mercredi 26 septembre 2012

Deux vitesses

À New York cette semaine, c’est la 67ième Assemblée générale des Nations Unies. Vous le saviez !? Je m’en doutais. Notre PM s’y est rendu lundi et son compte twitter s’est une fois de plus échauffé. On nous avait dit hier qu’en douce, le président s’y serait rendu lui aussi (confirmé lui aussi sur compte twitter). C’est le ‘en douce’ dans la dernière phrase sur lequel vous deviez réfléchir. Parce qu’en fait, nos deux hommes n’ont vraiment pas développé l’habitude de faire les choses en douce. À la limite, c’est davantage l’hyperactivité du gouvernement qui marque la couleur actuelle de la vie politique. Si Préval et Bellerive ne se faisaient pas trop souvent voir dans les médias et pouvaient laisser croire que l’hibernation était leur modus operandi, disons que Martelly et Lamothe se maintiennent frénétiquement sur la sellette. Est-ce que ça veut dire pour autant que les choses bougent réellement ? Je vous laisse porter une réponse, mon statut de blanc comme mon contrat m’empêchent de vous raconter ce que j’en pense. Ajoutez à cela qu’Asefi et Cetout ne sont pas dans le coin depuis quelques temps … difficile de naviguer dans les opinions ! Le paradoxe actuel réside davantage dans la stagnation de la situation d’une des dimensions essentielles de la vie démocratique : L’organisation des élections. La communauté internationale a mis tout son poids consolidé (comprendre une très forte harmonie entre les pays) pour que le président publie la nouvelle constitution, constitution issue d’un grossesse disons difficile. L’un des objectifs de cette communauté internationale en regard de la publication de cette constitution, était la création d’un Conseil électoral permanent (CEP). On vit en Haïti depuis 25 ans avec un Conseil électoral provisoire (lui aussi CEP), conseil identifié comme ‘le’ responsable des élections ubuesques des dernières années. Il y a dans cette ‘communauté internationale’ assez d’analystes brillants pour avoir imaginé qu’en forçant l’installation d’un Conseil électoral permanent, tous les problèmes allaient être réglés. Entre l’analyse et la pensée magique, il n’y a souvent qu’un pas. Constat actuel donc : Stagnation complète du processus électoral qui devrait permettre de replacer le Sénat sur des rails, et réinstaller des dirigeants légitimes dans les villes et communes. Les derniers mois ont été l’occasion pour l’ensemble des acteurs de ce nouveau CEP permanent (l’absurdité de la situation permet aujourd’hui de parler du CEP permanent ou CEP provisoire) de transformer la démarche en un grand cul de sac. Le CSPJ (Conseil supérieur du pouvoir judiciaire) a été forcé de retirer les 3 membres qu’il avait nommés, le processus aurait été tellement mal mené qu’il ne restait plus personne (même pas les ambassades …) pour l’appuyer. Le CSPJ devait s’y remettre cette semaine, mais la situation étant aussi compliqué que complexe, tout a été remis à ‘on ne sait quand’. Notons pour la petite histoire que la diffusion de la nouvelle constitution a aussi permis la création tant attendue elle aussi du CSPJ… Trois autres membres du CEP permanent doivent être nommés par le sénat. Et là, la stagnation ... stagne. Il faudrait l’approbation de 17 des 20 sénateurs toujours en poste, ce qui dans les faits demeure relativement ardue (impossible selon plusieurs). Même les efforts de négociation du président ne servent jusqu’ici à rien. On a donc six des neuf membres qui demeurent inconnus, mais surtout on n’arrive pas à imaginer comment ils pourront être identifiés. Des élections devaient avoir lieu en novembre prochain mais dans le contexte, vaut mieux oublier l’idée. On se retrouvera donc avec un parlement où le sénat sera appelé à voter dans les prochains mois plusieurs lois importantes dont le budget de la prochaine année (qui commence le premier octobre), et ce à une majorité époustouflante (17 voix sur 20). J’entendais un analyste à la radio cette semaine raconter qu’à ce rythme et dans le contexte politique actuel, les législatives attendues dans 2 ans (un autre tiers du sénat) pourraient ne pas avoir lieu forçant ainsi le sénat à devenir formellement caduque. On se retrouve donc dans un environnement politique qui donne l’impression que tout circule à deux vitesses : Un gouvernement (président, premier ministre et ministres) qui lance l’image d’une organisation pressée d’en découdre avec le développement d’Haïti, et les autres pouvoirs (parlement et CSPJ) qui semblent s’enfermer pour longtemps dans un marasme. La suite est de savoir comment le pouvoir de l’exécutif pourra s,actauliser sans les autres.

jeudi 20 septembre 2012

Salut Pat

J’ai lu avec intérêt ton article de ce matin (http://goo.gl/cMyXM). Deux fois même. Je t’apprécie trop pour ne pas réagir à ton analyse. En premier lieu, réglons le cas du Doc Mailloux. Ce bonhomme connaît assez bien son métier de vomisseur public pour ajuster adéquatement la grosseur et la densité des grumeaux qu’il offre à ses auditeurs (ou peut-être à sa tribu) afin d’entretenir avantageusement son marché. Un peu comme la Sloche de chez Couche Tard ! Qu’il ait pu se servir de ce que tu appelles une vérité sur les haïtiens pour mépriser le ti-cul qui l’appelait n’est pas surprenant, c’est une tactique payante dans ce genre de marché. Ce qui me surprend toutefois, c’est que socialement, on soit forcé de maintenir des structures en place pour filtrer l’ensemble des imbécilités qui se racontent sur les radios afin de frapper les doigts des animateurs et de leur propriétaire. Mais ça, c’est un autre débat. Non, ce qui me dérange dans cette histoire est la quantité de sophismes qui nous brouillent l’esprit, et donc qui engluent l’analyse. C’est une tactique bien connue chez ce genre de ‘preneux de parole en public’ que de s’appuyer sur l’expertise que leur offre le statut de médecin (l’argument d’autorité) pour raconter n’importe quoi sur n’importe quoi. Le noeud de l’affaire pour moi se concentre dans ce paragraphe où on me semble, à partir de certaines réalités ‘objectivées’, extrapoler abusivement des conclusions: « Le pire, c'est que le Doc Mailloux a raison. Comme d'autres pays du tiers-monde, Haïti est aux prises avec ce phénomène : les enfants qui, laissés à eux-mêmes, ont des relations sexuelles. Par définition trop précoces. » En premier lieu, quel lien intelligent peut-on faire entre la réalité de la sexualité de ce ti-cul de 22 ans, et celle des enfants haïtiens ? Au plan de la forme, on comprend à quelle logique marchande cette association participe, mais sur le fond en quoi le Doc Mailloux a raison ? Les manifestations en apparence équivalentes (le ‘laissés à eux-mêmes’ auquel tu fais référence) peuvent décrire des réalités complètement différentes, même opposées. La sexualité ‘dite précoce’ des adolescents du Qc s’inscrit, entre autres choses, dans un contexte où l’information, les codes moraux et les rapports garçons-filles ne me semblent avoir aucun lien avec la réalité haïtienne (ou d’autres pays en développement). En Haïti par exemple, un rapport fort intéressant de Save the Children (http://goo.gl/JvwsQ) s’intéresse aux rôles des travailleurs de l’humanitaire et des soldats de la paix dans la sexualité des enfants, ça nuance un peu la réalité pour reprendre ta conclusion. Le deuxième hic dans ce paragraphe concerne le lien causal entre la sexualité précoce, et la santé sexuelle des femmes et de leurs filles. Ça me semble au minimum fallacieux. Personne ne remet en doute les problématiques de santé sexuelles des filles et femmes haïtiennes (on y investit beaucoup d’argent comme canadien entre autres), mais en quoi la précocité éventuelle des premières relations en serait la cause ? Il y a ici un millier d’autres facteurs pour expliquer la précarité de la santé reproductive des filles et femmes haïtiennes. Il faudrait voir ! Finalement, mon dernier problème avec le paragraphe cité plus haut concerne la définition de ce qui est précoce (tu écris ‘Par définition trop précoce.’). De quelle définition parle-t-on ? En existe-t-il une qui déterminerait de manière absolue l’âge pour une première relation sexuelle ? Une fois de plus, on nage dans le sophisme : Un raisonnement en apparence logique qui s’appuie sur une fausse prémisse, ou du moins une prémisse dont les assises demeurent floues ou inscrites dans les valeurs d’un vieux barbu. Et encore ici, le Doc Mailloux n’a pas raison sur le fond ! Il a bien le droit de juger trop précoce une relation sexuelle à 13 ans, mais on est là strictement dans l’ordre de la morale, et non de la science. En fait, je pense que la distinction forme/fond sur laquelle tu bâtis ton analyse ne tient pas la route. Tant sur le fond que sur la forme, ce bonhomme raconte généralement n’importe quoi lorsqu’un micro lui est offert et que quelques milliers de patients/clients potentiels l’écoutent (sauf peut-être chez Arcand hier matin !). Les intérêts sont trop brouillés et, surtout, forcent l’échafaudage d’un nuage de poussière en apparence scientifiquement solide. Mais tu sais, la solidité d’un nuage de poussière… À ce propos, il faudra qu’un jour, nos journalistes s’intéressent au marché de l’expertise psychiatrique. Le marché qui permet à deux psychiatres de venir en court défendre ‘scientifiquement’ des positions opposées, peut-être davantage définies par les besoins de leur client. À bientôt sur Mtl, on prendra une bière sur le sujet !!

lundi 17 septembre 2012

Se reconstruire

Haïti a déjà été une destination touristique recherchée. Sous la dictature en particulier, au moment où Bébé Doc faisait ses valises pour un périple de 25 ans, le Club Med du coin recevant la visite de quelques centaines de personnes en colère. Je ne sais pas trop si d’autres coins du pays profitaient de la sécurité et de l’invisibilité de la pauvreté pour recevoir des touristes, mais aujourd’hui, on cible principalement trois coins : La côte des arcadins (au nord de PAP) avec hôtels de bord de mer (comme l’ancien Club Med) , le Cap-Haïtien (avec la plage Labadie et la Citadelle) et Jacmel avec son centre-ville historique (??) et ses plages. La ministre du tourisme était au Qc cette semaine pour parler de sa stratégie de reconstruction de cette industrie nationale (http://goo.gl/UFmnZ). Cette hyper-hyperactive de l’hyperactif gouvernement Martelly/Lamothe se fait voir partout afin de mobiliser des gens dans son projet. Difficile à cette étape d’évaluer les résultats concrets de toutes ses démarches, mais au plan de l’effort, on pourrait, en apparence du moins, lui donner un A+. Au plan de la vision stratégique toutefois, j’entretiens certaines réserves. J’estime que l’on aime un peu trop les gros projets avec les gros hôtels. Pis les gros projets avec les gros hôtels, ça nécessite des routes, des aéroports, de la sécurité … Tout ce ce que le pays n’a pas et ne peut rapidement offrir. Choisir entre les ‘resorts’ de la République Dominicaine et ceux auxquels semblent rêver le gouvernement, je vous laisse deviner où iront les 1000$ planifiés pour la semaine de congé de février ! On me semble en fait avoir parié sur le mauvais cheval, celui dans lequel plusieurs pays de la région (Mexique, Jamaïques, République Dominicaine, Turk and Kaikos et Cuba entre autres) ont investi leur galette. Je pense davantage que la pays pourrait lancer son industrie sur d’autres bases, comme celles par exemple du tourisme d’aventure. Des gens prêt à dépenser du cash pour se dépenser en randonnée, en cyclotourisme, en vélo de montage, en plongée sous-marine, sur un voilier … Je ferais du vélo de montagne partout entre PAP et Jacmel, entre les Gonaïves et le Cap, entre les Cayes et Jérémie ou entre Jacmel et les Cayes (allez voir ce site http://goo.gl/lHikJ). De la plongée dans les alentours entre les Nippes et Jérémie, dans le entre le Cap et Port-de-Paix. De la voile autour de lÎle à Vache. De la randonnée, de l’escalade, … Avec des artistes et artisans (musique, peinture, danse, sculpture, …) à tous les coins de rue et une culture vaudou intelligement exploitable, Haïti peut trouver une niche. Pas la grosse niche clinquante et rapidement payante (éventuellement payante …), mais quand même une niche. Une niche de touristes moins exigeants au plan du confort et de la sécurité. Une première niche qui donnerait le temps au pays de se reconstruire une industrie. Mais vous savez, tout dépend de la façon de définie ‘se reconstruire’.

lundi 10 septembre 2012

La malchance des malchanceux

Dans tout ce désordre causé par bagay la, il y aura eu l’érection salutaire des ces milliers de camps dans les trois départements touchés. Assez de camps pour contenir jusqu’à 1 300 000 moun aux pires moments de la crise. Depuis, ces camps se sont lentement évanouis, appuyés dans leur disparition par la générosité internationale. Je sais que le mot générosité est questionnable, mais rien n’est parfait. Surtout l’impossible perfection. On a fait (et j’en suis) beaucoup de bruits autour de la fermeture de camps très importants. Important comme dans ‘visible’ ou dans ‘au centre d’une attention soutenue’. Les camps de Place Boyer, de Place Saint-Pierre et du Stade de Sainte-Thérèse dérangeaient le confort des pétionvillois, des restaurateurs, des commerçants et des blancs qui y dépensent beaucoup d’argent. Le Westmount de PAP (dixit un journaliste canadien) ne pouvait souffrir plus longtemps de cette vue imprenable sur la misère, l’électrochoc ‘social’ ne transportait plus ses effets. L’impatience de plusieurs laissait crier un poétique « Vous êtes pas écœurés de ‘souffrir’ bande de caves ! C'est assez ! » (pour les lecteurs non québécois, suivez ce lien). Et vous savez quand les poètes ou les intellectuels se choquent, on trouve toujours des mécènes pour régler le problème. Donc les gens de ces camps ont été financièrement accompagnés vers une sortie. Quelle sortie ? Vous posez trop de questions ! Les campeurs du camp du Pétion-Ville Sport Club (un des plus grands camps avec près de 50 000 personnes) bloquaient l’accès au golf et aux courts de tennis. Sean Pen s’est personnellement impliqué pour régler le problème des sportifs qui dans leurs cas, n’ont pas besoin de mécènes. Finalement, il y avait les alentours du Palais national avec le grand camp du Champ-de-Mars, celui qui entourait le Nègre Marron ou encore le parc en face de l’ancien Palais de Justice. Bev Oda s’en est personnellement occupée. Reste maintenant à régler le ‘cas’ de ces quelques 500 camps restants, 500 camps qui comprennent quand même 396 000 personnes ! Pour ces malchanceux de la malchance, on ne trouve plus d’argent, il leur manque un petit quelque chose d'accrocheur u plan de la visibilité. Les donateurs on la sentimentalité fatiguée et ne trouve plus de visibilité à aider Haïti. « Est-ce qu’il va nous falloir une nouvelle catastrophe ?» me demandait un collègue français. « Ou une nouvelle catastrophe, ou un spécialistes en marketing. Tu sais, le genre de personne qui peut tout mettre en marché, améliorer la visibilité d'un produit.»

lundi 3 septembre 2012

Pessimisme obligé

J’ai fait cette photo lorsque j’étais dans la région de Charlevoix, le plus beau coin du monde. Sur ce fleuve du matin, on ne sait plus où sont l’eau, les nuages et la brume. Le navire semble presque voguer dans un espace vide. C’est un peu ce que je ressens en voyant de l’extérieur mon pays naviguer depuis plusieurs années. Sentiment accentué après y avoir passé trois semaines intensifiées par une campagne électorale. Comme s’il n’y avait plus de direction, de voies tracées pour la suite des choses. Le vote épidermique d’une bonne frange de mes compatriotes me semble incohérent : On envoie en chambre de trop nombreux représentants d’un avorton de parti de droite dans une élection provinciale (l’ADQ en 2007), d’anonymes représentants d’un parti de gauche (le NPD) en 2011 dans une élection fédérale, et dans quelques jours, d’un éphémère parti de droite (la CAQ). Une chatte n’y retrouverait pas ses petits, à moins que ces derniers soient badigeonnés d’un populisme démagogique (on approche le pléonasme, mais ça me fait du bien …) aux effluves vigoureuses. Je me souviens d’une soirée bien heureuse avec plusieurs journalistes qui dormaient à la maison dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre. Deux d’entres-eux défendaient l’idée que la culture politique d’une trop grande partie de notre population était dans un état lamentable, tellement lamentable qu’il devient effroyable d’imaginer que ce sont eux qui installent nos gouvernants au pouvoir. J’avais longuement contre-argumenté avec eux, défendant l’idée que cette pseudo ignorance pouvait aussi être interprétée comme une position idéologique divergente (au plan de la priorisation des valeurs par exemple). J’ai toujours eu une allergie à ce ‘Le peuple est con’, mais j’avoue que dans l’incohérence du contexte, mon proverbial optimisme est ébranlé. À l’autre bout du spectre, il y a également ceux que l’on qualifie d’experts de la chose publique, ceux qui commentent tout et rien (un peu comme je le fais !!) dans nos médias, grands comme sociaux. À l’exemple de Mathieu Bock-Côté, ce pseudo intellectuel qui tourne des phrases plus lourdes de références que de sens. Après avoir constaté une certaine médiocrité dans notre existence politique, n’a quant à lui aucune crainte à nous annoncer enfin une sortie de crise : « Qui n’a pas eu le sentiment, ces dernières années, que le Québec s’enfonçait dans la médiocrité ? Quand une société se sent impuissante, elle perd le goût du collectif. La politique semble alors baigner dans les eaux puantes de l’affairisme, de la corruption. C’est avec ce climat mental que nous romprons le 4 septembre. Une page d’histoire s’écrira. Nous ne changerons pas seulement de gouvernement. Nous changerons probablement d’époque. Notre histoire comme peuple bifurquera.» Changer d’époque, une histoire qui bifurque …. un chausson avec ça ?! Ma prédiction, pessimiste pour une fois : Un gouvernement péquiste minoritaire qui ne survit pas deux semaines, la CAQ et le PLQ s’unissant pour prendre le contrôle du gouvernement. Un gouvernement CAQ-PLQ (ou PLQ-CAQ) pour les 5 prochaines années et aucune histoire qui bifurque, la bonne continuité dans cette descente en enfer … Avec Harper à Ottawa, je pense que je vais demander l’asile en Haïti !!