jeudi 30 juillet 2009

Primaire, secondaire et adultère


C’était l’affiche d’une école dans le coin de Tabarre : Primaire, secondaire et adultère. Pas de blague, on offre des cours aux enfants, aux adolescents et aux adultes. L’affiche extérieure a rapidement été enlevée quand le (ou la) propriétaire de l’école a compris sa bourde, une bourde hautement révélatrice de ce qui se trame dans la grande majorité des écoles du pays. Les écoles privées ici sont légion. Une petite maison assez grande pour faire deux salles de cours et hop, on crée une école. Quand on manquera de place, on construira un deuxième étage. Rappelez-vous l’école qui s’est effondré en novembre, plus de 90 enfants y sont morts écrasés. Selon les rumeurs, l’appât du gain aurait poussé un propriétaire d’école à agrandir ses locaux, question de pouvoir augmenter ses revenus et les subventions qu’il recevait d’une ONG. Tout le monde (ou n’importe qui !) se proclame enseignant et lance sa propre école dans n’importe quel contexte. L’éducation est un business fort lucratif sur lequel le gouvernement n’exerce aucune forme de contrôle. L’enjeu, c’est que les haïtiens se saignent à blanc (je le sais, elle est facile …) pour envoyer leurs enfants à l’école, l’éducation étant comprise comme la seule voie de sortie possible pour les familles. Un chauffeur de notre projet prendra un plein mois de son salaire pour envoyer un enfant à l’école pendant une année. Ils en ont souvent 3, ce qui explique que le quart de leur revenu sert à payer l’éducation des enfants. Imaginez deux seconde, trois mois de ce qui a été déposé dans votre compte de banque par votre employeur qui s’envole directement pour payer l’éducation de vos trois enfants. Pour ces chauffeurs bien payer dans le contexte haïtien, c’est très difficile, pour le petit personnel (expression consacrée pour les ménagères, les garçons de cours, les gardiens de sécurité …), c’est l’enfer ! Pour ceux qui ne travaillent pas (60 à 70 % de la population selon les chiffres), on n’en parle pas… Un collègue canadien qui travaille sur un projet en milieu scolaire me disait que les enfants (ceux qui peuvent aller à l’école !) prennent en moyenne 17 ans pour terminer l’équivalent de leurs études primaires et secondaires (pour les études adultères, c’est autre chose). Le problème c’est que les parents se trouvent souvent en situation où ils ne peuvent pas payer les frais de scolarité et les enfants sont ainsi renvoyés de l’école. On attendra quelques mois, peut-être un an ou deux, pour retrouver le cash nécessaire et ainsi retourner les enfants sur les bancs d’école. Les retards s’accumulent et plusieurs ne se rendent pas au bout. S’ajoutent aux frais de scolarité ceux associés aux costumes. Mignons les ti moun quand ils marchent dans les rues dans leur beau costume. Méchant arnaque pour les parents. Les écoles bien évidement ‘vendent’ les costumes. On a donné un coup de pouce à Claudette récemment pour que son garçon de 5 ans puisse avoir le costume de graduation (vous avez bien lu, 5 ans et costume de graduation obligatoire). Dans sa situation, la somme était énorme ! Tout cela dans un contexte où la constitution du pays (je ferai un jour un blogue sur cette constitution) prévoit l’accès à l’éducation gratuite pour tous. Maudite constitution…

dimanche 26 juillet 2009

Les coïncidences n’existeraient pas


Il y a quelques semaines, notre ambassadeur canadien en Ayiti faisait une conférence de presse pour annoncer que le gouvernement canadien venait de réduire la cote de sécurité d’Ayiti. De trois, n’y allez pas sauf en cas d’extrême urgence, à deux, vous pouvez y aller mais restez prudents. Sur le site des affaires extérieurs du Canada, il y avait depuis plusieurs années un avertissement aux canadiens d’éviter Ayiti, sauf en cas de nécessité. Quand on faisait les démarches pour préparer notre déménagement ici, cette annonce nous avait un peu fait réagir jusqu’à temps qu’on nous explique que c’était une protection pour le gouvernement : On vous avait dit de ne pas mettre les pieds là, organisez-vous maintenant. Pour des coopérants comme nous, le Canada offrirait quand même une aide en cas de problèmes sociaux majeurs. Donc, la baisse de la cote de sécurité du pays devrait augmenter le tourisme et permettre aux investisseurs canadiens (ils seraient quelques millions à vouloir investir des milliards en Haïti, c’est connu !) de participer au développement économique du pays. Cette nouvelle, amplement discutée dans les médias haïtiens, arrivait ici au même moment où Clinton faisait sa première visite comme représentant spécial d’Haïti pour l’ONU, où la Minustah sortait des chiffres sur l’amélioration très importante de la situation sécuritaire du pays et, où finalement, plusieurs pays (dont le Canada) éliminaient la dette du pays. Un nouveau momentum, un vent de fraicheur dans cet été torride. Le pays prendrait vraiment du mieux et l’avenir commencerait à ressembler à un avenir. Au même moment au Canada, notre Harper national impose des visas pour les ressortissants de certains pays et … modifie les règles d’immigration pour les réfugiés. Pour plusieurs, ces nouvelles règles limiteront la capacité des ressortissants d’obtenir la reconnaissance d’un statut de réfugié. Ce samedi, Le Devoir nous apprend que les haïtiens seront les premières victimes de ces changements législatifs (http://www.ledevoir.com/2009/07/25/260417.html). En 2008, c’est près de 800 haïtiens qui ont cherché à obtenir un statut de réfugié politique au Canada. Une fois la porte fermée au Canada, il fallait quand même humainement mieux entrouvrir la porte pour rapatrier ces gens là en Ayiti. Je le sais, je fais des liens qui n’existent pas.

jeudi 23 juillet 2009

Des rumeurs sur Labadie


Presque partout, mon nom de famille fait bien rire les haïtiens. Labadie (Labadee ou Labady) serait la plus belle plage du pays. Première rumeur. J’avoue que je n’ai pas pu le confirmer, on ne m’a pas laissé entrer. Les images que j’ai pu prendre de loin peuvent paraître invitantes, mais mes orteils ne peuvent le confirmer. Labady est effectivement un site enchanteur visité trois à quatre jours par semaine par un gros paquebot américain, mais surtout un site très sécurisé.

Deuxième rumeur : On ne pas dit aux 4500 touristes qui débarquent du paquebot pour la plage de Labadee qu’ils sont en Haïti. Ce serait, troisième rumeur, une question d’assurances. Les compagnies d’assurance ne seraient pas très enclines à l’idée que leurs clients débarquent en Haïti. La compagnie qui organise le tour et exploite le site parle de l’île Hispaniola (http://www.cruisecheap.com/faqs.asp?pageID=138), ce qui a été le nom de l’île au moment de l’arrivée des premiers blancs (République Dominicaine et Haïti aujourd’hui). Quatrième rumeur : Les lieux sont hautement sécurisés. Je n’ai pas réussi à passer les barrières de sécurité (j’avoue avoir tenté d’y reprendre mes royautés…) et l’agent de sécurité m’a pourchassé jusque sur les pourtours du site en voyant mon Kodak. La route qui passe du village de Cormier pour nous

amener au village de Labady est maintenant fermée par la compagnie. Il faut donc trouver un petit bateau de Cormier pour se rendre au village de Labadie. La cie qui gère les tours et les attractions qu’on y a installées (dont une très longue descente sur câble, wow !!) serait

(cinquième rumeur) ou non (sixième rumeur) propriétaire des lieux.

Le barman qui me fait goûter le ‘Cormier Punch’ depuis maintenant presqu’une heure tente de m’expliquer l’inexplicable. La cie ne pourrait pas normalement (selon la constitution) être propriétaire de ce terrain mais la rumeur populaire veut qu’elle ait obtenu une dérogation du Président lui-même et serait donc propriétaire du terrain. Autre rumeur (septième) : La classe politique du pays tire des avantages financiers mirobolants de la visite du paquebot (4500 touristes à la fois) en Haïti. Huitième rumeur, des gros travaux sont encours pour recevoir un nouveau paquebot (le Genesis ou quelque chose du genre) qui transporterait 10 000 personnes prêtes à acheter des souvenirs de l’île d’Hispaniola, à faire du sea doo et à se balancer sur un fil de métal. Au bar de l’hôtel de la plage Cormier où je bois mon xième Cormier punch, mes voisins s’engueulent. Il semblerait, neuvième et dernière rumeur, que ces … de touristes ne rapportent rien au trésor public, même s’ils mettent leurs gougounes en sol haïtien. Celui qui se fait engueuler, le ministre du toursime si mon créole n’est pas trop affecté par le rhum, tente de dissiper ce qui ne serait qu’une rumeur de plus. Haïti, pays des rumeurs !

mercredi 22 juillet 2009

Miracle haïtien

Moments intenses hier avec le chauffeur dans la voiture. Un camion qui circulait dans le centre-ville a vu ses freins rendre l’âme. Il a réussi à emboutir 16 voitures avant de verser sur le côté en écrasant un adolescent de 15 ans déclaré mort par la police et les journalistes. Tel un RDI au mariage de Céline, un journaliste radio est sur la scène et raconte en détail et avec intensité tout ce qui s’y déroule. Les policiers, aidés de dizaines de passants, sont arrivés avec beaucoup d’efforts et de techniques (tout ça décrit en direct par le journaliste) à remettre le camion sur ses roues. On s’est débrouillé avec ce qui avait sur place pour faire ‘manuellement’ le travail. On attend pas de grue, il n'y en a pas ! Durant le long et lent processus de remise sur ses roues, la silhouette de l’adolescent écrasé a commencé à apparaître. Pas mort le moun. Sa main s’est mise à bouger. Le journaliste a crié dans son micro qu’il était toujours en vie et la foule des voyeurs a hurlé à nous faire perdre les propos du journaliste. La suite s’est déroulée sur vingt minutes où un journaliste et une foule endiablés nous ont fait vivre un moment de radio d’une très grande intensité. Penchés sur la radio, on est presque venu à applaudir quand le petit est sorti de sa fâcheuse situation. Deux pieds et un bras cassés. Dans le contexte, on peut parler de chance. Vendredi dernier, on soupait avec des amis et en discutant de l’événement de la montréalaise morte sous un bloc de béton pendant un souper dans un resto, notre ami haïtien (qui connait très bien le QC pour y avoir passé une bonne partie de sa vie) nous expliquait qu'il avait l'impression que ce genre de situation ne pouvait arriver ici. Que dans le contexte hautement à risque et peu (pas) réglementé dans lequel la population circule (les transports et la construction entre autres), il n’était pas normal qu’il n’arrive pas plus d’accidents. Comme si la loi de Murphy ne s’appliquait pas en Ayiti. Hypothèse confirmée.

vendredi 17 juillet 2009

Sinema anba zetwal


Petite soirée de cinéma en plein-air hier soir à Martissant. Sinema anba zetwal (Cinéma sous les étoiles) est un festival de cinéma qui fait le tour de PAP tout au long de l’été. Hier soir, c’était à Martissant, un coin de la ville hautement défavorisé qui, au plan de l’environnement, est un espèce de désastre annoncé. Une bonne partie des fatras de la ville coulent vers Martissant au moment des grandes pluies, et dans la partie la plus basse de la zone, les gens vivent les pieds dans l’eau 12 mois par année. La soirée avait lieu dans un parc gigantesque et magnifique. Trois familles riches d’Haïti sont propriétaires d’un vaste domaine boisé (un des seuls espaces boisés qui reste autour de PAP), grand comme les plaines d’Abraham selon mon estimation de géographe amateur. Depuis plusieurs décennies, ces familles ont entretenu ce site d’une manière jalouse. L’évolution de PAP au cours des 50 dernières années (325 000 personnes au début des années 50 et plus de 2.5 millions de personnes aujourd’hui) a fait en sorte que ce site clôturé a été entouré par des populations plus défavorisées. Les constructions sauvages autour des ravines et la déforestation complète du voisinage génèrent des problèmes pour le domaine boisé : éboulement de terrain, transport des fatras dans les rivières et les ravines, …. Coluche avait dit quelque chose du genre : Dites aux gens assis en première classe en avant que, si on saute en deuxième classe en arrière, eux aussi vont mourir…. Les trois familles travaillent avec Fokal (une fondation très importante en Ayiti, la première ministre était la directrice de Fokal jusqu’à sa nomination en septembre dernier), le gouvernement, les groupes environnementaux nationaux ainsi que les représentants de la zone (élus et groupes communautaires) pour tenter de sauver cet espace vert en … améliorant la situation des bidonvilles des pourtours du domaine. Au moins, tout le monde semble conscient que la survie de cette zone boisée est un ‘exemple’ de ce que pourrait faire le pays pour prévenir le déboisement et les problèmes écologiques (et économiques…) qui y sont associés. La zone pourrait devenir un parc ouvert au public, un jardin zoologique, etc. Le thème des films présentés dans ce parc anba zetwal, était donc lié à l’environnement. Un film sur le domaine où on était et son projet de survie, un autre sur les entreprises de récupération des déchets dans PAP, un autre sur la déforestation d’Ayiti, … Une soirée environnement à laquelle les deux cents personnes présentes (dont une bonne centaine d’enfants) ont été très attentives. Sortir Ayiti de la pauvreté veut sûrement aussi dire diminuer la menace écologique qui pèse sur l’île.

dimanche 12 juillet 2009

Anpil chalè


Y fait chaud en … Ça commence à peser lourd sur le corps. On nous avait avertis que nous étions arrivés dans la belle période : l’hiver. Depuis deux semaines, la pluie a assez profité de sa saison pour laisser la place à l’été. L’été dans les caraïbes, comme si ça pouvait refléter quelque chose de spécifique. Ben oui : anpil chalè. Fait chaud en ta… Pas capable de manger ses céréales sur la terrasse, même à 7 heures du matin, le soleil s’est déjà mis en mode attaque. Moi qui ai fui l’air climatisé depuis mon arrivée cherche toujours un peu de fraîcheur. On va engranger du sable dans nos sandales d’ici la fin de la période chaude, la mer (même si elle est chaude) fait un bien fou. On devrait donc se déplacer à la mer de manière plus assidue au cours des prochaines semaines. Cachés sous les palmiers et des saucettes régulières nous assurent la survie. Les haïtiens, qui gelaient en janvier, ont maintenant trop chaud. Claudette qui a gelé dans notre maison tout au long de l’hiver (on vit dans les montages en bordure de PAP, donc la température est plus froide) et à qui on a fourni une troisième couverture de laine pour qu’elle puisse dormir sans cauchemarder à l’hypothermie, a hâte de venir travailler tellement elle souffre de la chaleur chez elle plus bas dans la ville. Même le chauffeur demande la clim ! Les vendeurs sur la rue se sont dotés de parasol squelettique, ça aide à survivre.

samedi 11 juillet 2009

La rue


Quelques jours après la mort de Michael Jackson (celui qui a permis l’émancipation du mouvement noir aux États-Unis selon certains analystes de CNN !?), un graffiteur (peut-être une) avait déjà laissé sa marque dans les rues de PAP. Belle marque faut dire. La rue a toute son importance en Ayiti. Si à Montréal elle sert principalement à assurer le déplacement des humains et de leurs marchandises, quelques fois à manifester ou à danser, ici elle sert à tout. En fait, les ayisien vivent dans la rue, ou sur les trottoirs pour être plus prudents. On retrouve sur les trottoirs tous les services que vous pouvez imaginer, même celui que l’on imagine en premier. On se fait couper les cheveux sur la rue, ressemeler ses chaussures ou encore les cirer. Vous pouvez faire toutes vos courses : fruits, légumes, pain, sauces, viande, papier de toilettes, lessive …. Tu peux y manger tous les repas ou encore y trouver à boire, de l’eau au rhum en passant par la gazeuse. On y retrouve également tous les outils nécessaires à la vie domestique : balais, chaudières (chaudrons), passoires, plats à lessive, fers et planche à repasser… On y vend de la glace pour mettre dans le ‘cooler’ de la maison et ainsi conserver au moins 24 heures la viande acheter à l’autre coin de rue. Vous trouverez des pharmaciens ambulants qui vont vous exécuter votre ordonnance. Des vendeurs de téléphone, de cartes et, pour quelques gourdes, vous pourrez faire un appel sur un téléphone portable ‘public’. Changer une transmission sur le trottoir, pa gen pwoblem, bos mekanik s’en occupe. Un ébéniste vous construira une belle armoire en bois d’acajou en moins de 48 heures directement sur le trottoir de Bourdon. Un boss fer forgé vous confectionnera une porte de cours en métal et son armature (20 de large par 10 de haut !) un peu plus bas sur le même trottoir. Tu y attends le tap-tap entre trois gars qui, au marteau, réduisent de la pierre en poudre pour la construction, ou un autre qui coule du béton pour faire et vendre des blocs. Des pousseurs de brouettes font la livraison de tout ce que vous voulez. Les fesses nue-tête, on se lave. Un capharnaüm d’humains qui travaillent sans relâche pour, il faut le dire, pas grand-chose. La rue sert aussi à manifester. On y marche pour une cause ou l’autre, y brule des pneus ou des voitures. À jet de pierres, on s’y bat contre la PNH ou la Minustah. On fête également sur la rue : les bandes-à-pieds défilent en nous tapotant une musique répétitive et enivrante. Finalement, on pleure sur la rue. En voiture récemment, j’ai vu une femme sortir de chez elle pour crier sa peine en pleine rue. Je ne comprenais pas son créole qui se mélangeait à ses larmes, mais le chauffeur a compris qu’elle venait d’apprendre la mort de son frère, mort lors d’une traversée ratée de l’un des boat-people qui amène les ayisien vers le bonheur. Les voisins se sont approchés d’elle pour l’écouter ou la soutenir, il me manque certaines clés. En fait, les ayisien vivent dehors, dans la foule. J’aurais vécu la même peine en m’enfermant dans ma chambre.

mercredi 8 juillet 2009

Fierté nationale


Depuis notre retour de Mtl, j’ai passé beaucoup de temps au lit à suer ou à geler, c’est selon. Mon corps complet s’était meublé de petits boutons. On a pensé qu’un moustique m’avait transmis la dengue (les jeux de mots avec dingue ont tous été faits, perte de temps que d’essayer) mais les tests de laboratoire ont invalidé cette hypothèse. Je ne sais donc pas trop ce qui m’a cloué dans les bras de Morphée aussi longtemps. L’essentiel est que les choses aillent mieux. Je parle pour moi bien évidement : Pour Ayiti, il faudrait repasser. Les dernières semaines ont toutefois apporté quelques nouvelles réjouissantes : Ayiti n’est plus le pays le plus pauvre des Amériques (le Nicaragua vivrait très mal la crise mondiale actuelle) et les pays riches (dont le Canada envers qui Ayiti avait une grosse dette de 2.3 millions de $) ont annoncé des annulations de dettes. Quand tu n’es plus le plus pauvre de la classe et que le prof te remets une partie de tes crayons et ta gomme, il me semble que l’avenir se porte moins mal ! Ce n’est pas l’opinion de plusieurs. En fait, je croise souvent des haïtiens sur le bord de la résignation de voir leur pays prendre du mieux. Certains ont ouvertement perdu tout espoir que les choses s’améliorent, d’autres réussissent à maintenir vivante une petite flamme. L’électricité étant ce qu’elle est ici, vaut mieux penser la vie en termes de flamme. En fait, ce qui frappe dans le discours de ces personnes est le fait qu’ils voient leur pays péricliter sans fin depuis des décennies, depuis le départ de Duvalier. Je n’ai pas écris ‘à cause’ du départ de Duvalier, mais depuis. L’éducation, les services de santé, les différents services publics, la propreté, l’urbanisme, … la descente serait généralisée. Comme si ce que le pays avait pu ériger comme fierté au cours de son histoire (tumultueuse), s’effritait sans que la situation ne soit redressable. Un collègue avec qui je discutais hier me disait que la première présidence d’Aristide a probablement été la plus grande déconvenue d’Ayiti. Jamais un président – sauf pour les fantocheries démocratiques de certains dictateurs – n’avait réussi à trouver l’appui d’une proportion aussi importante de la population et des différents secteurs de la société. L’appui était presque unanime. Un capital politique qui lui aurait permis de transformer réellement la société haïtienne. On sait ce qui s’est passé avec le bonhomme : quelques familles riches et l’armé (appuyée par ses commanditaires internationaux) ne voyaient pas d’un bon œil son discours un peu trop ‘lutte des classes’ et paf, le bordel est relancé. Ce qui me surprend dans cette presque résignation, est l’ambiance générale du pays marqué par une très grande fierté. Les haïtiens m’apparaissent très fiers de leur pays, toujours prêt à en parler pendant des heures et à le défendre. Faut voir les ayisien le jour du drapeau, quand la radio entonne l’hymne national, …. ‘Plus assez fiers justement’ m’a répondu mon collègue que la flamme continue de brûler.

vendredi 3 juillet 2009

De retour de Mtl


Une semaine trop rapide à Mtl. Pas le temps de voir tout ceux de qui on s’ennuie ! Rendez-vous sur rendez-vous. Même pas le temps d’aller magasiner et juste le temps d’aller voir ‘J’ai tué ma mère’. Jo avait l’impression que c’était la période de Noël : des activités attachées bien serrées les unes aux autres. Quant à moi, j’ai été 4 jours en réunion. Tout ce qu’il faut en fait pour avoir hâte de revenir chez nous et reprendre une vie normale. C’est quand on a les deux pieds à Mtl que l’on se rencontre que le chez soi a changé. Quand en discutant avec quelqu’un tu utilises l’expression ‘chez nous’ et que tu réfères à PAP, pas à Mtl. Depuis quelques temps, un drôle de feeling m’envahissait : Pourquoi entretenir ce blogue ? Je n’aurais pas fait de blogue sur ma vie de Montréalais parce que c’était chez nous. Que je n’avais rien de bien spécial à y raconter. Donc pourquoi un blogue sur expérience haïtienne ? L’exotisme de la situation ! Après sept mois, quand ton quotidien est haïtien, ton chez vous est PAP, l’exotisme s’amenuise lentement. Il en restera longtemps, mais l’acclimatation fait son œuvre. J’imagine que c’est la même chose pour un immigrant : À partir de quand ne se sent-on plus ‘pas chez soi mais dans un nouveau pays’ ? À partir de quand la différence arrête de nous toucher ? La première tempête de neige pour un haïtien qui migre vers Montréal doit être positivement spéciale. À partir de quand ces tempêtes perdent leur dimension folklorique pour devenir un beau bordel pour le transport? J’ai hâte à mon premier ouragan. À partir de combien vais-je en avoir peur ? Comme les feux d’artifice que je voyais de notre chambre d’hôtel…. À partir de combien paf-paf ça devient platte ? J'ai au moins le sentiment qu'il me reste assez de choses à découvrir ici que je peux nourrir encore plusieurs dizaines de billets.