lundi 30 août 2010

Imbéciles-diplômés-humanitaires


Je sais je sais, j'en ai déjà parlé mais ... Mais j'avoue qu'il y a de ces histoires qui se répètent, qui me poussent à chaque fois la moutarde jusqu'au nez ! Je fais des efforts pour ne pas nommer des pays, ce serait inopportun dans le contexte. Des conflits internationaux qui nourrissent d'analyses et d'interprétations tous les grands journaux de la planète, les grandes revues. Ces même conflits qui se transposent ici dans des institutions de santé. Des imbéciles-diplômés-humanitaires qui n'arrivent pas à faire la différence entre l'ennemi politique national, et un collègue éventuel avec qui on soignerait les haïtiens. Imaginez ces ayisien malades qui voient ces blancs vêtus de blanc se chicaner ! Ces directeurs d'institution qui doivent faire dans les relations diplomatiques explosives. Les joies de l'aide internationale. D'une certaine aide pour être plus précis.

dimanche 29 août 2010

Apprendre à pêcher


En revenant de la mer aujourd'hui, il y avait ce jeune vendeur de poissons. Boucané avec du pikliz, je vous jure qu'on y retourne. Le pauvre poisson venait de sortir de l'eau et se préparait déjà à s'étendre dans une assiette. Il fallait tout de même un peu de négociation. Le prix demandé est bien évidement fixé en fonction de la couleur de la peau, comme si l'offre diminuait dramatiquement à l'arrivée d'un client blanc. C'est comme ça presque partout en Ayiti. Depuis bagay la, les choses se sont dégradées, en fait, c'est cette fois-ci on l'a l'effet combiné du décuplement de la demande et de la diminution de l'offre qui pousse les prix à la hausse. Le coût des loyers par exemple, c'est devenu une folie à rendre jaloux les courtiers New-Yorkais. 4 000 $US par mois pour un appartement de trois chambres… Pour les maisons, on commence à discuter à 6 000 $US. La rumeur, cette chère dame qui trouve toujours le moyen de faire parler d'elle, veut qu'un ami d'un collègue a loué sa maison à 16 000 $US par mois (une belle maison familiale, pas un domaine) pour une ONG qui cherchait un espace pour installer sa permanence. Vous vous demandez qu'est-ce que qui se passe avec vos dons … La rumeur (toujours la même) veut qu'il ait refusé quelques propositions jusqu'à ce que la somme atteigne 16 000 $US, il s'est dit que ça valait probablement la peine de se louer un 5 pièces pour 4 000 $US. On entend toujours, de dame rumeur bien évidement, que les ONG vident des écoles pour installer leurs bureaux, Il y a même une histoire qui circule sur une grande organisation internationale, forcée de déménager par le tremblement de terre, qui aurait foutu près de 400 timoun à la porte de leur école, faut quand même installer ces fonctionnaires le plus confortablement possible. Les propriétaires ne semblent pas en mesure de refuser des offres, même si ça veut dire amputer la scolarisation à des milliers de timoun. J'espère pour eux qu'ils seront de bons pêcheurs !

samedi 28 août 2010

Se tenir près des paniers


Une nouvelle épicerie est née. Grosse bebelle neuve et moderne dans l'espace consommation de Pétion-Ville. Depuis la désintégration du Caribean Market (http://jeanfrancoislabadie.blogspot.com/2010/01/premier-tremblement-de-terre-xieme.html), tout le monde attendait le retour d'un gros market. Tellement gros qu'il s'appelle Giant ! Deux étages, des étalages remplis de produits à faire 'dowmner' des concurrents qui ont bien profité depuis plus de six mois de la mort du Caribean. Ces concurrents qui avaient réussi à attirer les blancs et les locaux aux poches bien pleines. C'est en entrant dans ce genre de building que tu comprends l'impact de ce foutus évènement sur nos vies. Je vous annonce une petite nouvelle : J'ai encore peur au tremblement de terre ! Quand j'entre dans un building, je ne peux faire autre chose que de me demander comment je m'en sors si les plaques tectoniques recommencent à avoir des rapprochements amenant au spasme terrestre. Je circulais donc dans ce petit royaume de la consommation, presque aussi beau que ceux que l'on trouve dans nos grandes villes du nord, et je ne pouvais me délivrer de ce sentiment d'insécurité Au tournant d'une allée, je rencontre un employé de l'ex-Caribean. 'Gras a Dye', il est sorti vivant des ruines après trois jours … trois jours ! Tout près de l'entrée, là où il yavait les paniers. Trois jours. Jo lui demande s'il n'est pas trop nerveux de retravailler dans une épicerie ? 'Fo m travay' (Il faut que je travaille). Effectivement, quand il faut, il faut … Il se tient toujours près des paniers !

jeudi 26 août 2010

Mendier parmi les pauvres

C'est le genre d'évidence qui nous saute aux yeux uniquement quand on y est confronté. Comme si notre intelligence - la mienne du moins - n'était pas en mesure d'imaginer que parmi les pauvres, il y avait des pauvres. 'Pluss pauvres' j'veux dire. On a l'habitude à Mtl de penser que les pauvres sont ceux qui sur le coin des rues, nous proposent leur casquette pour qu'on n'y dépose ce qui flotte dans nos poches. Vision un peu simpliste et surtout partielle d'un phénomène plus vaste, plus complexe. À PAP donc, on croise des gens qui présentent leur chapeau aux passants. Au centre-ville, sur la route de Canapé-Vert, sur la rue près de l'hôpital, là où les blancs ne s'aventurent qu'à la climatisation de leur 4x4. Là où les ayisien circulent à pied, ces 80% qui gagnent moins de 2$ par jour. Parmi ces gens qui allongent leur chapeau, il y a souvent des personnes qui montrent des handicaps. Pieds qui pointent derrière, genoux qui plient vers l'extérieur … Des gens qui chez nous, auraient eu accès, à la naissance ou plus tard dans la vie, à une chirurgie et une réadaptation qui leur éviteraient peut-être aujourd'hui d'allonger le chapeau. Il y a donc ces mendiants que les pauvres aident. En fait, l'enjeu est d'arriver à se faire une idée de ce qui flotte dans les poches de ces passants. Sûrement assez pour aider !

Danielle, Earl et Flona

Danielle et Earl (des ouragans) sont bien actifs mais devraient éviter notre île. Derrière (http://www.nhc.noaa.gov/), il y a un autre phénomène météo qui se prépare. Si elle arrive à terme, elle s'appellera Flona. J'espère qu'elle suivra les traces de sa grande soeur et de son grand frère ...

mercredi 25 août 2010

Intimité


Depuis bagay la, il y a ces espaces publiques qui se sont vêtus de nudité, d’intimité. On fait souvent référence au fait que la vie haïtienne ne se déroule pas dans la maison, que l’espace domestique et publique se noient dans le même bain : ‘Ru la se salon pèp la’(La rue est le salon du peuple). Depuis le 12 janvier, on côtoie tous les jours cette presque nudité, masculine comme féminine, qui se douche un peu partout sur le pourtour des camps. L’image est toujours très sensuelle : Ces corps, beaux comme laids, sur lesquels glissent une eau qui lustre la peau noire, un savon blanc qui la contraste. Sous une chaudière d’eau, des yeux fermés sur lesquels glisse le savon, des mains qui fébrilement frottent les parties du corps. On se lave dans la rue comme on y fait nos besoins, plus ou moins à l’écart des regards qui n’ont même pas besoin d’être indiscrets. Il n’y a plus d’autres places... Pour une culture puritaine comme celle de laquelle je suis issu, c’est toujours intriguant. On avait pris l’habitude de voir ces scènes dans les campagnes, mais en plein cœur de la ville ! Autour de moi, plusieurs ayisien sont froissés par l’émergence de ces scènes privées dans l’espace publique, davantage que par la nudité. Comme si le décorum du ‘pseudo-civisme’ de la ville se voyait entaché par ces scènes trop communes de la vie quotidienne. ‘Ça se dégrade’ qu’ils me disent, comme si les gens perdaient la partie lustrée de leur humanité, que l’animalité reprenait le dessus. Il ne faut que réfléchir cinq minutes aux conditions de vie de ces centaines de milliers d'Haïtiens depuis bagay la, et la négation d'humanité nous saute aux yeux.

mardi 24 août 2010

Rumeurs et continuité


- T'as vu le slogan sur les murs de Pétion-Ville ?
Cetout me regardait sans vraiment comprendre de quoi je parlais. Plutôt, à quel slogan je faisais référence.
- Le slogan de l'Initié (L'Unité, le parti du Président).
- Il dit quoi ce slogan ?
- Inite se kontinuitè (L'Unité c'est la continuité).
- Wow !
- Wow ?
- En fait, c'est dure de faire pire. Qui voudrait appuyer la continuité dans ce pays ? Sauf ceux qui en tirent avantage bien évidement.
Cetout n'était pas bavard aujourd'hui. Il fallait que je le crinque pour qu'il me fasse connaître son opinion sur la situation actuelle.
- Peut-être que la continuité c'est mieux, si le changement n'a rien apporté de bon.
- De quel changement tu me parles ? On vit dans le même système de corruption politique depuis plus de 15 ans. Préval ou Aristide, c'est la même gang. C'est la continuité. Il y a eu des périodes de bouleversements, le coup d'état de l'armée contre Aristide et la presque guerre civile qui a précédé son départ, mais sur le fond, on est dans le même bain.
Je n'arrivais pas à le lancer plus à fond jusqu'à ce qu'il me pose une question.
- Dis-moi donc Labadie, à part nourrir ton blogue, qu'est-ce qui peut tant t'intéresser dans notre vie politique ?
- C'est fascinant d'incompréhension justement. Je n'arrive pas à trouver les quelques clés qui me permettraient de saisir l'essentiel des luttes, des divisions. Comprendre les idéologies en place…
- Ne t'inquiète pas, il n'y a aucune clé pour comprendre les idéologies en place. L'individualisme haïtien se répercute également dans la vie politique nationale. Pas d'idéologie ou d'alliance stratégique qui ne tienne, sauf si elle répond à des intérêts personnels bien précis. Pourquoi tu penses qu'on a plus de 120 partis politiques ? Ce n'est pas parce que le spectre idéologique offre une palette aussi variée.
- L'autre bout qui me fascine, c'est la quasi absence d'information confirmée, validée. On nage sans cesse dans la rumeur, comme si on ne pouvait avoir un semblant d'information reconnue par tous comme étant crédible.
- Tu vois, le CEP a rejeté 15 candidatures sans aucunement préciser les motifs. Ce qui permet aujourd'hui à tout le monde de dire n'importe quoi, d'accuser n'importe qui de trafic d'influences , … On va voir plusieurs candidats rejetés porter la décision en appel et on sera dan une valse de rumeurs jusqu'à la fin de la campagne. En fait, s'il y a continuité dans la vie politique ayisienn, c'est dans la valse des rumeurs. Elles sont partout, meublent tout. Si l'information est le quatrième pouvoir, ce dernier s'apprécie ici au poids de la rumeur.
- Pour les 3 autres ?
- C'est également la continuité, malheureusement !

lundi 23 août 2010

Danielle


Il y a eu au moins deux Danielle dans ma vie. Deux patronnes en plus, collées une sur l’autre dans le temps. C’est pratique, ça évite la confusion dans les noms, les gens peuvent en être vexés. Il faut dire que j’en fais une spécialité, demandez à Carine et à Karina avec qui je travaille… Donc Danielle s’en vient. Un ouragan qui devrait nous passer au nord-est de la tête selon les prévisions. Il parait que Danielle a déjà vu la dévastation d’Ayiti et se dit que ça ne vaut pas la peine d’essayer de faire mieux. Préférable de trouver une autre terre à virer à l’envers. Dans son sillage, il y a un autre phénomène météorologie, s’il devient sérieux, il s’appellera Earl. Je nous souhaite qu’il ait la même sagesse que Danielle.

Juste pour vous dire

Pour faire suite à mon dernier billet (On est tous traumatisés), il semble que je ne suis pas encore mûr pour la psychiatrie. Des collègues de Jo confirment que la quiétude de samedi soir dernier a été perturbée par une secousse. Bagay la est donc toujours active, ça doit être le rejet de Wyclef qui l'émeut.

dimanche 22 août 2010

'On est tous traumatisés'

Cette phrase - d'un français un peu bancale, je le sais bien - est répétée par presque tout le monde depuis des semaines. En fait, tout ceux qui sont traumatisés la répètent et, considérant que tout le monde est traumatisé, tout le monde la répète. Vous avez l'impression que ça tourne en rond et vous n'avez pas tort, il y a certains détours plus faciles à emprunter qu'une ligne droite. Donc, on est tous traumatisés. Hier soir, Jo est couchée. Je suis seul au salon et fouine sur Internet pendant que j'entends un vrombissement annonciateur, que je sens la maison danser. Trois secondes à me demander si je vais coucher dans un cercueil ou en psychiatrie. C'est le dilemme : passer pour un fou qui invente des secousses, ou passer les prochaines heures sous la dalle du deuxième étage. On ne sait plus ce qui est vrai ou ce que notre imagination élabore. Je reste toujours coincé dans ce genre de décombres, des décombres mentales, des décombres qui poussent mon imagination à déborder. Je me souviens d'un commentaire sur ce blogue, une femme (si ma mémoire est juste) qui m'écrivait pour me raconter que ce genre de réactions pouvait s'étaler sur des dizaines d'années. C'est rassurant de se savoir déjà fou, un doute de moins à gérer !

samedi 21 août 2010

Aimer Ayiti


Un autre fou qui aime Ayiti et les aysien m'a posté un commentaire aujourd'hui. J'en ai profité pour aller lire ce qu'il raconte sur son blogue. Vous pouvez y aller (http://humanitaire-herman.blogspot.com/). Il oeuvre dans l'humanitaire sans avoir perdu son humanité. Bonne lecture !

Wyclef a été sorti de la course


Asefi avait l'air triste, Wyclef a finalement échoué à sortir vivant de la première étape.
- Je ne te saisis pas bien Asefi. J'avais jamais perçu que tu pouvais appuyer sa candidature. Je t'ai même entendu participer à ce discours élitiste ayisien qui ne voulait pas d'un rappeur à la présidence.
- Ce n'est pas que je l'aurais appuyé, c'est qu'il y aurait au moins eu une campagne. Que les autres candidats, les partis, auraient été forcé de se démener. Préval n'a même pas fait de campagne lors de la dernière élection présidentielle ! Lors de deux derniers exercices, on n'a pas atteint 3% de participation. Autour de moi, personne ne veut aller voter le 28 novembre prochain. Avec Wyclef, la population se serait mobilisée.
- J'avoue que sur ce dernier point, un petit peu de mouvement ferait du bien.
- On sera encore coincé avec ces 'politiciens d'expérience' qui discourent à nous donner la nausée et qui n'arrivent pas à consolider une quelconque action de l'État. Penses-tu sérieusement que le pays peut se reconstruire avec les candidatures présidentielles actuelles ?
- Je n'ai pas le droit d'avoir une opinion là dessus …
- Labadie ! Arrête de niaiser comme on dit chez vous. Il n'y a rien actuellement - un leader politique ou une vision politique - qui pourra mobiliser les 9 millions d'ayisien à sortir du merdier dans lequel on baigne depuis des années. Il faut que la population se mobilise pour que ceux qui seront à la tête du gouvernement sentent qu'ils ne pourront plus se sortir la mousse du nombril et s'emplir les poches à temps plein. Qu'ils devront livrer.
- Wyclef aurait pu faire la différence ?
- Wyclef n'aurait pas été élu, les gens ne sont pas imbéciles. Je ne sais pas d'où cette rumeur est sortie mais elle a été répétée partout, tellement qu'elle est devenue une vérité. Wyclef n'était pas LE candidat des jeunes ! J'ai discuté avec plusieurs jeunes et on n'en a entendu à la radio ou à la télé, l'appui des jeunes à Wyclef était très mitigé. Les haïtiens sont attachés à un certain formalisme, à une certaine vision élitiste de la fonction, Wyclef n'aurait pas passé la rampe. Ce qu'il aurait fait, c'est de mobiliser la population à l'égard de la 'chose' politique et pousser nos politiciens à modifier leur façon de faire.
- Il y en a plusieurs qui pensent que tu rêves un peu en couleur.
- C'est exactement ça le problème. Quand une population en n'arrive à décrocher d'une manière aussi importante de sa vie politique nationale, on permet des années d'immobilisme politique et social, le terreau le plus fertile pour la corruption. Quelques petites catastrophes naturelles (ouragans et tremblement de terre) ne servent qu'à augmenter le flot des dépenses de la communauté internationale. Je te le dis Labadie, on n'en sera au même point dans un an si les gens ne se mobilisent pas. Le catalyseur aurait pu être Wyclef.
- Il pourrait continuer de l'être. Imagine qu'il décide d'appuyer activement un candidat et qu'il participe à la campagne.
- Là, c'est toi qui rêve en couleur !

jeudi 19 août 2010

Sourire


Comment faire pour ne pas pleurer ? La réponse est pourtant simple : Sourire ! Je ne veux pas dire se mettre la tête dans le sable pour éviter de voir la réalité. Ni endosser le vieil adage ‘Il vaut mieux en rire, qu’en pleurer’. Simplement souligner la proximité émotive entre le fait de rire et de pleurer. C’est comme Ayiti et Miami, tellement proche et tellement loin en même temps ! Presque tous les jours, mon passage à l’hôpital universitaire me fait vivre ce genre d’émotion confuse. Je voisine la pédiatrie qui jusqu’à récemment était installée sous des tentes. Ces dizaines de timouns alités ou ceux qui attendent sur la rue pour voir un médecin. La chaleur est suffocante sur le trottoir, imaginez sous la tente ! Ces enfants malades qui souffrent la chaleur, ces parents qui fondent d’inquiétude, cette absence de moyens qui draine, qui draine et qui draine. À chaque fois que je me faufile entre eux, il y a ces regards souriants qui chavirent, ces petites mains qui saluent ou qui effleurent. Toujours un timoun ou sa mère pour me dire « Bonjou, ki jen ou ye ? ». Je vous le dis, comment faire pour ne pas pleurer ? Sourire !

mercredi 18 août 2010

De Wyclef à Michaëlle


Aujourd'hui, j'ai mis les yeux sur un rapport du Centre haïtien de recherche en éducation. Une enquête menée auprès de 175 familles (800 personnes) de la région de PAP afin de connaître, cent jours après le 12 janvier, la situation des familles. Le rapport préliminaire a été publié en mai dernier (http://www.ayitim.com/rapport.pdf). On y fait plusieurs apprentissages. Par exemple, seulement 38% des familles vivaient dans leur maison, plus de 60% errant entre les camps (32%), directement dans la rue (18%) ou dans d'autres situations temporaires. On constate également que 53% de ces ménages ont un revenu familial inférieur à 1250 $US … par année. Seulement 6% de ces 175 ménages ne comptaient pas d'enfant, la majorité en comptant au moins deux. Grossièrement, les familles de 4 personnes vivent avec 100 $US par mois … Près de 90% des répondants se disent 'personnellement affectés' par le séisme, 68% vivent dans la crainte de nouveaux séismes. Les chiffres sur la perception de l'intervention de l'État face à la crise confirment ce qui est écrit partout depuis des mois : pa gen eta ! À la question sur le meilleur type de gouvernance pour reconstruire Haïti, plus du tiers des répondants souhaitent une tutelle internationale (20% ONU et 14% ÉU). S'ajoute à ce chiffre un 7% des répondants qui estiment que la meilleure solution serait un gouvernement intérimaire dirigé par Clinton et Bellerive (PM actuel). 20% estiment que l'élection d'un nouveau président est la meilleure option. En avril dernier, au moment de cette enquête et bien avant les développements des dernières semaines, la personnalité haïtienne la plus en vue pour prendre la présidence et reconstruire le pays était … Wyclef Jean. Déjà 20% des appuis. Madame Manigat (candidate actuelle à la présidence) suit avec 16%.

mardi 17 août 2010

Et puis rien, sauf du vent


Rien de ce que le calme d'hier nous avait annoncé ne s'est aujourd'hui passé. Le CEP n'a rien laissé filtrer de ses décisions. Au moins 8 candidatures ont été contestées auprès du Bureau de contentieux électoral (BCE) mais les résultats demeurent toujours inconnus. C'était le calme toute la journée, le site du Haïtian press network parlait même d'une attente indifférente. La stratégie du CEP pourrait être de publier les résultats en toute fin de journée selon un collègue, juste avant minuit. Il respecte l'échéance et évite une journée de problèmes ou de contestations populaires. Toute la journée donc, on s'est questionné sur la diffusion (ou non) de cette fichue liste. Rien ! En fait, la seule chose qui a bougé aujourd'hui a été le passage d'une onde tropicale en plein milieu d'après-midi. Des arbres et des poteaux électriques étendus dans les rues. Des blokus comme on les aime. La publication de la liste devrait donc avoir lieu d'ici minuit, on verra demain si la campagne se fera au son de la musique.

lundi 16 août 2010

Dormez bien, grosse journée demain !


Demain (mardi) devrait être une grosse journée, c'est ce qu'on peut lire sur les lèvres pulpeuses de madame la rumeur . En fait, c'est la vendeuse de sandwichs avec qui je parlais ce midi qui m'annonçait la rumeur. Les rues étaient vides aujourd'hui, pa gen blokus. L'accès au centre-ville sans presque jamais mettre le pied sur le frein, même chose pour quitter la banlieue montagneuse et me rendre au bureau. 'Le calme avant la tempête' qu'elle me dit. Demain, le CEP va nous annoncer quelles candidatures seront ou non retenues pour l'étape première des élections présidentielles. 'Ils veulent Wyclef. Wyclef, why not !?' Je comprends à ses propos qu'elle pense que si la candidature de Wyclef est rejetée, les choses pourraient se dégrader. Asefi pense quant à elle que la candidature de Wyclef ne changera rien, les débordements auront lieu peu importe la décision du CEP. Elle est d'avis, comme plusieurs, que ceux qui tentent d'empêcher la tenue d'élections depuis des semaines (des élections sous la gouverne de 'ce' CEP et de 'ce' Président) et qui n'ont pu gêner les préparatifs, ne peuvent plus maintenant que faire sauter les rails. Des gros partis ont joué leur va-tout, ils n'accepteront pas de tout perdre. Je pensais à cette histoire en attendant que Jo termine sa journée de travail quand on nous rappelle à la radio que demain, Bill et son CIRH en sera demain à leur première vraie réunion. Des dizaines de projets soumis à analyser et à financer (ou non). Un porte parole de la CIRH tentait de convaincre l'animatrice que si l'argent promis par les donateurs n'était toujours pas arrivé, c'est qu'il n'y avait pas encore de projets à présenter aux pays riches. À partir de mercredi, les milliards vont arriver, à moins que la situation entourant les élections ne vienne détourner une attention déjà difficile à maintenir pour les pays amis d'Ayiti.

dimanche 15 août 2010

Des contradictions nationales,


Il fallait que je sorte du pays quelques jours, ce qui explique cette pause de billets. Il fallait aussi continuer silencieusement à penser à ce foutu pays, cette Ayiti chérie ! J'en discutais avec des gens qui ne connaissent qu'à travers ce qu'en disent les médias où les membres de la diaspora qu'ils côtoient. Des contradictions me venaient à l'esprit. Comment des gens individuellement si propres et si soignés en arrivent-ils à détruire d'une telle manière leur environnement ? À tous les matins, on voit ces milliers d'haïtiens sortir des tentes plus propres que propres, chemise amidonnée, le pli parfait dans le pantalon, souliers vernis… comment y arrivent-ils ? En sortant de la tente, jette au sol la boîte de stryromousse dans lequel ils ont mangé leur souper de la veille ! Comment un individualisme puisse être aussi prégnant alors que tous les grands moments de l'histoire de laquelle ils sont si fiers, l'ont été par les soulèvements collectifs (libération, départ de la dictature, d'Aristide, …) ? Laferrière écrit dans son dernier livre (Tout bouge autour de moi) : "Comment développer un pays avec une collection d'individus ? Tel est le problème auquel Haïti a eu à confronter durant toute son histoire." Si pacifiques et paisibles (résignés disent certains) face à toute que la nature et la vie politicienne leur imposent, tout en ayant fait verser autant de sang dans une histoire de seulement 200 ans. Si politisés et si peu politiques ? J'imagine que chaque pays confronte ce genre de contradictions, des espèces de 'claudiquements' dans la marche d'une nation. Il ne reste qu'à trouver la bonne prothèse pour soutenir la marche !

jeudi 12 août 2010

Nouveau voisin


La période des élections commencent à nous rendre la vie un peu plus difficile. Pétion-Ville n'es généralement pas touchée par les manifestants, ces derniers préférant le centre-ville et le Palais. Le problème depuis quelques jours est lié au fait que le local du CEP sur la rue Delmas a été touché par le tremblement de terre. Les nouveaux locaux du CEP sont maintenant juste derrière l'Église Saint-Pierre, un coin central de Pétion-Ville où il n'y pas beaucoup de voies de contournement. Ainsi, tous les matins, on a droit à un blocus important et on doit faire quelques détours pour arriver à bon port. Le CEP draine aussi son lot de manifestants. On a donc droit à des manifs régulières depuis une semaine. Le CEP devrait rendre publique la liste officielle des candidats à la présidence, nouvelle occasion de faire du brouhaha. Imaginez que la candidature de Wyclef soit rejetée ...

mardi 10 août 2010

En ses bureaux

Un chauffeur du MSPP vient de m’apporter une correspondance du Ministre, directement à mon bureau. Il était écrit sur l’enveloppe ‘À Monsieur Jean-François Labadie, …’ En ses bureaux’. Cette lettre signée de la main du Ministre, le Ministre signe toutes les lettres qui sortent de son bureau, on doit être bonne centaine à l’avoir reçue, en leur bureau pour tout le monde. En fait, il n’y a pour ainsi dire pas de poste en Ayiti, tout courrier circule par chauffeur, de main à main. Imaginez quand vous invitez plusieurs centaines de personnes à une rencontre, c’est du fuel et du temps de chauffeur à faire les quatre coins de la ville. Quand le temps se fait pressant, ce qui la norme en Ayiti, le personnel du bureau se met sur le téléphone pour faire l’invitation. Ce n’est pas choquant, mais je ne m’habitue pas à ce formalisme ayisien. Dans ma tête de nord-américain (je ne présumerais pas que dans la tête de tous les occidentaux c’est la même chose), ce genre de pratique demeure inopportune, coûte cher, génère des retards non pertinents et des bouchons mais surtout, est un clavaire au plan écologique !! ‘C’est une des beautés de notre pays, on refuse de sombrer dans la facilité qu’offre la technologie !’ ‘T’es sérieux… tu veux me faire croire qu’il y a un certain charme dans l’affaire ?’ Mon interlocuteur était en fait un peu gêné, sentant qu’au plan de l’efficience, la pratique mériterait d’être revue. ‘Tu sais, si on commence à faire circuler les invitations par courriel, ce sont des milliers d’emplois qui seront perdus.’ Cette nouvelle salve faisait aussi patate, ‘songe à ce qu’on pourrait faire faire de plus utile à ces milliers d’employés…’

lundi 9 août 2010

Échafaudage politique


- T'as vu Alexis se faire prendre ?
- Je n'ai pas trop compris pour te dire.
Setout m'explique que je ne comprendrai pas, parce que la vie politique chez nous est trop linéaire, trop gauche-droite, trop souverainiste-fédéraliste. Qu'il me manque beaucoup de clés et de recul pour bien attacher tous les fils de la pièce de théâtre qui se joue actuellement.
- C'est simple, Alexis pensait que la voie était pavée pour lui par le Président et ses amis. On ne sait pas trop ce qui s'est passé, mais les choses ont évolué de manière telle qu'en 24 heures, Préval a été obligé de changer son fusil d'épaule et de laisser tomber son premier candidat, celui avait le meilleur dossier.
- Est-ce que tout est encore pleinement attaché jusqu'à la fin comme le prétend ta soeur (Asefi), même avec le nouveau candidat de l'Inite ?
- C'est là que ça commence à perdre de sa 'linéarité', que ça commence à être difficile de tout comprendre. Je ne serais pas surpris que cette manoeuvre du parti au pouvoir vers un joueur moins fort politiquement serve à ouvrir des négociations avec Wyclef au cours de la campagne.
Mon regard hébété l'a incité à continuer sa réflexion. Il sentait qu'il devait me donner un peu d'air.
- Si Wyclef arrive à mobiliser les foules durant la campagne, les gens d'en haut ne pourront pas aisément compter sans lui s'ils veulent se maintenir au pouvoir. Se débarrasser d'Alexis serait sûrement plus difficile que de laisser tomber le candidat actuel de l'initie.
- Le laisser tomber pour Wyclef ?
- Effectivement.
- Les partis eux ?
- Les partis ici, ça ne veut rien dire. Il n'en n'a pas plus de 120 pour rien. Ils se créent et se défont au gré des intérêts. C'est une variable qui se contourne sans aucune difficulté.
- Je saisis, même si ça me semble invraisemblable. Pis les américains dans l'affaire, plusieurs personnes pensent que Wyclef est le candidat des américains.
- Comme Préval l'a été il y a cinq ans ! En fait, dans cette logique, les américains conserveraient la mainmise sur la présidence ayisienn. Wyclef serait leur nouvelle marionnette.
- Ça commence à être le genre d'échafaudage qui t'amènerait directement en psychiatrie dans un autre monde politique. J'avoue que même si c'est logique, l'analyse me semble tordue.
- Il faut que tu comprennes que la théorie du complot dans notre monde politique est aussi crédible que Bernard Derome chez vous, tout le monde y croit !
- Ouais … sauf que Bernard Derome n'était pas une théorie, ou à la limite une série d'hypothèses plus ou moins farfelue, c'était simplement un lecteur de nouvelles. En fait, la seule chose qui aurait pu ressembler à d'élucubrations dans son cas, c'est la rumeur qui voulait qu'il lise les nouvelles en boxer, bien caché sous son pupitre !
- Tu sais, ici, journalisme et élucubration, c'est presque un pléonasme…

dimanche 8 août 2010

Les fesses


Ma mère a toujours trouvé cette expression moins vulgaire que le cul ! Vulgaire ou non, c'est la même affaire, mem bagay. Sur le site de La Presse cette semaine (qui faisait référence au site de la revue Time), on nous parlait de l'augmentation de la prostitution en Ayiti depuis le tremblement de terre. On aurait même été forcé "d'importer" des travailleuses du sexe de la République Dominicaine pour faire face à l'augmentation de la demande. Comme lors du Grand prix de F1 de Montréal où l'économie des fesses manque de main d'oeuvre (main d'oeuvre dans ce genre de marché …), on en fait venir du pays voisin. En plus, elle parle anglais, ça facilite les échanges … La demande pour ce genre de service aurait augmenté de manière sensible depuis le 12 janvier, toutes ces organisations internationales (OI, ONG, ONU, Minustah, …) générant des besoins que le marché doit être en mesure de combler. On voit régulièrement ces hommes agréablement accompagnés d'une jeunesse locale qu'on paie pour réguler des besoins dits naturels, des besoins vitaux. Au restaurant, dans un bar, à la plage … Je me rappelle de discussions avec des médecins qui travaillent auprès des OI et qui passaient une bonne partie de leur journée à gérer des MTS (Moi !! T'es Sûr ?!, si on a plus le droit de tenter quelques blagues…). L'aide n'arrive jamais seul, les besoins des aidants débarquent itou !! Sur le site HPN (Haïtian Press Network) cette semaine, on pouvait lire un reportage sur la prostitution locale. 100 gourdes pour quelques minutes de plaisir. 2,50 $US pour parler international… Autour des camps ou directement dedans, les réseaux locaux se sont réactivités. Toujours le même genre de dynamique : Un besoin de kob rencontre un besoin de fesse, rencontre sous l'égide d'un souteneur. L'autre dynamique qui semble toujours la même dans ce genre de marché, c'est que même si c'est le plus vieux métier du monde, ce sont les plus jeunes qui ont la plus grande valeur. En photographiant ce timoun dans un village de la Côte des Arcadins aujourd'hui, je pensais à ces millions d'enfants qui entrent dans ce genre de marché, un travail pour certains, un enfer pour d'autres. Ici, comme à Mtl ou ailleurs sur la planète, on discutait avant le séisme de 'normaliser' la pratique de la prostitution. Depuis plus rien, peut-être que la CIRH s'occupera de ce volet du développement économique...

vendredi 6 août 2010

Savoir compter


Ma condition de blanc en appui à l’État haïtien n’est pas toujours confortable pour commenter la vie politique de la Perle des Antilles. J’ai au moins beaucoup des amis, dont les deux nouveaux Asefi et Setout, pour m’aider. Tout le monde s’énerve actuellement concernant les élections. Dans la binarité ambiante, des débats entre les pours et les contres : Pour ou contre des élections sous l’autorité du CEP, la candidature de chanteurs, la dérogation que le CEP a donnée à Alexis (le candidat de l’Inite, le parti de Préval*) concernant la décharge de ses différents états de service comme ministre ou premier ministre, etc. Ce qui m’intéresse davantage aujourd’hui concerne le rôle que la communauté internationale jouera dans cette galère. Une dépêche d’AFP du 16 février 2006 rappelle que ‘Les efforts diplomatiques s’étaient intensifiés, mercredi 15 février 2006, en Haïti, pour sortir de la crise et trouver une formule susceptible de donner la victoire à l’élection présidentielle, à René Préval, sans recourir à un deuxième tour de scrutin. La proposition consistant à changer la façon de compter les votes blancs était encore l’objet de discussions entre des responsables haïtiens et des représentants de la communauté internationale, quelques heures avant l’annonce officielle de la victoire de M. Préval.’ La ‘proposition consistant à changer la façon de compter les votes blancs’, aussi simplement que ça ! Fallait y penser. Son pourcentage d’appui était passé de 48 à 52%, plus besoin de deuxième tour. Au cours des prochains mois, ils seront des millions à décrier, ici ou ailleurs sur la planète, la ‘mascarade électorale’ dans laquelle le pays se lance. Mais combien seront-ils à questionner le rôle joué par les ‘observateurs d’élection’ professionnels qui seront envoyés ici par les pays amis d’Ayiti ? Ces mêmes pays qui se préparent à rendre disponibles 75% des 30 millions de $US nécessaires à cette élection. À aider le CEP à compter les votes, peu importe la manière !

* Cette information était confirmée par les journaux cette semaine, mais sur le site de HPN (Hatian Press Network) le 7 août, on associait Alexis au parti Anbarke. Peut-être fait-il parti de la plateforme de l'Inite !?

jeudi 5 août 2010

Asefi et Setout

Asefi est une toute nouvelle amie. Elle tient son nom d’être la quatrième et dernière fille de la famille. Ici, il arrive qu’on nomme un enfant en fonction des attentes (futures ou passées) des parents. Dieudonné veut bien dire que ce bébé est un don de Dieu. Dieumerci ... vous avez compris ! Asefi veut donc littéralement dire 'assez-de-filles'. Elle était la quatrième fille d'un couple et il fallait signifier assez clairement au créateur qu’il faudrait un garçon la prochaine fois. Son frère est né quelque temps plus tard, on l’a appelé Setout pour envoyer le signal au créateur que ‘c’est tout’, on ferme la fabrique … Vous pouvez penser que j'invente ces noms, mais vous vous trompez. Vous pouvez penser que j'invente ces personnages, c'est permis par la constitution ...

Je commence à comprendre

- Pourvu que dans ce royaume de la démagogie, il ne devienne par le roi !

- Il risque davantage d’en être la vedette.

On parlait de Wyclef Jean. Asefi, mon interlocutrice est restée silencieuse à ma réplique. Il a fallu que je la relance.

- Plusieurs disent que c’est une bonne chose. Qu’au moins, il va déranger le système politique en place.

- Labadie…, il y a de la pourriture que t’es mieux de ne pas brasser, ce qui risque de se dégager ne fait pas que pouasser, ça peut même grenouiller assez pour créer des problèmes.

- Tu veux dire ?

- Il ne faut pas penser que les gens qui contrôlent l’élection actuellement et qui ont déjà déterminé qui allait être le vainqueur, vont rester sans rien faire. S’il n’arrive pas à l’empêcher de passer l’étape du Conseil électoral provisoire (CEP), ils vont sortir l'artillerie lourde lors de la campagne.

- Tu veux dire ?

- Si tu n’a jamais vu des élections annulées pour cause de violences politiques, tu en seras peut-être à ta première !

- Je vois.

- S’il ne veut pas foutre le bordel dans le pays qu’il dit aimer tant, il devra manœuvrer habilement.

- Le crois-tu assez stratégique ?

- Difficile à dire. J’imagine que la vie n’est pas toujours trop propre dans l’environnement de vedettes dans lequel il navigue, mais disons que la politique, et la politique haïtienne surtout, ce sera une autre paire de manche.

- Tu vas voter pour lui ?

- Je ne sais même pourquoi il se lance dans cette campagne ! Quel est son programme !? Difficile de dire si je vais l’appuyer.

- Et tes compatriotes ?

- C’est ce que je te disais, si la démagogie prend le dessus, il est capable d’emprunter le même genre de voie qu’Aristide pour accéder à la présidence.

- Pour aboutir à quoi ?

- Pour aboutir à ça !

- Je vois…

- Il ne comprend pas la partie dans laquelle il s’apprête à jouer. Le parti en place a le contrôle sur tous les niveaux de la machine, des gens qui travaillent dans les bureaux de vote jusqu’au CEP. En fait selon Setout (c’est son frère), la seule chose qu’il fera est de légitimer une élection truquée en faisant augmenter le taux de participation.

- En fait, la seule erreur importante du groupe qui contrôle le scrutin serait qu’il publie les résultats avant la date des élections …

- Tu commences à comprendre.

mercredi 4 août 2010

Prendre l'avion !

Je suis dans le nord du pays ce soir, au Cap-Haïtien. Dans une autre chambre d’hôtel. L’avion qui m’amène ici ne vole qu’une vingtaine de minutes. En fonction de l’heure de la journée, le vol est plus ou moins calme. Le vol d’aujourd’hui fut normal, dans le sens statistique du terme. J’ai pris ce vol je ne sais plus combien de dizaines de fois depuis 18 mois, j’ai de plus en plus le pressentiment que les odds sont contre moi … Il faut dire qu’entre 20 minutes de vol ou plus de six heures de voiture, on ne parle plus de choix. Dans l’avion, on nous fait entendre à l’occasion un message de sécurité en anglais glané à une grosse compagnie aérienne américaine. Le même message qui nous invite à localiser les sorties, de suivre les instructions du personnel de bord ‘très bien formé’ pour faire face à ce genre de situation. Quel personnel de bord ? À chaque fois le plus comique, c’est quand on nous rappelle de regagner notre siège dès que le signal lumineux nous indique de boucler notre ceinture. Je ne me tiens même pas debout dans l’avion et surtout, il n’y a pas de toilette. Je ne sais pas vraiment qui pourrait avoir l’idée de se promener dans ce genre d’appareil ! Bon, le message a été glané et il n’était pas question de l’adapter. Faut dire que le fait qu’il soit en anglais permet à moins de personne de confirmer l’idée qu’il soit incongru. Sur chaque vol, on voit des gens prier avant le départ, pendant les secousses et avant l’atterrissage. Quand le vol est agité, les mains se font aller dans les airs, question de rappeler à Jésus notre présence près de lui. Sur un vol récemment, une adolescente a trouvé l’expérience assez pénible et je peux m’imaginer que ses parents vont devoir utiliser tous leurs atouts pour qu’elle accepte de nouveau de mettre ses fesses dans un petit 21 places. J’ai même des collègues qui refusent (per diem ou pas !) de prendre ces oiseux. Ils partent 24 heures avant tout le monde pour revenir 24 heures après tout le monde, en tap-tap ou avec un chauffeur du projet si la chose s’y prête. Rien à faire pour les faire changer d’idée. Je n’en suis pas là et j’espère surtout ne pas y arriver.

mardi 3 août 2010

I will be stronger

Je m'amuse beaucoup à jouer au photographe. Mes clichés se retrouvent presque toujours sur les billets de ce blogue. Il arrive que ce soit la photo qui inspire le texte, d'autres fois, le texte a le haut du pavé. Il y a certaines des photos desquelles je ne suis pas du tout gêné. Une espèce de fierté même ! Celle-ci a été faite à l'église de Thomassin 38. Dimanche, au même moment où je photographiais les timoun gradués (voir billet du dimanche premier août plus bas). C'est Jo qui a vu ce timoun et qui m'a incité à capter l'image. Les bancs derrière lui étaient vides. Elle voyait ce timoun tout de blanc vêtu dans cette église blanche aux bancs blancs. C'est peut-être exagéré, mais c'est l'une de mes plus belles photos ! Troublé sans être apeuré par le photographe blanc, son regard est franc et posé. Comme celui des milliers d'aysien que l'on croise tous les jours. Il ne faut qu'un simple sourire et un 'koumen ou yé' pour dégivrer ce regard qui supporte avec aisance la distance, l'écart. J'écoute la version canadienne Wavin'flag et j'espère que la strophe 'When I get odler, I will be stronger' soit vraie. Que lui et tous les autres seront plus forts.

lundi 2 août 2010

Pays d'artistes


Ils seront 65 partis politiques (ou plate-forme ou regroupement) lors des prochaines élections. C'est sans compter sensiblement le même nombre de partis qui refusent de participer à un exercice démocratique qu'ils qualifient de cirque électoral. Ils sont assurés que le Pésident actuel manipule toutes les cartes (dont le Conseil électoral provisoire) et que les résultats sont déjà connus. Vaut pas la peine de jouer ! Fanmi Lavalas, le parti de l'ancien Président Aristide, fait parti des absents. Des partis qui travaillent à bousiller l'actuelle campagne mais qui semblent mobiliser très peu d'électeurs. 'Il n'en faut pas beaucoup pour faire dérailler l'affaire' me disait une collègue. Un autre collègue y est allé d'une analyse artistique : 'Si Wyclef et Sweet Micky (le Président du konpa qui serait lui aussi en lice pour le grand siège) se présentent réellement, personne ne voudra perturber les élections.' Peut-être fallait-il effectivement des artistes pour que la vie politique s'active dans ce pays d'artistes !?

dimanche 1 août 2010

Tout comprendre

Thomassin 38 sur la route de Kenscoff. Il est près de 15h00 et des timoun déguisés en finissants entrent dans l'église. La bagnole s'arrête toute seule, elle est complètement domptée après plus de 18 mois … On traverse la rue pour s'engouffrer dans l'église et voler un peu d'intimité à cette collectivité. Ils ont 5 ans, ils graduent. Le protocole, c'est du sérieux, je vous jure. On commence par chanter l'hymne national du pays avant que le maître de cérémonie s'adresse aux enfants en reprenant des strophes de l'hymne ayisien. Paraphrasons … " 'Pour le drapeau, pour la patrie', vous passez aujourd'hui une étape importante de votre vie, une étape cruciale de notre vie collective. Vous incarnez ce désir patriotique de toujours pousser plus loin la connaissance, 'Pour le pays et pour nos pères, formons des fils, formons des fils ' (les filles n'étaient pas inventées à l'époque de l'écriture, désolé …)." La référence aux pères de la nation et les dernières strophes sur la mort (Pour le Drapeau, pour la Patrie, Mourir est beau, mourir est beau, Notre passé nous crie : Ayez l'âme aguerrie, Mourir est beau, mourir est beau) clôturent l'entrée en matière de celui qui tient le micro. J'avais les timoun dans le viseur de mon kodak pendant que mes oreilles se concentraient sur le discours. Je sentais que ces grandes paroles étaient moins intéressantes que tout le reste autour pour les timoun déguisés. Les parents endimanchés me rappelaient que ce qui se passait n'était pas anodin. Que cette étape est importante pour l'Ayisien, celui qui participe à faire cet Ayiti. Le patriotisme est une drôle de bibitte pour un québécois souverairiniste et anti-nationaliste. Je dois avouer toutefois que ce champs de l'hymne national me fait toujours un petit quelque chose sans vraiment être en mesure de tout comprendre. En fait, je me sentais sûrement comme ces petits qui participaient à quelque chose d'important qu'ils ne comprenaient pas complètement.