lundi 26 janvier 2009

La citadelle du Roi Christophe


Depuis quelques semaines, ‘Written in blood’ est ma lecture de chevet. Cette histoire d’Ayiti est écrite par un américain qui a résidé sur l’Île pendant de l

ongues années. Son statut diplomatique lui a donné accès à une documentation officielle importante, ce qui fait que sa brique est très dense. Une partie de ce sang qui aurait permis d’écrire l’hist

oire d’Ayiti a coulé autour de la fin de la révolution anticolonialiste, anti-esclavagiste (1804). Débarrassé des colonialistes, le pays s’est divisé en deux :  le Nord et le Sud. Le sud républicain, dirigé par Pétion. Au Nord, Christophe s’est affublé du titre de roi et a fait construire un palais et une citadelle qui valent absolument le détour. ABSOLUMENT! La seule ‘vraie’ attraction touristique du pays selon certains. Réunis au sein du Parc national, le palais et la citadelle sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le Palais de Sanssouci du Roi Christophe a mal vécu  le tremblement de terre de 1842 (et oui, la cerise sur le sundae, Ayiti est assise sur deux f

ailles !), ne reste que quelques murs et la structure d’un palais et de ses jardins versaillisants (le palais tout autant que les jardins). Plus loin, on trouve la Citadelle La Ferrière qui trône au sommet d’un mont (900 mètres) et qui nous re-pompe le mollet. Ceux qui ont la patate plus ‘arythmée’ peuvent, pour quelques gourdes, prendre un cheval qui fera le travail pour eux. Un haïtien présent le matin où 

j’ai visité la citadelle, et qui ne me croyait pas capable de me rendre au bout de la course, m’a proposé pendant les 10 premières minutes de la randonnée les services de Toyota, une belle petite jument qui devait aspirer à ne pas me prendre sur ses épaules. La montée de 30 minutes vaut toute la sueur transpirée. La vue sur la région est imprenable de ses 360 degrés et la Citadelle est grandiose. Les batteries, les cachots, la poudrière, la cour, la chapelle, les canons,  … c’est hallucinant! Quatorze ans et 200 000 hommes ont construit le palais et la citadelle du Roi Christophe. Selon le guide qui nous accompagnait, 20 000 travailleurs seraient morts sur le chantier. À sa mort, tout n’était pas terminé. Le gouvernement, probablement via la reconnaissance de l’UNESCO et les quelques touristes qui circulent sur le site, a réussi à finir la construction (les revêtements de toit)  et à financer l’entretien du site. Quant au Roi Christophe, il s’est suicidé en se tirant une balle en argent dans le cœur ! Pas cheap le bonhomme.

jeudi 22 janvier 2009

Internet...

J’ai souvent tenté de faire la même blague : En Ayiti, Internet marche… dans le sens de la vitesse de la marche. (Je sais, mes talents d’humoriste sont limités.) Le réseau Internet haïtien est exclusivement un service qui s’appuie sur un signal satellite. Comme pour le téléphone, tu ne peux pas compter sur des réseaux de câbles dans un pays où le vent fout tout en l’air quelques fois par année.  Quand les ouragans passent, les antennes haïtiennes peuvent être déplacées et la communication avec les satellites est ainsi coupée pour quelques jours, le temps que l’on réaligne les antennes. Ce n’est pas trop grave. Le vrai problème est que les fournisseurs Internet du pays n’ont aucun contrôle sur leur approvisionnement… Tout ce qu’il y a d’accès Internet dans le pays, malgré la légalité du contrat que je signe avec le fournisseur, est illégal. Le signal est dérobé auprès des îles voisines, dont Puerto-Rico. Illégal ! Bien évidement, le système de nos voisins ne prévoient pas l’affluence de la clientèle haïtienne. Les fournisseurs haïtiens ne sont pas non plus en mesure de faire augmenter leur capacité de transmission, ne contrôlant pas l’équipement qui émet le signal. On est donc continuellement coincé à être trop nombreux sur la même ligne pour parler réellement de haut débit. De plus, dans l’optique de traiter l’ensemble de leur clientèle de manière équitable, nos fournisseurs délestent à tour de rôle une partie de leur clientèle. Au bureau, depuis le retour des vacances, on est délesté entre 9h00 et 10h30 tous les matins. Après 17h00, on nous coupe une deuxième fois l’accès à l’Internet. Faites un test au bureau et on en reparle !

lundi 19 janvier 2009

Aba la vi chè


Le mets le plus fréquent de la plupart des haïtiens est … rien, ou pas grand-chose ! Lors des dernières semaines, j’ai vu ou lu quelques reportages sur la crise alimentaire mondiale. Ici, les spécialistes du PAM (Programme alimentaire mondial) nous annoncent une crise au mois de mars prochain, on arriverait aux dernières graines du grenier. Le PAM a même lancé un vaste programme de financement auprès des pays riches afin de venir en aide à Ayiti et à 11 autres pays. Dans les reportages vus et lus, on nous parle toujours des parents haïtiens qui nourrissent leurs enfants avec des galettes d’argile afin d’éliminer, minimalement, le sentiment de la faim. Quand on est chanceux, les galettes sont assaisonnées de quelques grains de riz ou de maïs. L’image est dure mais semble décrire une réalité haïtienne qui a été aggravée par la crise mondiale et les ouragans de l’automne dernier. J’ai entendu des ‘ayatollahs’ de santé publique s’énerver publiquement : ‘Et si l’argile était contaminé ?’ Effectivement, que pourrait-on faire ? Décontaminer l’argile au plus vite ! Je me suis amusé dans les derniers jours, maintenant que l’installation est complétée et que nous commençons à avoir des repères plus stables, à comparer les prix avec ceux du Canada. J’ai acheté six tomates à des marchandes sur la rue (il faut acheter les fruits et les légumes sur la rue et non dans les markets), 100 gourdes, 2,50 dollars américains (3 piasses en canadien). Sûrement pas moins cher qu’au Canada. On trouve les pâtes alimentaires Barilla dans certains markets : 139 gourdes pour un paquet de spag. Presque 3,50 dollars américains, 4,25 en canadien. On mangerait des Catelli à ce prix là. 154 gourdes pour un litre de yogourt nature (pi ce n’est pas du Liberté !) : 3,85 en dollars US et 4,75 en canadien. Je suis allé voir ‘le circulaire’ de Métro et on trouve un litre de yogourt Danone pour 2 $. La vie n’est donc pas ‘pas cher’ en Ayiti. Un des enjeux pour la population locale est donc de manger, de nourrir sa famille. À titre d’exemple, les chauffeurs qui travaillent avec nous sont considérés comme étant très chanceux. Premièrement, ils ont un salaire ! Deuxièmement, ils gagnent, parce qu’ils travaillent dans un projet canadien, un salaire équivalent à celui des juges (400 US par mois) et pas si loin des médecins des hôpitaux publics (600 US par mois). 138 gourdes de l’heure (3,45 US ou 4,25 canadien). Après les retenues à la source (elles sont minimales ici), un prend une heure de travail pour se payer six tomates. Prenez votre taux horaire et compter le nombre de tomates que vous pourriez acheter au marché Jean-Talon ? Des pâtes alimentaire plus ‘cheap’ se vendent sur la rue 0,75$ canadien le paquet, 20 minutes de travail ! Les tap-tap pour aller travailler : Jean-Joseph en prends trois le matin et trois pour revenir du travail. À 10 gourdes de la course, ça fait 60 gourdes par jour. Presque 30 minutes de travail. Imaginez-vous payer 15$ de STM à tous les jours (si vous gagnez 30$ de l’heure). Plusieurs murs de la ville sont affublés d’un graffiti : Aba  la vi chè. En français d’ici : Fin à la cherté de la vie !

dimanche 11 janvier 2009

Le marronnage, ou les suites de l’esclavagisme


L’un des sujets préférés des coopérants, outre les bons restos, les meilleurs markets et les plus belles plages, est l’haïtien. Ses qualités et ses travers. Ce qui inspire et ce qui frustre, toujours, bien évidement, du point de vue de celui qui est ici pour aider. Parmi les caractéristiques mentionnées par les plus expérimentés revient souvent l’idée du marronnage. Dire oui et faire non, se faufiler, se sauver, éviter de répondre ou répondre n’importe quoi, … Comme un poisson vivant qu’on tenterait de regarder dans les yeux plus de dix secondes, les mains enduites d’huile d’olive. Sauf dans la domesticité (je raconterai un jour les déboires avec les services de câbles et d’internet !), je n’ai pas encore réellement vécu le problème. Le marronnage est bien décrit dans les manuels d’histoire d’Haïti, à l’époque de l’esclavagisme, les Nègres Marrons étaient un problème très important pour les propriétaires de plantation.  Certains esclaves arrivaient à se sauver du contrôle de leur propriétaire et vivaient cacher dans les forêts. Dans le Robert, on nous dit que le marron est un esclave noir qui s’est enfui pour vivre en liberté. Ils se sauvaient donc et vivaient dans une forme de réclusion de la société haïtienne, dans des campements plus ou moins bien organisés, revenaient la nuit sur les plantations voler de la nourriture. On aurait retrouvé très longtemps après la fin de la période de l’esclavagisme des communautés complètes ou des générations n’avaient pas vécu sous la férule de l’esclavagisme. Les propriétaires qui arrivaient à les rattraper sévissaient de manière importante : ici entre autres, pace que le marronnage n’est pas qu’haïtien, on sectionnait un de leur tendon d’Achille pour éviter qu’il ne puisse fuguer de nouveau. Comme la Statue de la Liberté pour Manhattan, Ayiti a une statue qui lui sert d’emblème visuel : le Nègre Marron. L’image du nègre libre des contraintes de l’esclavagisme est très forte pour les haïtiens. Ils sont très fiers d’être le premier peuple soumis à s’être libéré du colonisateur (en 1804) bien avant les mouvements de libération du 20ième siècle. Dans la même logique aujourd’hui, un des défis des coopérants est ‘d’attraper’ un haïtien. De s’assurer que son engagement dans un projet est réel et continu.  De s’assurer que sa réponse est valide et tiendra la route plus longtemps que le moment du renddez-vous. Comme si se sauver était resté jusqu’à aujourd’hui, pour plusieurs haïtiens, une dimension importante du rapport au blanc.  Ou encore, comme si le développement international représentait, sous certaines de ses dimensions,  la continuité moderne de l’esclavagisme. Je continuerai à prendre le temps d’y réfléchir...

mercredi 7 janvier 2009

Crise pétrolière

Ayiti est actuellement plongée dans une crise pétrolière. Les pompes sont vides et les pages des journaux sont pleines. Trois hypothèses expliqueraient la crise. Les détaillants affirment qu’il y a un problème d’approvisionnement. On attendrait un pétrolier dans le port de PAP pour vendredi et le problème devrait se résoudre. Deuxième hypothèse : un des trois distributeurs de pétrole du pays aurait décidé de prendre vacances pour la période des fêtes sans avertir les détaillants.  Finalement, la dernière hypothèse propose que la pénurie soit fictive, et plutôt liée aux intérêts financiers des détaillants. Les prix à la pompe sont fixés par le gouvernement et l’association des détaillants voudrait pouvoir participer à cette décision. Dans les derniers jours, le gouvernement a baissé le prix en lien avec l’effondrement du prix du baril sur la scène internationale depuis quelques semaines. La perte pour les détaillants étant directe, ils auraient fermé leurs pompes. Vous pouvez vous imaginer qu’en période de vacances, l’accès au pétrole est assez important. Les médias nous racontent des histoires complètement débiles. Des détaillants qui vendent ‘au noir’ (et non pas aux noir) le gallon d’essence 3 à 6 fois plus cher que le prix fixé. Pour revenir à la maison après quelques jours de congés en famille ou à la mer, ça augmente le coût des vacances. L’autre problème important, c’est le transport en commun. Ici le transport en commun est assuré par des dizaines de millier de petites camionnettes. Les tap-taps sont donc en panne-sèche et les haïtiens marchent souvent plusieurs heures pour aller au travail ou pour faire leurs courses. Pour le moment, le blanc que je suis est protégé, le Patrol fonctionne au diesel…

lundi 5 janvier 2009

Lilavach et Allen


Nous arrivons de passer quelques jours à l’Île-à-Vaches (Lilavach en créole). Ici, on dit ‘dans le sud’, comme si le ‘plus sud’ avait un sens. Petite île sans voiture ni chemin, que des sentiers empruntés par des humains et des animaux servant au transport (cheval, âne et mulet). On y a fêté le jour de l’an et la fête nationale en même temps. Le premier janvier, les haïtiens mangent de la soupe joumou (à base de giraumon, une courge) pour fêter leur libération du pouvoir colonial et de l’esclavagisme. Appelée également la soupe de l'indépendance ou, à cause de sa couleur, la soup jon (soupe jaune). Depuis 1804, les noirs se sont donnés le droit de manger la soupe que les maîtres mangeaient mais qui leur était interdite. Dans le pays, tout le monde mange le met national le jour de le premier janvier. L’île est connue pour avoir été le repère d’un célèbre pirate anglais (Morgan) qui s’y serait installé avec ses équipages pour attaquer les colonies espagnoles. Le roi d’Angleterre de l’époque lui aurait même donné un énorme 3 mats pour faire du trouble dans la région. L’île est également célèbre parce que des flibustiers y déplaçaient des vaches (d’où le nom de l’île) pour les engraisser en toute tranquillité. 10 000 personnes vivraient sur ce petit coin de paradis qui n’a pas encore vu Électricité d’Haïti (EDH) s’installer. Un collègue de Mtl a réussi à y construire une maison superbe et confortable. Fêtes de village, randonnée à cheval, pique-nique de cabri boucané sur la plage (ici on dit cabrit), snorkling, … Vous pouvez sûrement vous imaginer. L’atmosphère calme et bon enfant des villages détonne de l’effervescence et de la pollution de PAP. Les bateaux à voile qu’utilisent les pêcheurs sont comme les tap-tap, très colorés et maculés de références religieuses. L’île a souvent été touchée par des ouragans. En 1980, Allen a tout dévasté. En passant sur l’île, Allen était de catégorie 5 (la plus haute catégorie d’ouragan) et les vents auraient atteint 300 KMH. Selon les habitants de l’île, tout a été dévasté. L’île est presque disparue sous la mer. Plusieurs décès (il y en aurait plus de 250 en Haïti), plus d’arbres, de plantations ni de maisons… Une grande partie du bétail a été noyé. Les bateaux de pêches perdus en mer. Pour des gens de Lilavach habitués aux ouragans, Allen est le souvenir qui semble le plus vivant et le plus terrible. Bien évidement, la vie de l’île s’est refait une place après le passage d’Allen. Ce qui m’a le plus frappé est d’apprendre que ce genre de catastrophe laisse des traces ‘permanentes’ dans l’habitat (du moins jusqu’au passage du prochain ouragan !). Par exemple, on trouvait sur l’île des colonies d’oiseaux (des flamands roses entre autres) que l’on ne trouve plus, alors que de nouveaux spécimens y ont fait leur nid depuis l’ouragan. Mais le plus sympathique est que la superbe plage (près d’un km) de sable blanc à laquelle mon collègue a accès, est la conséquence d’Allen ! Avant, cette partie de l’île était en roche et les gens s’y rendaient pour pêcher. Aujourd’hui, la seule occupation brillante est de s’y faire bronzer.