certaines circonstances, l’intolérance me guette davantage. Plus porté sur les autres même si des poussées d’individualisme se manifestent. J’ai donc dis à Jeanette que je ne le savais pas encore mais dès que la poussière sera complètement ramassée, maintenant qu’elle est totalement tombée, je réfléchirai plus sérieusement à la question. «Il y a des puces qu’il ne faut pas nécessairement chercher, elles trouveront bien le moment de nous sauter dans la face» que Jeanette m’a répondu. Sacré Jeanette !

jeudi 20 janvier 2011

Ougan de l'amour

Ce matin, dans l'engin qui sert d'avion pour les destinations internes, mon voisin remerciait Jésus à toutes les dix minutes: "Merci Jésus ... Merci Jésus ... Merci Jésus ...". On n'était pas encore parti !! Les trois roues de l'engin infernal étaient toujours sur le tarmac de l'aéroport de PAP. J'ai eu l'idée de me lancer dans une discussion avec lui sur la pertinence de remercier Jésus avant que le résultat de cette épreuve soit connu, mais ces histoires de Jésus, il y a des logiques qui m'échappent. On a donc volé tranquillement vers la destination ... finale. Le chauffeur avec qui je me rendais en réunion a parlé des pratiques vaudous pendant presque toute l'heure du trajet. En expliquant le rôle des ougans (prêtre vaudou assurant aussi des fonctions de médecins), il a précisé certaines spécialités. Comme il y a le cardiologue ou l'urologue dans la médecine allopathique, des ougans se spécialisent. Les reins, le coeur, ... Il y en aurait entre autre un qui serait en mesure d'entrer dans la tête d'une femme de manière à forger son esprit pour qu'elle n'aime que le commanditaire (celui qui paie le ougan), et ce pour la vie. Le chauffeur aime la même femme depuis quelques années et une petite fille arrivera en mars. Quand j'ai voulu avoir le numéro de téléphone de ce ougan, il m'a dit qu'il ne croyait pas à ce genre de balivernes, mais j'ai quand même imaginé dans le ton de sa réponse qu'il avait fait ensorceller la mère de sa future petite fille.

mardi 18 janvier 2011

Pendant ce temps-là...


Journée de grands énervements. Les autorités judiciaires haïtiennes, appuyées de la Minustah, se sont rendus rencontrer Duvalier dans sa chambre d’hôtel. Deux ou trois heures de pourparlers avant qu’il s’engouffre dans un 4X4 pour le parquet de PAP. Il en sortira vers 17h00 pour reprendre le chemin de son hôtel. Des accusations à nature ‘financière’ devraient tomber sur son échine. Une échine de dictateur bien évidement, certains ne pouvant pas s’imaginer que le bonhomme ne savait pas dans quelle trappe il mettait les pieds, qu’il n’avait pas lui même dessiné ce qui à première vue ressemble à un piège... Autour de ce personnage de l’histoire, il y avait des avocats, des politiciens, des proches et des analystes. Il y avait aussi des manifestants, pas très nombreux, mais des manifestants quand même. Ils criaient très fort aux kodaks agglutinés devant eux : «Arrêter Préval, vive Duvalier». Quelques-uns se sortiront les veines du cou à répondre aux questions des journalistes. Après le tremblement de terre, le choléra apporté par le blanc et la magouille électorale de Préval, il nous faut un vrai président, capable de tout gérer. Les 30 000 personnes disparues, les millions envolés, plus rien n’existe. Pendant ce temps là, plus personne ne parle de ce que sera le prochain gouvernement, celui-là même qui doit assurer la re-construction du pays. Pendant ce temps-là, l’État fait du surplace. Pendant ce temps-là, le choléra continue de se répandre. Pendant ce temps-là, 8 millions de personne meurent de faim. La faim à laquelle Dany Laferrière fait lumineusement référence dans L’énigme du retour. Celle qui s’installe et dure une vie, celle qui est permanente. Il faut lutter pour ne pas rejoindre le clan d’un expat désabusé avec qui je travaille et qui dit : «Ayiti est une farce, une grosse farce !»

Rumeur

Information qui circule à la radio : Des juges de paix et policiers sont au Karibe pour mettre Duvalier sous les verrous... À suivre dans le réel !!!

lundi 17 janvier 2011

Par où commencer


Journée de fou pour dire vrai. Voici donc quelques éléments qui ont meublé cette journée marquée par l’obscurité, assez pour se cogner les orteils sur quelques meubles ... Ma compréhension continue de se tenir dans les coins sombres des rumeurs. Première grande nouvelle (comprendre rumeur), Aristide est sur la route pour lui aussi revenir à la maison. Il passerait par Panama ou la République-Dominicaine et les dispositifs de sécurité auraient déjà été mis en place à l’aéroport et dans un hôtel de Pétion-Ville. La conférence de presse de Duvalier n’a pas eu lieu comme prévu ce midi à cause de problèmes logistiques, il semble que l’on ne trouve pas une salle capable d’accueillir tous les journalistes. Il serait arrivé ici avec un passeport diplomatique délivré par le gouvernement de transition (2004 à 2006), celui-là même (le seul) qui aurait aussi demandé des enquêtes pour pouvoir le traîner devant les tribunaux haïtiens. Son passeport serait échu, mais les autorités françaises de la Guadeloupe ne s’en seraient pas aperçu. Ici, les douaniers auraient reçu des ordres pour le laisser entrer au pays sans complication, mais les autorités politiques n’étaient pas informées. Demain, Duvalier devrait parler aux médias et expliquer les motifs de son retour. Pendant que la planète reste incrédule face à ce retour, ici, les réactions sont partagées. Il y a ceux qui ont directement subi les foudres de son régime et appellent à son emprisonnement. D’autres estiment que la seule place d’un haïtien est Haïti et qu’à ce titre, on doit se réjouir qu’un patriote de plus soit revenu au pays. Finalement, ceux qui s’ennuient de la dictature, du temps où il y avait de la sécurité, des emplois, du tourisme et de la nourriture pour tout le monde. Ils pensent que le pays n’a pas la maturité nécessaire pour se gouverner dans une logique de collectivité, que les haïtiens ne sont pas près pour la démocratie et qu’aucun n’est digne de confiance. Dans ce contexte, vaut mieux un dictateur que des centaines de politiciens véreux.

Président à vie


Il parait que la nuit porte conseil ... C’est peut-être que je n’ai pas dormi ! C’est donc le calme plat ce matin. Personne ne comprend encore ce qui se passe réellement. Duvalier serait ici pour trois jours selon la radio du matin. Les journaux racontent que des manifestations se sont continuées : Ceux qui sont heureux du retour de l’ancien Président à vie, ceux qui s’y opposent, ceux qui souhaitent qu’on profite de son passage pour le mettre sous les verrous et finalement ceux, qui en profitent pour exiger le retour d’Aristide. L’État n’a pas réagi, sauf pour expliquer que le Monsieur pouvait revenir chez lui (!!!). Pour le moment, la vie semble calme sur PAP, aucune information à l’effet que les choses se dérouleraient dans le chaos. Tout le monde va attendre sa conférence de presse, peut-être commencerons-nous à comprendre quelque chose Laissez-moi en douter.

dimanche 16 janvier 2011

Avant d'aller me coucher


Hypothèse : Préval vient de trouver le moyen de se débarrasser de la pression internationale qui le poussait vers un deuxième tour Martelly-Manigat. Préval ouvre la porte au retour de Duvalier et rend donc possible celui de son ami Aristide. Des milliers de personnes seront dans les rues pour réclamer tout et son contraire. Le bordel des prochaines semaines rendra impossible le deuxième tour concocté par l'internationale, Préval reste en place le temps d'organiser une nouvelle élection avec de nouveaux joueurs. Le jeu est hautement risqué bien évidement, mais ... La balle est dans le camps des Nations-Unies, pour ne pas dire des États-Unis !

Aller me coucher


La Télé Nationale nous montre toute l'activité autour de l'arrivée de Bébé Doc à l'aéroport, un vrai bordel. On nous montre des gens complètement heureux de son retour parce que ... ça veut dire qu'Aristide peut lui aussi revenir !!! Si vous trouvez une explication que je puisse comprendre, une stratégie politique qui puisse tenir la route, faites-moi signe. Le plus frappant, est d'entendre les gens répondre aux journalistes que la Minustah peut maintenant faire ses valises, le retour de Duvalier et d'Aristide ramènera la paix dans le pays... Je vais finir ma bouteille de rhum et aller me coucher !!!

Le retour de Baby Doc


Au stade Sylvio Cator aujourd’hui, 600 jeunes des camps faisaient un spectacles pour 12 000 autres jeunes des camps assis dans les estrades. À la fin du spectacle, j’ai entendu la rumeur. De retour à la maison, je comprends que la rumeur est juste, Baby Doc est de retour... Il fait une conférence de presse demain, question de voler la vedette à Préval/CEP qui devait donner les résultats définitifs du premier tour. Les gens à qui je parle s'arrache la tête d'incrédulité. C'est quoi cette farce ? Dans quel cirque sommes-nous coincés ? Qui est le clown ? Quel ingrédient vient-il lancer dans la soupe politique qui déjà commençait à sentir mauvais ? On souhaite qu’il est de passage pour voir une vieille tante malade. Peut-être une 'tente' malade ... Vraiment, même Fabienne Larouche n'arrive pas à faire des scénarios aussi abominables.

samedi 15 janvier 2011

Fin du monde en béton


L’habitude est un des éléments sur lequel je suis revenu plusieurs fois au cours des derniers mois. De voir les ayisien reprendre leur vie ‘normale’ très rapidement après bagay la a amené tout le monde à parler de leur résilience, de leur capacité à choisir la vie. «On s’habitue, c’est tout !» J’ai été effectivement impressionné de la rapidité des ayisien à reprendre une vie quasi normale en réinstallant les petits commerces aux pieds ou même à l’intérieur des débris, en continuant une vie familiale et sociale presque habituelle dans les camps, ... J’imagine qu’à Montréal, les urgences psychiatriques auraient débordé et Jean-Coutu aurait vendu des anti-dépresseurs comme jamais. Ce mercredi, le gouvernement avait organisé une cérémonie religieuse sur le parvis de la Cathédrale de PAP, une ruine toujours sur le bord de s’affaisser. Un éternuement du Grand Antonio et paf, tout s’affale. Pris par je ne sais quoi, je me promenais comme des dizaines d’autres personnes à l’intérieur de cette cathédrale éclopée, des familles passaient, des enfants faisaient les beaux pour quelques kob devant les journalistes, des photographes et caméramans montaient presque trois étages dans ce qui reste d’escalier de la façade pour prendre des shots de la foule ‘d’en haut’ ! Perte momentanée de conscience, ce qui reste d’intelligence grugée par l’émotion du moment, je ne sais pas dans quel nous étions tous, mais nous étions dans cette fin du monde en béton.

vendredi 14 janvier 2011

OEA, pneus et armes


La fuite bien orchestrée du rapport de l’OEA cette semaine et les sorties diplomatiques des dernières 24 heures des États-Unis et de la France en en faveur des résultats du premier tour contenus de ce rapport ont mis le feu à des pneus ce matin. Elles (la fuite et les sorties) ont même appuyé sur la gâchette de plusieurs armes. Selon Haïti-Libre, Préval serait assez indisposé de la manœuvre de l’international.
- Il n’est pas le seul me dira Asefi
- On sent la grogne monter en effet.
- Il y a un certain culot à pousser le pays en élection comme la communauté internationale l’a fait après le tremblement de terre, et là cette nouvelle pression pour imposer ‘ses’ résultats.
- Pousser le pays à l’élection ?! T’exagères un peu. Il me semble que Préval s’est montré très rapidement enclin à lancer la démarche.
- Les sorties d’Hillary Clinton en faveur du pseudo respect de la démocratie dans les semaines qui ont suivi le tremblement de terre, ça laisse des traces dans la tête du Président d’un petit pays en dépendant en bonne partie des États-Unis…
Elle a continué
- Tout le monde comprend que ce qui a dans les urnes n’a pas une grande valeur aux yeux de l’État et des organisations internationales, que les résultats du premier tour seront le fruit des rapports de force que les différents acteurs sont capables d’installer dans la négociation actuelle. La communauté internationale comme notre gouvernement se foutent un peu de ce que la population souhaite !
- Ce n’est quand même pas cette communauté internationale qui a bourré les urnes ou trafiquer les PV !
- Là-dessus, t’as raison. Mais c’est cette même OEA qui avait le mandat d’appuyer le CEP et l’Office nationale d’identification pour s’assurer que ça se passe bien. Est-ce qu’il faut que je rappelle les sorties médiatiques de l’international quelques jours avant les élections pour nous dire que tout bagay enfom (tout est en place), et le lendemain du vote pour répéter que cette élection avait été la meilleure élection organisée dans le pays… ? Il y a rire du monde, et rire du monde.
- Il y a quand même des haïtiens contents que le rapport de l’OEA ait coulé, ça risque de coincer Préval un peu plus et éviter qu’il pousse trop âprement son poulain jusqu'au bout.
- Préval ne s’enfargera pas dans ce genre d’état d’âme. Mais, peu importe qui passera entre Martelly et Célestin, les rues vont être remplies de manifestants. Ils seront peut-être moins nombreux pour sauver la candidature de Célestin, mais davantage armés et mieux financer, ils pourront tenir plus longtemps. Ils perturberont la réalisation du deuxième tour jusqu’à la fin pour discréditer le processus. Si le CEP maintien sa position et écarte Martelly du deuxième tour, les gens vont manifester un temps mais surtout, ils vont bouder le deuxième tour en sachant que tout est arrangé. Peu importe qui passera, ce sera le même genre de scénario qu’en 2000 où Aristide a obtenu son 93% avec moins de 10% de participation.
- Qui était Président à l’époque ?
- Préval…

jeudi 13 janvier 2011

Un minute de silence dans un pays de 'parleux'


Les 72 dernières heures ont été intenses. Émotivement et physiquement. Se promener d’une activité de commémoration à l’autre, pleurer, s'embrasser, danser, respecter une minute de silence, repartir pour une autre activité, ... J’ai assisté à certaines cérémonies religieuses et si j’avais un truc à vous donner, choisissez les protestants, il y a quelque chose de nettement plus festif malgré les 'preachers'. L’idée n’est pas d’avoir du fun pour avoir du fun, mais de l'animation dans la dignité, ça réchauffe le coeur. Même à 30 degrés. Ainsi, les trois derniers jours étaient comblés. Les haïtiens auront encore montré à la lentille de tous ces journalistes que dans la douleur, la dignité était plus forte que tout. Au delà des cérémonies officielles, il fallait sentir l’atmosphère de celles qui n’abritaient pas de dignitaires, ou ne se comptaient pas de journalistes. Pas vraiment plus vraies que les officielles, moins policées simplement. Seule la génératrice devant le palais nationale brisait le silence de la minute de silence. On n’a pas vraiment su quand elle commençait, on l’a sentie c’est tout. Depuis cette minute de silence, la logorrhée politique a repris sa place royale. Le nombre réel de morts (entre 216 000 et 310 000), les résultats du premier tour, la date de la fin du mandat de Préval, le rapport de l’OEA, les armes en circulation, le nombre de morts du choléra, ... Une seule minute de silence dans ce pays de ‘parleux’. Plus que les lentilles des journalistes, c'est tout dire !

mercredi 12 janvier 2011

La vie se dégage de la mort


Comme une graine qui se transforme en arbre une fois plantée dans la terre, la vie arrive à s’extirper de la mort, à se nourrir d’elle. À pousser tout croche peut-être, mais à pousser quand même. C’est la première leçon que les haïtiens donnent depuis un an. Je parle de ceux qui sont pauvres, travailleurs comme chômeurs, ceux qui forment ce qu’on appelle la population. On apprend donc cette notion que la mort est plus forte que la vie et qu’à ce titre, ça ne vaut pas la peine de tenter de se battre contre elle. Que la seule façon d’ébranler la mort un peu, c’est de célébrer la vie. Tous les matins depuis, cette femme haïtienne qui s’extirpe d’une tente, bien mise, plus belle que tout, parfaite. C’est la vie. Elle vit dans la pauvreté mais ne la porte pas. Je pense à son allure, seule sa maison s’est écrasée. Tous les matins depuis, elle tient la main de son ti-moun parfaitement costumé pour l’école, plus propre que propre. Aujourd’hui, comme des millions d’autres, elle priera un Dieu. Des larmes baigneront ses yeux quand elle pensera à tous les morts qui font sa vie depuis bagay la. Ses mains comme ses yeux se lèveront vers le ciel. Cette femme, c’est Ayiti. Des millions d’hommes et de femmes dont la vie est façonnée par la mort. On souligne la vie aujourd’hui, même si ce sont les morts qui sont en vedette.

lundi 10 janvier 2011

Plein les bras


Les activités relatives aux commémorations du 12 janvier débutaient aujourd’hui. Le grand stade de foot de PAP recevait deux équipes de joueurs ‘handicapés’ comme on dit ici. Des joueurs amputés la plupart avant bagay la, et quelques-uns depuis... Difficile de bien décrire l’énergie de ces joueurs autrement qu’en faisant référence au pays : Des membres en moins mais un entêtement à gagner. Il y avait presque autant de journalistes que de joueurs sur le tapis synthétique. L’équipe nationale d’Haïti vient de participer pour la première fois au mondial. Trois défaites en trois parties disputées mais une grande fierté de pouvoir représenter un pays ‘mutilé’ en cette année 2010. Au plan de la symbolique, ça ne fait pas manchot... Cette réalité des personnes estropiées était bien évidement présente en Ayiti (il faut les voir s’accrocher au tap-tap!!!), mais elle a pris davantage d’ampleur depuis le tremblement de terre. Il faut se rappeler que plusieurs personnes personnes se sont inquiétées du nombre d’amputations opérées dans les jours qui ont suivi bagay la, on estimait que les équipes d’urgences optaient pour l’amputation un peu trop facilement. Favoriser l’intégration sociale et professionnelle de ses personnes correspond donc à un défi supplémentaire pour une société qui en a déjà plein les bras.

dimanche 9 janvier 2011

L'Heureux

À Montréal est mort Gaston L’Heureux. Il m’a déjà fait pleurer. J’ai été membre du conseil d’administration du Resto-Plateau pendant près de 12 ans avant de venir en Haïti. Le Resto-Plateau est une entreprise d’insertion qui forme une centaine de personnes par année au travail de cuisine d’établissement. Gaston nous a donné un gros coup de pouce pendant plusieurs années. Il était le porte-parole du Resto, celui qui était capable d’endiguer des gens dans le couloir de l’appui financier à notre organisation. En arrivant dans la cuisine du Resto pour la première fois, il s’était mis à chanter une chanson en créole. Les travailleuses en formation haïtiennes, qui correspondaient à une proportion significative de notre clientèle, lavaient laissé tomber leur chaudron pour l'accompagner. Le genre de deux minutes qui se fait une place dans ta tête pour la vie. Il nous expliquera qu’une haïtienne qui travaillait chez ses parents quand il était enfant lui chantait cette chanson. Toutes mes sympathies aux gens qui sont touchés par son décès.

Chèchè lavi


Truitier est en même temps le dépotoir principal de Port-au-Prince et ... un village. Comme dans les grandes villes de plusieurs pays pauvres, une activité économique (donc sociale) s’y installe. Des familles complètes résident sur les pourtours de la décharge, deux mille personnes (selon un des employés qui servait de guide) vivent des déchets de PAP amenés ici tous les jours par des dizaines de camions. Une atmosphère opaque créée par la fumée des déchets qui brûlent et la poussière que les tracteurs soulèvent. Des ânes, cochons et cabrits qui broutent ce qui restent à brouter. Des centaines de moun, petits comme grands, fouillent les déchets. «Y’ap chèchè lavi» me dira le guide de circonstance... Simplement traduit en français, ils cherchent la vie. Chercher la vie !! Tabar..., il arrive que des expressions créoles te bouffent le coeur et la tête en même temps. On fouille activement le contenu apporté par les camions pour dénicher tout ce qui peut se vendre. À l’entrée du village, les brooker sont là avec des balances, l’activité économique y est très bien organisée. Le plastique et différents métaux récupérés sont emballés et retournés dans les pays riches pour être transformés en nouveaux produits de consommation. Quelques années d’utilisation à Montréal ou à Miami pour revenir et être revendus à un ayisien pour une deuxième ou une troisième vie utile. Quelques années avant de revenir à Truitier et ... Vous avez compris, tout est dans tout, c’est la vie et on la cherche !!

samedi 8 janvier 2011

Marcher dans ses décombres




Le 12 janvier 2010, vers 22h00, on entamait une bouteille de vin et des pâtes avec deux inconnus. Besoin de décanter j’imagine, et on ne parle pas du vin. Jo et moi avions été chercher Chantal Guy et Ivanoh Demers, deux journalistes de La Presse coincés dans le stationnement de la Villa Créole transformé en salle de chirurgie. Ils avaient vécu le tremblement de terre dans l’hôtel, Chantal en a fait de très beaux textes, Ivanoh de très belles photos (voir la une de La Presse). Les trois premiers jours de l’aventure ont été vécus dans une forme d’intimité avec ces deux étrangers. Se soude on ne sait quoi. Ivanoh est en ville depuis mardi pour suivre les activités entourant le premier ‘anniversaire’ de bagay la. Aujourd’hui, on a passé la journée ensemble à faire de la photo. Il voulait absolument retourner à la Villa Créole, marcher dans ses décombres. De la chambre où tout s’est écroulé, il a fait deux fois le trajet qui l’avait amené vers la sortie ce soir là. Il comptait les pas, divisait par le nombre de seconde de la grande secousse, ... Je voyais des idées se bousculer dans sa tête, ses pommettes sont devenues rouges et ses lunettes se sont embrouillées. Besoin de comprendre, d’attacher les fils qui trainent. Lundi, Chantal arrive à la maison. On va ouvrir une autre bouteille et manger des pâtes.

vendredi 7 janvier 2011

Ayiti est un perron d’église


Dans ma mémoire de ti-cul, il y a ces images de perrons d’église. Là où le village où la petite ville se réunit le dimanche après la messe pour placoter. Prendre des nouvelles de l’un et de l’une. Impressionner les autres avec des nouveaux souliers, une nouvelle bedaine, une remplaçante à la défunte, … J’ai vu les mêmes scènes sur des perrons d’église en Italie. Ayiti au complet est un vaste perron d’église. Partout, on placote et on parade. C’est par l’autre qu’on est beau ou intéressant. Qu’on existe à la limite. Depuis notre retour à PAP, je ne fais que saluer des gens que je croise. Des connaissances, des collègues, des amis. Impossible d’aller à quelque part sans saluer une connaissance. Imaginez pour les haïtien. Petit pays

jeudi 6 janvier 2011

Le rapport est prêt

Deux pays, deux sources d'information mais un seul titre. Le site de Radio-Canada qui titre 'Le rapport est prêt' en parlant de la Commission Bastarache. Alors qu'ici en Haïti, un chaîne de radio présentait son bloc de nouvelles en titrant lui aussi 'Le rapport est prêt'. Ça concerne le travail effectué par l'équipe de l'OEA pour le recomptage du premier tour. Les comparaisons s'arrêtent là même si dans les deux cas, des politiciens flirtent avec la corruption.

Tourner en rond


- Hey Labadie, de retour ?
- Wow, t’aurais dû travailler dans l’équipe de Sherlok Holmes !
- Arrête de me niaiser, jusque là j'étais contente de te revoir.
- T’en es presque à me dire que tu t’étais ennuyée...
- Je t’ai dit d’arrêter de me niaiser, on dirait que tes vacances ne t’ont pas permis de recharger ta batterie.
- Labadie mon nom, pas la batterie ! Sérieusement Asefi, mais vacances ont été tout ce qu’il faut que des vacances soient. En plus, tu m’as manqué. Je me suis ennuyé de toi et de nos discussions qui tournent en rond.
- Nos discussions auraient effectivement tourner en rond au cours des dernières semaines. On n’en est au même point aujourd’hui que quelques jours après ton départ. On attend toujours de connaître les résultats définitifs du premier tour avant de pouvoir lancer le deuxième. C’est comme la reconstruction, on ne voit pas d’évolution.
- Mais l’équipe de l’OEA qui est là pour le recomptage ?
- L’OEA peut faire quoi de plus ? Discréditer le CEP en sortant des chiffres complètement différents ! Peu importe ce qu’il en sortira, il y aura des mécontents. Peu importe si c’est Martelly ou Célestin qui passe au deuxième tour, il y aura des mécontents et des troubles dans les rues. J’espère que tu as des provisions à la maison.
- Je suis effectivement passé au market pour acheter quelques bouteilles de vin et de rhum, il y a de ces problèmes qu’il est préférable de noyer dans l’alcool. Il n’y a pas une canne de conserve qui fait la job.
- Effectivement, ça tourne en rond !
- Non non, sérieusement, j’avoue que je ne sais pas trop comment on arrivera à se sortir de ce guêpier sans qu’il n’y ait un peu de casse.
- La petite casse, on s’habitue. Le problème est qu’après cette petite casse, on risque de ne pas pouvoir tenir un deuxième tour dans de bonnes conditions, installer un président et un gouvernement ‘confortables’, ... tu vois le genre de complication à long terme ! Dans les rues, on parle de plus en plus d’une tutelle internationale pour pouvoir enfin lancer la reconstruction. J’avoue que je ne sais pas trop où on s’en va.
- C’est effectivement une condition pour tourner en rond.

mercredi 5 janvier 2011

Climat de retour

Je ne parle pas de la température, les Caraïbes, c’est les Caraïbes… Je parle plutôt de ce à quoi je faisais référence dans mon dernier billet. La crise politique chauffe la place. On s’attend à ce que la mission de l’OEA donne son rapport d’ici vendredi, ce qui permettrait de confirmer de manière définitive les résultats du premier tour. Autre brûleur sous la marmite, plusieurs demandent le départ de Préval pour le 7 février, comme prévu à la constitution. Dans les faits, le gouvernement a entériné les textes législatifs nécessaires à ce que Préval reste en poste jusqu’au mois de mai. Ces textes ont été mis en forme dans les mois qui ont suivi le tremblement de terre et devaient éviter que le pays se retrouve sans ‘tête’ dans le contexte où les élections ne pouvaient être organisées dans les délais prévus pas la constitution. Les élections ont effectivement eu lieu dans le délai prévu, mais pour la forme… L’enjeu est que le deuxième tour ne pourra avoir lieu avant février et l’installation d’un nouveau gouvernement avant la fin du mois de mars. Malgré tout, ils sont plusieurs à exiger le départ de Préval le 7 février, Martelly entre autres. Le dernier brûleur sous la marmite est la sortie de madame Manigat contre les organisations internationales et les ONG. Elle frappe dans les dents. On peut comprendre que politiquement il est facile et payant de surfer sur l’anti-ONGisme ambiant, mais elle est allée un peu plus loin hier en visant les ‘personnes’ qui travaillent au sein de ces organisations. Faisant référence à nos conditions de revenues (salaire, per-diem, primes de sécurité, …), elle se demandait quel était notre intérêt réel. Il y a ici un questionnement (nécessaire selon moi) concernent le fonctionnement et l’impact des organisations d’aide ou de développement qui sont installées. Le problème est davantage criant depuis le 12 janvier dernier, le silence des près de 10 000 organisations présentes seraient de plus en plus assourdissant : Moins de 500 d’entre-elles transmettraient à l’État haïtien les informations relatives à leurs activités malgré les demandes répétées de ce dernier. On se questionne donc ‘formellement’ sur cet apport que plusieurs n’hésitent pas à définir comme une perte pour le pays. L’exemple le plus souvent cité est cette fuite massive des cerveaux (ceux du public comme ceux du privé) vers les ONG et leurs conditions salariales plus avantageuses. On suit la suite ...

lundi 3 janvier 2011

On rentre chez nous


Moins de 12 heures et on remet les pieds en Ayiti. Sentiments ambigus pour les prochains jours. D’un côté le goût de participer aux événements qui permettront de souligner le tremblement de terre du 12 janvier 2010. On imagine une grande charge émotive qui se matérialise dans un climat d’empathie. Même le choléra n’empêchera pas les ayisien de s’embrasser et de se toucher. De l’autre bord, les inquiétudes relatives à l’imbroglio électoral... On verra ce qui prendra le dessus !!

dimanche 2 janvier 2011

La désespérante espérance


Les vacances, c’est comme tout le reste, il y a toujours une fin. Vous dire comment elles ont été bénéfiques ... impossible. J’ai parlé avec des proches à plusieurs reprises dans les dernières semaines et ‘LA‘ question qui revient dans la tête de plusieurs est la suivante : Est-ce qu’il y a de l’espoir pour Haïti ? Une partie de ma réponse concerne le drame humain que vivent plusieurs des haïtiens que je côtoie. Ceux-là qui ont fait le choix de fonder famille et de travailler en Ayiti. Je les vois aujourd’hui indécis, contrariés, hésitants. Un peu comme si les événements de la dernière année avaient fait écrouler les derniers étages du château de cartes qu’ils maintiennent à l’abris des vents depuis des décennies. Je pense aussi à ceux qui n’ont jamais eu les moyens de quitter et pour lesquels Haïti ressemblent encore davantage à un emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.
- Labadie !! Je ne veux pas savoir ce que les autres en pensent, je veux savoir si tu penses qu’il y a de l’espoir.
- Sur RFI il y a quelques semaines, j’écoutais l’entrevue d’un blueseux (musicien de blues) venu du Mali (j’ai oublié son nom !!) qui parlait de l’Afrique en disant que sa seule obligation était de garder l’espoir. Qu’il lui était interdit de perdre l’espoir en une sortie de crise perpétuelle de ce continent.
Tu fais chier avec tes réponses alambiquées qui ne veulent rien dire, un vrai politicien !!
En fait, c’est l’espoir qui me désespère. C’est parce que trop de monde sont dans l’espérance qu’il n’y a pas d’espoir.
C’est exactement ce que je disais, tu fais chier....