mercredi 28 novembre 2012

La théorie


Chantal Guy, la journaliste de La Presse qui a décrit toute en sensibilité ses passages en Haïti, en parlait comme d’un amour impossible. D’un pays qu’on aime détester, une espèce de relation amour-haine. Peut-être avait-elle raison ? C’est le genre de conclusion que je tirais lors de mon passage ce weekend à la douane de Malpass. Un paysage plus proche des décors de films de fin du monde. Des ‘faux officiels’ dominicains qui, l’eau jusqu’aux genoux, circulent entre les voitures un gun à la main ou une carabine accrochée au cou pour nous demander nos papiers. « Documento de identidad ! » Je garde la fenêtre fermée en l’ignorant gentiment. Il va refaire trois tentatives avant de comprendre que je ne serais pas payant. C’est le genre de traquenard dans lequel tu ne te fais prendre qu’une seule fois. Les policiers et militaires officiels dominicains regardent amusés ces arnaqueurs coincés des touristes qui traversent de l’autre côté de l’enfer. On vient de passer presqu’une semaine à Santo Domingo. Question de changer le mal de place.  Je n’étais pas sorti d’Haïti depuis août dernier, la théorie du ‘changer d’air au trois mois pour survivre’ se confirme une fois de plus. Se confirme également ce sentiment étrange qu’une fois sorti d’ici, on ne pense qu’à y revenir. Il faut dire sur ce point que les dominicains ne nous incitent pas à nous ‘enfarger les pieds’ très longtemps chez eux comme on dit chez nous. Je ne sais pas comment est la vie dans les resorts qui permettent aujourd’hui à l’économie nationale de fleurir, mais en pleine ville, dans le quotidien citadin d’une capitale de près de 3 millions d’individus, les haïtiens nous manquent rapidement. Il y a d’abord cette opulence d’un centre-ville clinquant avec toutes les boutiques de luxe que vous pouvez imaginer (Louis Vuitton, Cartier, etc.), opulence qui côtoie une indigence aussi pauvre que sale. Un moteur de Ferrari siffle dans les oreilles d’un cheval famélique qui tire une charrette de fruits et de légumes. Et sur l’autoroute en plus. Le même pays, le même peuple, la même rue, …  Il y a aussi cette ‘violence’ qui transpire de tout. La violence criminelle (le taux de criminalité dans cette ville est nettement plus important qu’à PAP : On comptait 23,57 meurtres pour 100 000 habitants en Rep Dom (2009), deux fois plus qu’en Haïti ou le taux est de 11,5), celle de l’arbitraire policier qui nous interpelle pour n’importe quoi et son contraire, celle de l’unilinguisme obtus de ceux qui assument ce que l’on appelle le service à la clientèle. Vous comprenez donc que le bonheur de sortir d’Haïti pour entrer en République Dominicaine, est au moins équivalent que celui de quitter la République Dominicaine pour entre en Haïti. La différence tient au fait que lorsqu’on entre ici, on sait que ce n’est pas que pour quelques jours de vacances. C’est pour la prochaine sortie dans trois mois, question de respecter la théorie.

mercredi 14 novembre 2012

Plus d'espace pour décompresser

Ce midi à l’hôtel, mon collègue haïtien me raconte que pour sortir le pays de son marasme, on devrait retourner à la dictature. Dans le bon temps où son père était un dirigeant macoute du nord du pays, les choses étaient claires, propres surtout. La magouille ambiante depuis le départ de Papa Doc est comme un miasme qui envahie les poumons de tous, sans distinction aucune. La vie publique haïtienne est débordée depuis deux semaines par des histoires de magouilles criminelles qui frappent à tous les niveaux de la structure sociale. Le fils d’une des 3 familles les plus riches et puissantes du pays est en prison depuis deux semaines, il dirigerait un réseau de kidnappeurs. La police américaine s’est impliquée dans l’enquête et depuis la confirmation de son installation dans ses nouveaux appartements assurément moins luxueux, les rumeurs n’en peuvent plus d’associer tout le monde à son réseau. La bourgeoisie haïtienne comme les proches du président y passent. Au moment où on l’installait sous les barreaux, on mettait également en dedans des policiers impliqués directement au sein de ce dit réseau de kidnappeurs. La semaine dernière, un supérieur de la PNH s’est fait tiré une balle dans la tête en laissant ses deux enfants à l’école et on ne sait pas comment il est ou non associé au dossier du réseau de kidnappeurs. L’ancien chef de la police est maintenant en résidence surveillée, certaines personnes veulent sa tête sans savoir si oui ou non elle resterait associée au reste de son corps. Samedi soir dernier, un policier est entré dans une fête à la Faculté de droit pour installer dans la tête d’un étudiant une seule entre les deux yeux. Depuis, la vie au centre-ville est perturbée par les coups de feux et les gaz lacrymogènes. Dans cette logique irrespirable, la PNH vient de publier une liste de plus de 70 policiers qui seront ‘virés’ à cause d’un train de vie (maisons, voitures, …) impossible à expliquer avec leur seul revenu de l’État. Drôle qu’on ne les associe pas à certains crimes payants, mais uniquement au fait qu’ils génèrent trop d’argent pour être des policiers honnêtes … Et finalement, le coin de Cité-Soleil tranquille depuis que nous sommes ici, réactive la guerre des gang. Ça tire dans le secteur et les déplacements vers la mer sont plus risqués. Dire qu’on y allait pour décompresser.

lundi 5 novembre 2012

Haïtienne poésie

Vous savez qu’Haïti est l’un des pays où il se publie le plus de livres par tête-de-pipe. Il fallait voir la dizaines de nouveaux bouquins sur le tremblement de terres à la foire du livre qui a eu lieu 4 mois après le 12 janvier … Vous me direz que c’est normal, la logorrhée haïtienne étant ce qu’elle est, elle se transforme en bouquin aussi facilement qu’en discours ! Peut-être ? Heureusement, cette fécondité n’implore pas que la quantité, mais fleurte également avec la qualité, les haïtiens ayant trouvé le moyen de gaber de manière régulière des prix littéraires. Mercredi soir, il était déjà sûrement trop tard pour ce jeune poète qui vendait ses strophes dans le stationnement du market. Je sais que les artistes ne dorment pas la nuit comme tout le monde, mais quand même ! Le ti-cul de 8 ans vendaient ses poèmes aux âmes sensibles. Des rimes en ‘eur’ pour 14 strophes au titre évocateur (je m’y mets moi aussi) de ‘Tu es’.
Tu es la rose qui fleurit dans mon cœur
Tu es le diamant qui me décore l’intérieur
Tu es le mouchoir qui essuie mes pleurs
Et tu es la force qui enlève ma douleur

Quelques petites coquilles seulement. Je trouvais que le ti-cul avait de l’audace pour se promener entre les voitures afin de vendre sa poésie aux pressés qui sortent de l’épicerie les mains pleines de sac. Alors que lui, bien évidemment, a les poches vides d’argent. Je n’ai pas trop regardé, on devient allergique à ces vendeuz de n’importe quoi ou à ces jeunes ‘Maximum security’ qui nous sautent dessus à la sortie de tout commerce qui attire le blanc. Jo, elle, s’est arrêtée et elle a acheté. Je ne sais pas trop combien de kob le ti-cul a pu faire dans cette soirée aussi noire que froide de chaleur humaine, il faut espérer que sa créativité lui soit payante. J’espère surtout le revoir sur un stationnement en train de vendre sa poésie, moi aussi je vais partager ma richesse.

lundi 29 octobre 2012

De retour

Asefi vient de revenir d’un trop long séjour à l’extérieur d’Haïti.
- Hey Labadie, tu fais quoi ? En train de mourir ? Un mois sans avoir écrit sur ton blogue. Même pas un petit billet de rien ! Tu sais que je commençais à m’inquiéter.
- J’attendais que tu reviennes, j’avais besoin d’être inspiré.
- Lâche moi les flatteries, on dirait que l’haïtien dépeint un peu trop sur toi.
- Non, l’haïtien t’aurait plutôt répondu quelque chose de plus incisif, de plus culpabilisant : ‘Tu sais, mon blogue s’entretient par des gens comme toi. Si tu décides de partir pendant plusieurs mois, tu ne dois pas t’attendre à ce que je puisse pondre autant de billets.’
- Notre fameux ‘se pa fòt mwen’ national.
- Si tu veux …
- Pourtant, il n’a pas manqué d’action ici pour que tu puisses au moins raconter à tes amis comment notre vie politique s’inscrit une fois de plus dans les lisières de la médiocrité.
- Tu parles de quelles nouvelles au juste ?
- Ce qui se prépare comme dechoukaj du président, Lavalas qui reprend des forces, le conseil électoral permanent qui n’en finit plus d’avorter, des parlementaires qui s’accusent mutuellement de participer à la magouille ou qui se tapent sur la gueule, les contestations ouvertes et judiciaires d’une éventuelle présidence héréditaire de Martelly, les changements au parquet de PAP à cause d’une main un peu trop forte du pouvoir, le Conseil supérieur du pouvoir judicaire (CSPJ) qui tangue vers l’invalidité … Écoute, c’est difficile de voir dans le contexte quelques éléments positifs. En fait, la seule chose potentiellement positive est le recul de Martelly sur le dossier de l’armée.
- C’est vraiment un recul ou ça fait partie d’une tactique ?
- Son recul était trop contrit pour penser qu’il était dans la tactique. La réponse de la communauté internationale a été claire et univoque dans ce dossier. Il sait très bien qu’il ne peut pas réellement avancer sans perdre d’autres appuis plus stratégiques. En plus, il n’a pas un rond pour concrétiser son projet. Il devra se battre contre les nationalistes qui veulent voir l’armée nationale remplacer la Minustah, mais les conséquences seront moins grandes.
- C’est drôle que tu me parles de la communauté internationale, j’entends de plus en plus de critiques ouvertes. C’est elle qui a installé Martelly, c’est elle qui l’a forcé à publier la nouvelle constitution et qui nous fait accoucher tout croche d’un CEP et d’un CSPJ, c’est elle qui nous poussera dans des élections sénatoriales cataclysmiques, …
- Pis c’est elle qui a installé le choléra en Haïti, sa seule action réellement pérenne !
- T’exagères !
- Nommes-en une autre ?
- … Bof … T’as eu de belles vacances ?

mercredi 26 septembre 2012

Deux vitesses

À New York cette semaine, c’est la 67ième Assemblée générale des Nations Unies. Vous le saviez !? Je m’en doutais. Notre PM s’y est rendu lundi et son compte twitter s’est une fois de plus échauffé. On nous avait dit hier qu’en douce, le président s’y serait rendu lui aussi (confirmé lui aussi sur compte twitter). C’est le ‘en douce’ dans la dernière phrase sur lequel vous deviez réfléchir. Parce qu’en fait, nos deux hommes n’ont vraiment pas développé l’habitude de faire les choses en douce. À la limite, c’est davantage l’hyperactivité du gouvernement qui marque la couleur actuelle de la vie politique. Si Préval et Bellerive ne se faisaient pas trop souvent voir dans les médias et pouvaient laisser croire que l’hibernation était leur modus operandi, disons que Martelly et Lamothe se maintiennent frénétiquement sur la sellette. Est-ce que ça veut dire pour autant que les choses bougent réellement ? Je vous laisse porter une réponse, mon statut de blanc comme mon contrat m’empêchent de vous raconter ce que j’en pense. Ajoutez à cela qu’Asefi et Cetout ne sont pas dans le coin depuis quelques temps … difficile de naviguer dans les opinions ! Le paradoxe actuel réside davantage dans la stagnation de la situation d’une des dimensions essentielles de la vie démocratique : L’organisation des élections. La communauté internationale a mis tout son poids consolidé (comprendre une très forte harmonie entre les pays) pour que le président publie la nouvelle constitution, constitution issue d’un grossesse disons difficile. L’un des objectifs de cette communauté internationale en regard de la publication de cette constitution, était la création d’un Conseil électoral permanent (CEP). On vit en Haïti depuis 25 ans avec un Conseil électoral provisoire (lui aussi CEP), conseil identifié comme ‘le’ responsable des élections ubuesques des dernières années. Il y a dans cette ‘communauté internationale’ assez d’analystes brillants pour avoir imaginé qu’en forçant l’installation d’un Conseil électoral permanent, tous les problèmes allaient être réglés. Entre l’analyse et la pensée magique, il n’y a souvent qu’un pas. Constat actuel donc : Stagnation complète du processus électoral qui devrait permettre de replacer le Sénat sur des rails, et réinstaller des dirigeants légitimes dans les villes et communes. Les derniers mois ont été l’occasion pour l’ensemble des acteurs de ce nouveau CEP permanent (l’absurdité de la situation permet aujourd’hui de parler du CEP permanent ou CEP provisoire) de transformer la démarche en un grand cul de sac. Le CSPJ (Conseil supérieur du pouvoir judiciaire) a été forcé de retirer les 3 membres qu’il avait nommés, le processus aurait été tellement mal mené qu’il ne restait plus personne (même pas les ambassades …) pour l’appuyer. Le CSPJ devait s’y remettre cette semaine, mais la situation étant aussi compliqué que complexe, tout a été remis à ‘on ne sait quand’. Notons pour la petite histoire que la diffusion de la nouvelle constitution a aussi permis la création tant attendue elle aussi du CSPJ… Trois autres membres du CEP permanent doivent être nommés par le sénat. Et là, la stagnation ... stagne. Il faudrait l’approbation de 17 des 20 sénateurs toujours en poste, ce qui dans les faits demeure relativement ardue (impossible selon plusieurs). Même les efforts de négociation du président ne servent jusqu’ici à rien. On a donc six des neuf membres qui demeurent inconnus, mais surtout on n’arrive pas à imaginer comment ils pourront être identifiés. Des élections devaient avoir lieu en novembre prochain mais dans le contexte, vaut mieux oublier l’idée. On se retrouvera donc avec un parlement où le sénat sera appelé à voter dans les prochains mois plusieurs lois importantes dont le budget de la prochaine année (qui commence le premier octobre), et ce à une majorité époustouflante (17 voix sur 20). J’entendais un analyste à la radio cette semaine raconter qu’à ce rythme et dans le contexte politique actuel, les législatives attendues dans 2 ans (un autre tiers du sénat) pourraient ne pas avoir lieu forçant ainsi le sénat à devenir formellement caduque. On se retrouve donc dans un environnement politique qui donne l’impression que tout circule à deux vitesses : Un gouvernement (président, premier ministre et ministres) qui lance l’image d’une organisation pressée d’en découdre avec le développement d’Haïti, et les autres pouvoirs (parlement et CSPJ) qui semblent s’enfermer pour longtemps dans un marasme. La suite est de savoir comment le pouvoir de l’exécutif pourra s,actauliser sans les autres.

jeudi 20 septembre 2012

Salut Pat

J’ai lu avec intérêt ton article de ce matin (http://goo.gl/cMyXM). Deux fois même. Je t’apprécie trop pour ne pas réagir à ton analyse. En premier lieu, réglons le cas du Doc Mailloux. Ce bonhomme connaît assez bien son métier de vomisseur public pour ajuster adéquatement la grosseur et la densité des grumeaux qu’il offre à ses auditeurs (ou peut-être à sa tribu) afin d’entretenir avantageusement son marché. Un peu comme la Sloche de chez Couche Tard ! Qu’il ait pu se servir de ce que tu appelles une vérité sur les haïtiens pour mépriser le ti-cul qui l’appelait n’est pas surprenant, c’est une tactique payante dans ce genre de marché. Ce qui me surprend toutefois, c’est que socialement, on soit forcé de maintenir des structures en place pour filtrer l’ensemble des imbécilités qui se racontent sur les radios afin de frapper les doigts des animateurs et de leur propriétaire. Mais ça, c’est un autre débat. Non, ce qui me dérange dans cette histoire est la quantité de sophismes qui nous brouillent l’esprit, et donc qui engluent l’analyse. C’est une tactique bien connue chez ce genre de ‘preneux de parole en public’ que de s’appuyer sur l’expertise que leur offre le statut de médecin (l’argument d’autorité) pour raconter n’importe quoi sur n’importe quoi. Le noeud de l’affaire pour moi se concentre dans ce paragraphe où on me semble, à partir de certaines réalités ‘objectivées’, extrapoler abusivement des conclusions: « Le pire, c'est que le Doc Mailloux a raison. Comme d'autres pays du tiers-monde, Haïti est aux prises avec ce phénomène : les enfants qui, laissés à eux-mêmes, ont des relations sexuelles. Par définition trop précoces. » En premier lieu, quel lien intelligent peut-on faire entre la réalité de la sexualité de ce ti-cul de 22 ans, et celle des enfants haïtiens ? Au plan de la forme, on comprend à quelle logique marchande cette association participe, mais sur le fond en quoi le Doc Mailloux a raison ? Les manifestations en apparence équivalentes (le ‘laissés à eux-mêmes’ auquel tu fais référence) peuvent décrire des réalités complètement différentes, même opposées. La sexualité ‘dite précoce’ des adolescents du Qc s’inscrit, entre autres choses, dans un contexte où l’information, les codes moraux et les rapports garçons-filles ne me semblent avoir aucun lien avec la réalité haïtienne (ou d’autres pays en développement). En Haïti par exemple, un rapport fort intéressant de Save the Children (http://goo.gl/JvwsQ) s’intéresse aux rôles des travailleurs de l’humanitaire et des soldats de la paix dans la sexualité des enfants, ça nuance un peu la réalité pour reprendre ta conclusion. Le deuxième hic dans ce paragraphe concerne le lien causal entre la sexualité précoce, et la santé sexuelle des femmes et de leurs filles. Ça me semble au minimum fallacieux. Personne ne remet en doute les problématiques de santé sexuelles des filles et femmes haïtiennes (on y investit beaucoup d’argent comme canadien entre autres), mais en quoi la précocité éventuelle des premières relations en serait la cause ? Il y a ici un millier d’autres facteurs pour expliquer la précarité de la santé reproductive des filles et femmes haïtiennes. Il faudrait voir ! Finalement, mon dernier problème avec le paragraphe cité plus haut concerne la définition de ce qui est précoce (tu écris ‘Par définition trop précoce.’). De quelle définition parle-t-on ? En existe-t-il une qui déterminerait de manière absolue l’âge pour une première relation sexuelle ? Une fois de plus, on nage dans le sophisme : Un raisonnement en apparence logique qui s’appuie sur une fausse prémisse, ou du moins une prémisse dont les assises demeurent floues ou inscrites dans les valeurs d’un vieux barbu. Et encore ici, le Doc Mailloux n’a pas raison sur le fond ! Il a bien le droit de juger trop précoce une relation sexuelle à 13 ans, mais on est là strictement dans l’ordre de la morale, et non de la science. En fait, je pense que la distinction forme/fond sur laquelle tu bâtis ton analyse ne tient pas la route. Tant sur le fond que sur la forme, ce bonhomme raconte généralement n’importe quoi lorsqu’un micro lui est offert et que quelques milliers de patients/clients potentiels l’écoutent (sauf peut-être chez Arcand hier matin !). Les intérêts sont trop brouillés et, surtout, forcent l’échafaudage d’un nuage de poussière en apparence scientifiquement solide. Mais tu sais, la solidité d’un nuage de poussière… À ce propos, il faudra qu’un jour, nos journalistes s’intéressent au marché de l’expertise psychiatrique. Le marché qui permet à deux psychiatres de venir en court défendre ‘scientifiquement’ des positions opposées, peut-être davantage définies par les besoins de leur client. À bientôt sur Mtl, on prendra une bière sur le sujet !!

lundi 17 septembre 2012

Se reconstruire

Haïti a déjà été une destination touristique recherchée. Sous la dictature en particulier, au moment où Bébé Doc faisait ses valises pour un périple de 25 ans, le Club Med du coin recevant la visite de quelques centaines de personnes en colère. Je ne sais pas trop si d’autres coins du pays profitaient de la sécurité et de l’invisibilité de la pauvreté pour recevoir des touristes, mais aujourd’hui, on cible principalement trois coins : La côte des arcadins (au nord de PAP) avec hôtels de bord de mer (comme l’ancien Club Med) , le Cap-Haïtien (avec la plage Labadie et la Citadelle) et Jacmel avec son centre-ville historique (??) et ses plages. La ministre du tourisme était au Qc cette semaine pour parler de sa stratégie de reconstruction de cette industrie nationale (http://goo.gl/UFmnZ). Cette hyper-hyperactive de l’hyperactif gouvernement Martelly/Lamothe se fait voir partout afin de mobiliser des gens dans son projet. Difficile à cette étape d’évaluer les résultats concrets de toutes ses démarches, mais au plan de l’effort, on pourrait, en apparence du moins, lui donner un A+. Au plan de la vision stratégique toutefois, j’entretiens certaines réserves. J’estime que l’on aime un peu trop les gros projets avec les gros hôtels. Pis les gros projets avec les gros hôtels, ça nécessite des routes, des aéroports, de la sécurité … Tout ce ce que le pays n’a pas et ne peut rapidement offrir. Choisir entre les ‘resorts’ de la République Dominicaine et ceux auxquels semblent rêver le gouvernement, je vous laisse deviner où iront les 1000$ planifiés pour la semaine de congé de février ! On me semble en fait avoir parié sur le mauvais cheval, celui dans lequel plusieurs pays de la région (Mexique, Jamaïques, République Dominicaine, Turk and Kaikos et Cuba entre autres) ont investi leur galette. Je pense davantage que la pays pourrait lancer son industrie sur d’autres bases, comme celles par exemple du tourisme d’aventure. Des gens prêt à dépenser du cash pour se dépenser en randonnée, en cyclotourisme, en vélo de montage, en plongée sous-marine, sur un voilier … Je ferais du vélo de montagne partout entre PAP et Jacmel, entre les Gonaïves et le Cap, entre les Cayes et Jérémie ou entre Jacmel et les Cayes (allez voir ce site http://goo.gl/lHikJ). De la plongée dans les alentours entre les Nippes et Jérémie, dans le entre le Cap et Port-de-Paix. De la voile autour de lÎle à Vache. De la randonnée, de l’escalade, … Avec des artistes et artisans (musique, peinture, danse, sculpture, …) à tous les coins de rue et une culture vaudou intelligement exploitable, Haïti peut trouver une niche. Pas la grosse niche clinquante et rapidement payante (éventuellement payante …), mais quand même une niche. Une niche de touristes moins exigeants au plan du confort et de la sécurité. Une première niche qui donnerait le temps au pays de se reconstruire une industrie. Mais vous savez, tout dépend de la façon de définie ‘se reconstruire’.

lundi 10 septembre 2012

La malchance des malchanceux

Dans tout ce désordre causé par bagay la, il y aura eu l’érection salutaire des ces milliers de camps dans les trois départements touchés. Assez de camps pour contenir jusqu’à 1 300 000 moun aux pires moments de la crise. Depuis, ces camps se sont lentement évanouis, appuyés dans leur disparition par la générosité internationale. Je sais que le mot générosité est questionnable, mais rien n’est parfait. Surtout l’impossible perfection. On a fait (et j’en suis) beaucoup de bruits autour de la fermeture de camps très importants. Important comme dans ‘visible’ ou dans ‘au centre d’une attention soutenue’. Les camps de Place Boyer, de Place Saint-Pierre et du Stade de Sainte-Thérèse dérangeaient le confort des pétionvillois, des restaurateurs, des commerçants et des blancs qui y dépensent beaucoup d’argent. Le Westmount de PAP (dixit un journaliste canadien) ne pouvait souffrir plus longtemps de cette vue imprenable sur la misère, l’électrochoc ‘social’ ne transportait plus ses effets. L’impatience de plusieurs laissait crier un poétique « Vous êtes pas écœurés de ‘souffrir’ bande de caves ! C'est assez ! » (pour les lecteurs non québécois, suivez ce lien). Et vous savez quand les poètes ou les intellectuels se choquent, on trouve toujours des mécènes pour régler le problème. Donc les gens de ces camps ont été financièrement accompagnés vers une sortie. Quelle sortie ? Vous posez trop de questions ! Les campeurs du camp du Pétion-Ville Sport Club (un des plus grands camps avec près de 50 000 personnes) bloquaient l’accès au golf et aux courts de tennis. Sean Pen s’est personnellement impliqué pour régler le problème des sportifs qui dans leurs cas, n’ont pas besoin de mécènes. Finalement, il y avait les alentours du Palais national avec le grand camp du Champ-de-Mars, celui qui entourait le Nègre Marron ou encore le parc en face de l’ancien Palais de Justice. Bev Oda s’en est personnellement occupée. Reste maintenant à régler le ‘cas’ de ces quelques 500 camps restants, 500 camps qui comprennent quand même 396 000 personnes ! Pour ces malchanceux de la malchance, on ne trouve plus d’argent, il leur manque un petit quelque chose d'accrocheur u plan de la visibilité. Les donateurs on la sentimentalité fatiguée et ne trouve plus de visibilité à aider Haïti. « Est-ce qu’il va nous falloir une nouvelle catastrophe ?» me demandait un collègue français. « Ou une nouvelle catastrophe, ou un spécialistes en marketing. Tu sais, le genre de personne qui peut tout mettre en marché, améliorer la visibilité d'un produit.»

lundi 3 septembre 2012

Pessimisme obligé

J’ai fait cette photo lorsque j’étais dans la région de Charlevoix, le plus beau coin du monde. Sur ce fleuve du matin, on ne sait plus où sont l’eau, les nuages et la brume. Le navire semble presque voguer dans un espace vide. C’est un peu ce que je ressens en voyant de l’extérieur mon pays naviguer depuis plusieurs années. Sentiment accentué après y avoir passé trois semaines intensifiées par une campagne électorale. Comme s’il n’y avait plus de direction, de voies tracées pour la suite des choses. Le vote épidermique d’une bonne frange de mes compatriotes me semble incohérent : On envoie en chambre de trop nombreux représentants d’un avorton de parti de droite dans une élection provinciale (l’ADQ en 2007), d’anonymes représentants d’un parti de gauche (le NPD) en 2011 dans une élection fédérale, et dans quelques jours, d’un éphémère parti de droite (la CAQ). Une chatte n’y retrouverait pas ses petits, à moins que ces derniers soient badigeonnés d’un populisme démagogique (on approche le pléonasme, mais ça me fait du bien …) aux effluves vigoureuses. Je me souviens d’une soirée bien heureuse avec plusieurs journalistes qui dormaient à la maison dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre. Deux d’entres-eux défendaient l’idée que la culture politique d’une trop grande partie de notre population était dans un état lamentable, tellement lamentable qu’il devient effroyable d’imaginer que ce sont eux qui installent nos gouvernants au pouvoir. J’avais longuement contre-argumenté avec eux, défendant l’idée que cette pseudo ignorance pouvait aussi être interprétée comme une position idéologique divergente (au plan de la priorisation des valeurs par exemple). J’ai toujours eu une allergie à ce ‘Le peuple est con’, mais j’avoue que dans l’incohérence du contexte, mon proverbial optimisme est ébranlé. À l’autre bout du spectre, il y a également ceux que l’on qualifie d’experts de la chose publique, ceux qui commentent tout et rien (un peu comme je le fais !!) dans nos médias, grands comme sociaux. À l’exemple de Mathieu Bock-Côté, ce pseudo intellectuel qui tourne des phrases plus lourdes de références que de sens. Après avoir constaté une certaine médiocrité dans notre existence politique, n’a quant à lui aucune crainte à nous annoncer enfin une sortie de crise : « Qui n’a pas eu le sentiment, ces dernières années, que le Québec s’enfonçait dans la médiocrité ? Quand une société se sent impuissante, elle perd le goût du collectif. La politique semble alors baigner dans les eaux puantes de l’affairisme, de la corruption. C’est avec ce climat mental que nous romprons le 4 septembre. Une page d’histoire s’écrira. Nous ne changerons pas seulement de gouvernement. Nous changerons probablement d’époque. Notre histoire comme peuple bifurquera.» Changer d’époque, une histoire qui bifurque …. un chausson avec ça ?! Ma prédiction, pessimiste pour une fois : Un gouvernement péquiste minoritaire qui ne survit pas deux semaines, la CAQ et le PLQ s’unissant pour prendre le contrôle du gouvernement. Un gouvernement CAQ-PLQ (ou PLQ-CAQ) pour les 5 prochaines années et aucune histoire qui bifurque, la bonne continuité dans cette descente en enfer … Avec Harper à Ottawa, je pense que je vais demander l’asile en Haïti !!

vendredi 31 août 2012

Je me répète

Il y a quelques semaines, je vous mentionnais qu'il y a des choses difficiles à expliquer (lire ce billet http ://goo.gl/5h68U). Cette caricature du Nouvelliste (voir l'article http://goo.gl/KBOrT) illustre parfaitement la teneur de mon propos. Je me plagie donc moi-même !!

mardi 28 août 2012

La vision et le rêve

« Avons-nous les moyens de notre politique ? » Cette question éteint toujours les débats vertueux, surtout dans un pays comme Haïti. Impossible de définir une vision de l’avenir, toujours quelqu’un pour nous ramener dans la réalité. Mais la réalité étant relative … Moi, je suis à l’optimisme ce qu’Obélix est à la potion, tombé dedans dans un tout jeune âge. Ce pseudo réalisme ‘éteignoir’ a donc la fâcheuse habitude de m’assommer. L’enjeu bien évidemment est de faire la différence entre une vision et un rêve, ce qui dans l’imaginaire politico-culturel haïtien est une nécessité. Donc parmi les visions promulguées par le président, il y a ce décret qui interdit la fabrication, le commerce et l’usage de ces assiettes en styromousse. Comme les feuilles d’automne au Qc, ces assiettes jonchent tout ce qu’il y a de sol ou de ravine dans cette ville. La rue étant une poubelle pour la grande majorité des haïtiens, ce qui leur a permis de manger le chien jambé ou le spaghetti se retrouve nécessairement au sol avant d’être poussé par les vents ou les pluies. Les ravines qui drainent la vie en partant de Pétion-Ville et allant jusqu’à la mer charrient des milliers de ces contenants. Parmi les problèmes d’Haïti, la priorisation de celui-là pourrait souffrir de toutes les analyses. Personnellement, je me suis mis à rêver que la rue allait devenir propre… « Le président arrivera-t-il à ses fins dans ce dossier ? » Ma collègue me fait un sourire de perplexité. « S’il n’a pas les moyens de contrôler ce commerce et rien à offrir en échange, la partie est perdue. » C’est peut-être ça la différence entre la vision et le rêve !? Il me faut sûrement une louche de réalisme.

lundi 27 août 2012

Plus forte que nous

Un retour de vacances essoufflant. Mon patron était dans mes bagages et on a bourlingué pas mal jeudi et vendredi pour que sa mission soit optimale, surtout qu’on savait qu’Isaac allait déranger nos plans. Après, ce fut la galère pour lui trouver une place dans un avion, American Airline ayant décidé depuis vendredi de fermer tous ses vols sur Miami (3 ou 4 par jour normalement). Ils étaient donc quelques milliers à espérer retourner dans leur civilisation le plus rapidement possible. Pour PAP, Isaac n’a pas fait de gros dégâts si ce n’est que certaines rivières ont atteint un débit qui pouvait faire craindre pour la solidité de certains ponts (Croix des Missions entre autres). Dans le Sud-Est, ma collègue qui est installée là-bas a passé un quart d’heure relativement plus difficile. On est venue la sortir de chez elle au petit matin et depuis, elle est complètement engagée dans la distribution de denrées et de matériel de toute sorte. Le secteur est tellement dévasté que certaines localités demeurent toujours injoignables. « Je pense à toi quand je vois les dégâts, j’imagine que ton kodak aurait mal à la tête. » Je suis obligé de dire qu’elle a raison. Égoïstement, j’étais presque déçu de faire le tour de la ville samedi matin. Pacot, Martissan, Carrefour-Feuille, Delmas ou Pétion-Ville, rien n’à signaler. Déjà à 11h00 du matin, les marchandes avaient repris leur commerce. Même les camps (et il en reste encore beaucoup même si les plus ‘visibles’ ont été vidés) ne montraient aucun signe du passage d’Isaac. Heureusement. Quant au Sud-Est et aux Nippes, ils y goûtent toujours. Tout le monde se presse mais la situation semble rester catastrophique, surtout que la pluie na cessé que dimanche en PM et que depuis, le soleil se fait discret. Rien de bon pour sécher la maison et tout ce qui y vit. Vendredi soir en entrant les meubles de jardins dans la maison et en barricadant ce qui devait l’être, je réfléchissais à l’idée que ce pays existe dans la violence des désastres naturels. Des centaines d’ouragans ont fait des milliers de morts et quelques tremblements de terre ont tout dévasté. Que cette menace m’atteint, qu’elle me fait sentir petit, faible. Comme le 12 janvier à 16h53, sentir que tout autour est plus fort. Je pensais à ces vieux du temps où je faisais de la montagne, ils nous disaient de ne jamais défier la nature, qu’elle était vachement plus forte que nous.

samedi 25 août 2012

En passant

En passant, tout va bien pour moi. Je n'ai pas eu une seconde pour traiter les photos et rédiger un vrai billet. Aucun dégât donc pour ma petite personne. Isaac a foutu pas mal le bordel un peut partout dans le sud du pays, mais PAP a été relativement épargné. Les radios nous ont fait un portrait des zones les plus touchées et le nombre de campeurs risque d'augmenter. J'ai fait un tour photo de plusieurs quartiers de PAP aujourd'hui et les dégâts sont mineurs, même les marchandes avaient repris leur commerce dans beaucoup de coins.

vendredi 24 août 2012

Bonne nuit

Il n’est pas encore 19h45 et le système satellite qui nourrit la télé a déjà déclaré forfait. Ou la couche de nuage est trop épaisse ou les vents ont déjà bousculé les visées de mon antenne. La première option me semble la bonne, la maison est dans un épais brouillard depuis 17h00 et les vents sont toujours sous contrôle selon les six grandes portes du salons. Je ne sais pas trop combien de temps encore mon internet va me tenir en contact avec le monde, mais je ne prends pas de chance, je vous fais suivre tout de suite quelques nouvelles. Claudette, la femme de ménage, vient de me téléphoner pour prendre de mes nouvelles. Elle s’inquiète dans la mesure où cet Isaac assumera mon baptême. Tomas qui est passé il y a deux ans n’avait pas vraiment la stature nécessaire à se faire une place dans la famille (je parle pour PAP bien évidemment, pas pour les gens du sud du pays). Isaac ne sera sûrement pas non plus le plus costaud, sa trajectoire a légèrement dévié, tout comme ses poumons ont perdu de leur vigueur. Les gens de Miragoane et peut-être ceux de Jérémie seront davantage touchés. Les zones plus enclavées entre Jacmel et les Cayes vont aussi y gôuter. Malheureusement. PAP demeure dans la zone des grands vents et des fortes pluies et les 400 000 personnes qui maintiennent toujours un statut de campeur depuis le 13 janvier 2010 devraient passer une nuit fort agitée. Isaac n’a pas encore déposé son pied sur l’île, on l’attend plus tard ce soir et il devrait nous visiter pendant toute la nuit. Le matos du photographe amateur est prêt, j’espère que demain me permettra de sortir pour visiter les alentours et rapporter quelques souvenirs. Bonne nuit !!

Isaac

Isaac commence à faire sentir son souffle. Une petite brise qui évacue l'intensité de la chaleur qui nous agresse depuis mon retour. PAP n'est pas directement au centre de la trajectoire d'Isaac, mais quand un visiteur aussi dérangeant débarque chez ton proche voisin ... Jacmel et Miragoane sont directement dans le couloir. Je vous tiens informé tant que mon Internet sera fonctionnel. Je salue Isaac pour vous.

mercredi 22 août 2012

Chez moi

Presque deux ans passé, celui qui est mon ami depuis toujours et à jamais me demandait si PAP était devenu mon chez moi. Il faudrait que je retrouve le billet rédigé à l’époque pour ne pas raconter trop de niaiseries, mais je pense que je lui ai répondu ‘oui’. C’est du moins ce que je me disais en embrassant Jo ce matin en quittant Mtl (elle me rejoindra chez ‘nous’ dans quelques jours). Je rentrais chez moi. Un chez moi que je sais temporaire, mais comme les abris ou les écoles construits depuis le 13 janvier 2010, un temporaire qui s’exprime dans la durée. Du Airbus 330 qui m’amenait sur PAP, on pouvait voir cette masse nuageuse couvrir Cap-Haïtien. Que quelques minutes avant de remettre les pieds à Port-au-Prince. Chez moi. Il faudra bien que je prenne les prochains billets pour que je dresse mon portrait de ce Québec dans lequel je viens de passer trois semaines… Un Québec en élection, au ‘tournant de son histoire’ comme ça fait dix fois que je l’entends depuis que je vote. Je suis revenu à la maison avant qu’Isaac n’y foute davantage le bordel. On reste ici dans un rapport au monde probabiliste, mais la trajectoire dessinée la modélisation informatisée du National Hurricane Center inscrit Isaac en plein cœur du cœur. En plein chez moi, vendredi en fin d’après-midi. Mais vous savez, la visite qui s’annonce n’est pas toujours celle qui se présente.

jeudi 2 août 2012

Ensemble ou séparé ?

On est à Montréal pour des vacances. Premier long séjour depuis novembre 2008, nous qui sommes habitués de revenir ici pour quelques jours seulement, on aura au moins le temps de souffler et de générer moins de frustrations (pour les proches comme pour nous). Sortir de la culture de l'autre dans laquelle on baigne depuis plus de trois ans, permet toujours d'observer nouvellement certains aspects de sa propre culture. À la fin du repas dans deux restos aujourd'hui, on s'est fait poser la même question par les serveurs : Ensemble ou séparé ? Tellement perdu l'habitude de se faire poser ce genre de question, que nous avons sursauté les deux fois. Les québécois connaissent le sens de cette question, mais peut-être sommes-nous les seuls. En fait, ce que les serveurs veulent savoir c'est s'ils doivent préparer deux factures (chacun assume les frais de son repas) ou une seule (la facture combine les deux repas). On ne se fait jamais poser cette question en Haïti, ni même dans les coins que nous avons visités depuis plus de 3 ans. Conséquence bien évidement de l'évolution des rapports entre les hommes et les femmes dans cette belle société que l'on a voulu distincte.

mercredi 1 août 2012

Le début des vacances



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"Les vacances vont prendre leur envol. C'est bien connu, les haïtiens ont peur de la pluie, l'avion va donc avoir du retard. Je me souhaite de bonnes vacances !!!"
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vendredi 27 juillet 2012

Deux semaines de frustrations

J’ai fait deux billets il y a quelques jours pour vous raconter une partie de mon processus d’obtention de certains documents relatifs à mon statut en Haïti. Logique de réciprocité, le nouveau gouvernement d’Haïti assure un peu plus de zèle dans sa façon d’appliquer les processus administratifs liés à l’installation de blancs dans le pays. Jusqu’ici, on entrait et s’installait ici sans aucune complications réelles, pas de visa ou de permis de séjour. Les aspirations du nouveau gouvernement imposent que les entrées de fonds soient plus substantielles et plus soutenues. L’une des stratégies retenue par l’État est donc de demander à ces quelques milliers de blancs installés ici pour ‘aider’ Ayiti, de respecter les procédures migratoires en passant laisser quelques kob aux différents services publiques impliqués dans la démarche. Rien de plus normal, le Canada est bien capable de saigner les haïtiens qui veulent aller se faire geler les fesses dans notre belle protection sociale. Réciprocité je vous disais. Après des heures passer à la banque, à la DCPJ (Direction centrale de la police judiciaire), au Tribunal de paix de Pétion-Ville et à l’Immigration pour … rien. Rien parce qu’il a toujours quelqu’un, dans ce pouvoir rétentif des fonctionnaires, pour trouver une bonne raison ‘formelle’ de te demander de refaire telle pièce, de recommencer telle procédure. Et si ce fonctionnaire peut, en plus, refuser une pièce produite par l’un de ses collègues d’un autre ministère, vous lui offrez un très grand plaisir. Ça vous impose de refaire la queue dans le dit ministère, mais ça … Tu peux toujours payer quelqu’un (ou directement le fonctionnaire) afin que la petite technicalité qui t’empêche d’avancer puisse cesser d’exister. Mais pour toutes sortes de raisons (bonnes comme mauvaises), disons que cet aspect de l’existence de l’homme-pi-sa-femme dans leur rapport avec les fonctionnaires, ce genre d’approche ne s’est pas avérée. Outre ce dossier plus personnel, j’ai aussi fait deux missions qui n’ont absolument rien donné auprès du service de la circulation pour régulariser le statut de véhicules du projet. Même genre de merdier où un fonctionnaire trouve un petit quelque chose dans la pile de pièces pour te dire que la transaction ne peut avoir lieu, et donc, que tu devras revenir. Que tu suives les règles écrites ne change rien, il demeure toujours un petit espace de liberté qui offre la possibilité à un rétentif de te faire … chier. Dans les deux cas, ma frustration vient davantage de l’impuissance que des impacts réels sur mon existence. Je pense à cette majorité d’haïtiens ‘impuissants’ qui n’arrivent pas à mettre la main sur des pièces importantes pour eux (un permis de conduire, un passeport, un numéro d’identification fiscale, …) et je relance mon idée de faire de la lutte à l’impuissance la priorité nationale (le lien). Vivement les vacances...

lundi 23 juillet 2012

Provisoirement permanent

Parmi les résultats de la divulgation par le président de la nouvelle constitution – celle victime des erreurs matérielles dans les 24 heures qui ont précédé le départ de Préval –, il y a la création du CEP pour Conseil électoral permanent. Depuis 25 ans en Haïti, il y avait un CEP, un Conseil électoral provisoire. Si vous commencez à être confus, je vous rassure, ce n’est pas encore terminé. Il y a cette idée fortement répandue ici en Ayiti que le passage d’un CEP provisoire à un CEP permanent allait enfin régler les magouilles électorales qui auraient meublé tous les processus électoral depuis 25 ans. Je ne veux pas faire le pisse-vinaigre, mais j’ai le sentiment qu’on sombre dans la pensée magique. Pas simplement parce que la nouvelle appellation est exactement la même que la précédente, mais davantage parce que je n’ai pas encore compris comment on allait faire les choses autrement. Surtout que ceux qui avaient intérêt à magouiller les élections ne cesseront pas d’exister, et que ceux qui tirent avantage de ces magouilles ont toujours besoin de leur gagne-pain. Changer le nom ne change pas le système, malheureusement … Les rumeurs sont fortes à l’effet que la communauté internationale a maintenu une forte pression sur le président pour qu’il divulgue la nouvelle constitution, celle qui crée le Conseil électoral permanent. Cette communauté internationale maintiendrait le même genre de pression pour que des élections aient lieu en novembre prochain, question de constituer une chambre haute plus stable. Actuellement, les conditions de fonctionnement du sénat sont très précaires : 20 sénateurs sont au travail sur les 30 prévus à la constitution et il faut au moins 17 sénateurs pour que les séances soient valides. Un ou deux en vacances et un ou deux qui refusent de se présenter au débat, et hop, le parlement (et le gouvernement) est paralysé. Il y a deux semaines, le président a lancé un ultimatum aux parlementaires pour qu’ils accouchent de leur nomination au nouveau CEP, question de lancer le processus pour les prochaines élections. Tout stagne depuis, certains parlementaires refusant de participer à un débat au résultat ‘permanent’ alors que la chambre est amputée du tiers de ses membres, d’autres refusant que l’exécutif (et la communauté internationale) impose son agenda au législatif, et finalement d’autres parce que … parce que … ?? Question de sortir de cette nouvelle impasse, une des propositions discutées dans les médias depuis deux jours serait donc de constituer ‘provisoirement’ un Conseil électoral permanent : Rendons possible la prochaine élection (qui va entre autres avoir comme effet de compléter le sénat) et après le sénat sera pleinement en mesure de choisir ses représentants ‘permanents’ au Conseil électoral permanent. Le CEP sera donc le CEP, nouveau ou ancien.

jeudi 19 juillet 2012

500 millions $US

Ce serait le coût de la corruption pour l’État Haïtien. C’est du moins l’évaluation qu’a publié cette semaine le directeur de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). Les parlementaires ont voté récemment le budget de l’État à près de 3 milliards de $US. Grosso-modo, entre 15 et 20% du budget serait perdu dans les dédales de la magouilles. Cette estimation tire une partie de son intérêt dans le fait que le budget de l’État fait face à une croissance significative depuis l’installation du nouveau gouvernement. En premier lieu, la Direction générale des impôts (DGI) pour un peu plus la machine, ce qui lui a permis cette année une pêche qui dépasse déjà de 10% celle de l’année dernière. Outre cet apport supplémentaire de l’État haïtien à son propre budget, certaines coopérations se montrent de plus en plus enclines à appuyer financièrement le gouvernement. Une suite logique à ces quelques constats pourrait nous porter à certaines inquiétudes quant à l’augmentation éventuelles des sommes gérées par l’État qui se seront détournées. C’est une conséquence logique (mais absurde) de la croissance.

mercredi 18 juillet 2012

Deux heures

Deux, heures, c’est le temps que j’ai passé (il faudrait plutôt écrire perdu) à la banque ce matin. Dans la continuité de mon histoire de ‘Certificat de bonne vie et mœurs’ (ce billet), je devais obtenir de la banque deux choses, trois en fait. Un certificat bancaire et deux chèques de direction (chèque certifié dans le langage canadien). Le directeur de la succursale sort toujours de son bureau en me voyant entrer de sa vitre sans tain. ‘Bonjour M Labadie, content de vous voir. Vous voulez un café ?’ C’est comme ça quand tu es blanc et que tu assumes certaines responsabilités de gestion d’un projet qui transige de grosses sommes d’argent. Je regrette de ne pas lui avoir répondu que j’aurais préféré un service plutôt qu’un café. La prochaine fois, je me rattraperai. Je prends donc la chaise voisine d’une femme bien accoudée sur le bureau de l’employée de la banque. C’est comme chez le juge, tout se déroule en présence de n’importe qui. Je vais bien aller rencontrer un psychologue pour voir si cette pratique communautariste s’est répandue jusque là. La dame en question veut faire réactiver un compte fermé pour un nombre X de chèques sans provision. Le hic, c’est que pour rouvrir ce compte, il faudrait la signature de l’autre propriétaire du compte. L’autre propriétaire c’est l’ex-conjoint, ou du moins un gars difficile à retracer, peut-être parti pour la République voisine, c’est en tout cas la dernière rumeur le concernant. Le hic pour ma voisine, c’est qu’il reste encore un peu de cash dans le compte et elle en aurait besoin. Ça devait faire un bout de temps qu’elle s’obstinait parce qu’elle a réussi à entrer dans le bureau du directeur, celui qui est derrière la vitre sans tain. De là, je n’ai pas su la fin de l’histoire. Une fois débarrassée de cette femme à l’ex-conjoint introuvable, l’employée de la banque se penche sur mon cas. Pendant que je lui explique ce qui m’amène, le prochain client prend la chaise toujours chaude de la dame à l’ex-conjoint introuvable. Pour produire l’attestation bancaire (une simple lettre qui confirme que j’ai un compte à la banque et que ce dit compte contient l’indécrottable somme de ‘ce n’est pas de vos affaires’, il y a quand même des limites à parler de soi !!), elle aura pris 45 minutes. Sur son ordinateur, elle va chercher le solde du compte et la lettre type. Elle complètera la lettre avec mes renseignements (nom, date d’ouverture du compte et solde), l'imprimera et la signera avant d’aller la faire signer par le directeur. Il me faudra compléter un petit papier qui confirme que je dépense 40$ pour obtenir cette attestation en plus de signer le registre des transactions (le bon vieux registre papier utilisé toujours dans les banques et administrations haïtiennes). Je vous rappelle, 45 minutes pour ces étapes. Reste maintenant à produire les deux chèques de direction … Même genre de démarches qui prendra près de 90 minutes. L’haïtien à côté de moi est resté aussi silencieux que patient pendant cette interminable aventure. La batterie de mon smartphone marquait dans le rouge, comme ma pression probablement. C’est le servie à la clientèle à l’haïtienne ou le point de focus n’est pas le client, mais les tâches à effectuer. Et dans un contexte où les pratiques sont tout autant marquées par la tradition que la non-confiance, les étapes (dont les signatures et contre-signatures pour non objection) sont nombreuses. J’en suis venu à avoir le sentiment que j’étais face à une danseuse qui se concentre sur l’ensemble de sa chorégraphie sans vraiment se soucier si le spectateur dort ou a quitté la salle. C’est le genre de situation où le terme ‘réingénierie des processus’ trotte dans ton esprit.

lundi 16 juillet 2012

Désordre surprise

Rien ni personne ne nous avait annoncé cette bourrasque. Avec le chauffeur, on quittait Pétion-Ville pour le centre-ville de PAP, pour le ministère. Le 20 minutes du trajet (en dehors du blokus pour votre information) a été comme un film. L’intensité du vent et de la pluie croissaient ensemble, des affiches prenaient une ‘roulib’ avec le vent alors que des branches s’affaissaient sur le sol. Au ministère, j’ai patienté un bon dix minutes dans la bagnole que le ciel nous fiche la paix. Ma patience ayant une limite plutôt circonscrite, je suis entré dans les bureaux assez trempé. Sur la cour, des branches avaient fait des dégâts. Tout ce désordre en quelques minutes et surtout sans aucune annonce, personne n’était effectivement préparé. Ceux qui sont restés dans un building n’auront rien compris, le désordre a été une surprise.

vendredi 13 juillet 2012

Je-ne-sais-quoi !

Ai passé quelques minutes dans un bureau au tribunal de paix aujourd’hui. Le fonctionnaire de l’État (adjoint de je-ne-sais-quoi, je n’ai pas compris) m’a fait entrer dans son bureau où il y avait déjà 5 personnes qui attendaient. J’ai déposé ma personne sur le dernier siège libre. Outre tout ce monde, on comptait sur les étagères autant de poussière que de papiers. Deux ventilateurs attendaient le retour de l’électricité pour assumer leur fonction. Il faisait trop chaud dans ce petit enfermement plein d’humains, de papiers et de poussière, mais on s’habitue. Le plus vieux des invités a recommencé son histoire. Un proprio qui a des problèmes avec un de ses locataires qui en plus de ne pas avoir assumé son loyer, aurait foutu l’appartement dans un état indescriptible. Le granmoun (une personne âgée) était dans un tel état de désespérance, qu’il s’était résigné pour la première fois de sa vie à porter la cause devant la justice. L’assistant du je-ne-sais-quoi derrière le bureau posait des questions sans réellement prendre de notes. À la fin de son histoire, le plaignant a été invité à sortir et revenir lundi. Ceux qui m’avaient précédé dans le bureau restaient silencieux. L’assistant du je-ne-sais-quoi me demande pourquoi je suis là. Je lui indique que ces quatre moun étaient arrivés avant moi et qu’il devait en prendre soins avant de se pencher sur mon cas. On me fait comprendre que ce ne sont pas des ‘clients’, mais des gens qui attendent là la fin de la journée, son bureau étant éventuellement plus confortable que le coin de la rue. De la même manière que mon prédécesseur a eu à raconter son histoire devant cette petite foule, je lui raconte ce qui m’amène. Trois des invités écoutent attentivement alors que le dernier tente de colmater un gros trou dans son soulier. J’ai besoin (pour Jo itou) d’un certificat de bonne vie et mœurs. Est-ce que ça vous dit un petit échange sur ce qu’est une bonne vie et de bonnes moeurs ? Non pas vraiment ! Ok… Le gars assis de l’autre côté du bureau me fait comprendre que je devrai descendre au bas de la ville - tout près de l’aéroport - pour trouver ce certificat, ce n’est pas lui qui pourra me le fournir. « J’y arrive justement. Et on m’envoie vous voir ! Est-ce qu'on peut commencer à être sérieux ... » - Reviens lundi. - Avant ou après le granmoun qui vient de sortir ? - Ben ??? Lundi ! - Il y aura quoi de nouveau lundi, quelle réponse différente trouverai-je ? - Moi je suis l'assistant, le 'je-ne-sais-quoi'sera là et pourra vous aider. - Nap wè lundi

jeudi 12 juillet 2012

Lutter contre l'impuissance

Quelques fois, des parallèles émergent de la lecture des journaux haïtiens et québécois. Je pense entre autres à cet homme au Qc qui vient de tuer ses deux enfants avant de s’enlever la vie. C’est fou comment la politesse ne nous sert pas toujours. Imaginez qu’il ait été moindrement égoïste, il aurait commencé par lui-même et… Le bonhomme écrit sur sa page Facebook qu’il en est arrivé à la conclusion que la société ne lui offrirait jamais de vraie justice et que dans ce contexte, il avait tiré la conclusion qu’il devait se la donner lui-même. Je suis certain qu’il y a quelques milliers d’énervés qui voudraient également se donner une ‘vraie’ justice dans le dossier du cardiologue filicide. Merci de ne pas annoncer la date et l’heure de sa libération. Souvenons nous aussi de la sortie ‘accompagnée’ des mohawks de d’Oka au moment de la crise du golf. Disons qu’on ne faisait pas dans la dentelle. Le parallèle avec ce qui se passe en Haïti concerne le lynchage récent de trois petits voyous, des voleurs de motos. Je suis en Haïti depuis plus de trois ans et ces histoires de lynchage reviennent régulièrement dans l’actualité. Plus souvent les victimes sont des criminels ‘reconnus’ par le voisinage, mais il est arrivé que la victime ait été ciblée pour des raisons mystico-religieuses. On a vu ce genre d’histoire au moment du choléra où des personnes ont été bâtonnées par les voisins après avoir été accusées d’être les vecteurs mystiques par lesquels la bibitte s’est installée dans le village. Dans les derniers jours au Pakistan, une personne (déficiente intellectuelle selon certains médias) a été lynchée après avoir profané le Coran. Dans le cas des criminels lynchés, il y a toujours cette même analyse du sentiment d’impuissance face à la justice. Je me souviens d’un policier québécois qui me racontait une histoire horrible (photos à l’appui) d’un bonhomme assassiné par ses voisins. Le gars en question tabassait régulièrement sa femme malgré des plaintes aux autorités et quelques tentatives musclées des voisins de l’apaiser. Un matin, ces mêmes voisins ont découvert la femme morte et des fils se sont touchés dans le cerveau exaspérés de quelques-uns. Le batteur de femme n’a jamais eu la chance de recommencer ni de croupir dans l’une de ces belles prisons haïtiennes. Je pense à la faiblesse de la justice haïtienne, tant au plan de la forme que de l’esprit, en me disant que ça devrait une priorité, la priorité. Je me souviens d’avoir écrit à peu près la même chose au sujet de l’éducation et de l’environnement pour comprendre que je tourne en rond. En fait, la priorité devrait être de lutter contre l’impuissance. Ça ne veut encore rien dire de très précis, mais j’aime la formule !

mercredi 11 juillet 2012

Pauvre bébé

La vie de couple s’appuie toujours sur un partage tordu des responsabilités. Même sur certaines responsabilités tordues… À 4h15 du mat, le coude pointu de Jo s’est légèrement enfoncé entre mes côtes : « Mon homme, ton bébé pleure. » Mon homme, ton bébé pleure !! Le chiot est donc devenu mon bébé, probablement entre 22h00 et 6h00. Le petit prend du mieux et a maintenant une énergie assez forte pour que ses pleurs perturbent notre sommeil. Ses déplacements restent précaires, sa patte continuant à le faire souffrir. On lui donne un autre 24 heures pour reprendre la forme avant de le faire adopter par de vrais parents. Pauvre bébé !

mardi 10 juillet 2012

Ti pitou-piteux

J’ai dit à Jo qu’on avait le coeur trop fragile pour continuer à vivre en Haïti. En tout cas, dans une Haïti où la mort côtoie intimement la vie, d’aussi près que l’opulence vulgaire côtoie l’indigence extrême. Le réveil du lundi matin s’est fait au son des pleurs d’un chiot qui errait dans le voisinage. Ayiti reste une terre de chiens errants où la loi du plus fort régule la vie, meute ou pas, roues de 4X4 ou pas. J'étais sorti sur la terrasse voir le petit qui tournoyait dans la rue avant qu’on ne le perde des yeux et des oreilles. On avait oublié son existence jusqu'à ce matin en quittant pour le travail, on a vu notre ti-pitou écrasé, grelotant dans la fond d’une petite rigole. Impossible de le laisser là même si on ne sait pas vraiment qu’en faire. Jusqu’à aujourd’hui, avoir un chien n’a jamais fait parti de notre plan de vie. « On le sauve et après on verra ! » me dit l’enthousiaste Jo. "On le sauve !!!" lui répondis-je... On sort du 4X4, fait une place au ti-pitou et retourne vers la maison. Prépare un bol d’eau et des restants d’un poulet rôti. Le chien qui n’a pas d’autre énergie vitale que celle de greloter arrive à boire un peu d’eau sans toutefois être en mesure de toucher à la viande. On donne nos recommandations à Claudette et retournons vers le bureau. Ce midi, je téléphone à Claudette pour voir comment se comporte notre nouveau colocataire. Au plan alimentaire, les choses semblent aller, l’assiette de poulet est propre… le hic vient du fait que le chien ne se porte pas sur l’une de ses pattes arrière. Avant d’enter à la maison ce soir, on a acheté ce qu’il faut pour le nourrir et lui enlever les poux et les puces que son petit corps transportait. Même après le bain, j’imagine qu’il compte encore quelques amis, on refera le travail demain. Une de ses pattes semble effectivement mal en point, mais selon mon œil de vétérinaire patenté, il devrait s’en sortir. Le jeune gaillard ne pette pas la forme, mais a au moins il a de l’appétit, c’est le début de la vie ! On sent surtout une espèce de frayeur dans ses yeux et malgré nos bons soins, il n’a pas encore l’intention de nous porter sa confiance. La bonne nouvelle dans l’affaire est que Jo a déjà trouvé une mère adoptive pour lui. Quelques jours à lui redonner le goût à la vie et après, j’imagine que dans quelques semaines il ira cruiser les petites voisines.

dimanche 8 juillet 2012

Psychédélique


Il y a de ces choses impossibles à expliquer. Expliquer clairement j’entends. Comme ce sentiment que l’on vit face à une situation que ni notre intelligence ni notre capacité de traduction arrivent à rendre intelligible pour tous. Ce sentiment d’être face à des gens très critiques (en québécois, ça ressemblerait davantage à critiqueux) sans avoir certains prérequis pour établir cette dite critique. Je tente de m’expliquer. En ce beau samedi d’été, Jo et moi partons pour la province et nous accompagne dans la machine un beau timoun de 3 ans. En québécois bien induits des bonnes pratiques en matière de sécurité automobile, nous avons de manière sécuritaire installé le ti-cul en question dans un siège d’enfant conformes aux exigences du CSA (Canadian Standards Association). Le siège bien amarré à la bagnole et le timoun aussi bien amarré au siège. Toujours dans cette logique ‘sécuritaire’, Jo et moi avons bouclé nos ceintures. Je ne parle pas de celles qui tiennent nos culottes, mais de celles qui nous lient à notre siège. Le ti-cul bercé par les trous de la chaussée s’est endormi. Jo, bercée par je ne sais quoi, c’est elle aussi assoupie en donnant à son siège des allures qui se rapprochent davantage d’une chaise longue. RFI me berce les oreilles au son du blues de Buddy Guy. Des moments de petits bonheurs. Dans un de ces villages où la route nationale sert de marché, la vitesse se réduit de manière drastique. Vitesse réduite encore davantage par un fonctionnaire de la PNH qui décide de m’arrêter. Le moteur électrique du 4x4 descend rapidement la fenêtre pour que le policier puisse assumer auprès de moi sa fonction. Il s’engage énergétiquement dans un long monologue sécuritaire pour m’expliquer qu’en cas d’accident, la position assoupie de Jo est hautement risquée. Il nous fait donc don de ses conseils… Pire, pour le timoun qui dort derrière, on devrait ajouter un support supplémentaire à son cou pour éviter qu’il ne se blesse gravement si jamais on crashait dans un autre voiture au moment où Morphée envahissait ses pensées. Il devait comprendre à ma politesse légèrement hébétée que j’entrais dans la quatrième dimension… Par jour, le bonhomme voit passer en silence 845 taptap et 169 autobus super-bondés où des gens sont accrochés n’importe comment sur la carlingue. Des familles qui circulent dans des véhicules finis où les enfants se tiennent debout devant le passager le menton bien appuyé sur le ‘dash’, ou d’autres debout entre le conducteur et sa passagère. Sans compter ceux debout sur le siège arrière qui te saluent amicalement quand tu les suis. Ce même policier qui m’interpelle pour faire une trop longue leçon sur le respect de certaines règles de sécurité. Le moteur électrique a remonté la vitre et nous avons silencieusement repris la route. Jo a lentement grogné « Est-ce que j’ai rêvé ? » « C’est sûrement plus simple de penser que tu as effectivement rêvé, que d’essayer de donner un sens à ce qui vient de se passer. » Cet évènement est malheureusement représentatif de cette attitude locale de sauter sur toutes les occasions pour écraser doucement le nez d’un blanc dans son caca, peu importe l’épaisseur. Chacun ses petites victoires.

mardi 3 juillet 2012

Il y a eu un feu à Montréal

Les médias haïtiens avaient suivi plus ou moins assidument les troubles politico-sociales qui sévissaient au Qc depuis au cours des derniers mois. C'était intéressant pour un québécois installé ici d'entendre des nouvelles du Canada. Vaste pays, diversité des perspective. Depuis deux jours, odes médias locaux se sont délectés de l'incendie criminel de la saltation radio haïtienne de Montréal (Radio CPAM, Radio pour moi traduit du créole). Il semble que le feu ait été allumé par quelqu'un qui aurait déjà menacer les animateurs (ou un animateur ?) suite à des propos critiques à l'égard de Duvalier et à l'égard de Martelly. Asefi me disait qu'elle était surprise de voir ses compatriotes transporter la vie politique nationale à Montréal.
- Personne ne met le feu aux stations de radio ici !!
- C'est normal, nos grandes gueules qui animent les émissions de radio contrôlent quand même leurs sorties, ils savent qu'ils vont en payer le prix. Tu n'as qu'à regarder les tensions entre Martelly et certains médias pour comprendre que la critique représente un risque. Ce qui me surprend c'est de voir que ce genre de pratiques soient rétablies chez vous.
- Il faut attendre, on est peut-être face à l'action d'une personne plus envahie par des problèmes de santé mentale que par quelqu'un d'allergique à la liberté d'opinion.
- Je pourrais bien te laisser le bénéfice du doute ou continuer que tu es indécrotablement naïf, mais couper le sifflet à des journalistes reste une pratique bien établie en Ayiti, donc chef les haïtiens.
- 'Des' haïtiens.
- Arrête de nuancer, tu comprends ce que je veux dire !

dimanche 1 juillet 2012

Reloger les campeurs

Cette semaine, une nouvelle concernant Ayiti s’est retrouvée dans plusieurs médias du monde. On serait passé sous la barre de 400 000 personnes qui vivent toujours dans les camps depuis janvier 2010. 390 276 selon le dernier rapport de OCHA, Une diminution de 7% depuis avril dernier. On entre maintenant dans les phases les plus ardues, c’est-à-dire celles où les gains seront de plus en plus difficiles. L’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations) a été financée par le Canada pour reloger les campeurs du Champs de Mars. Un gros dossier (20 millions de $ pour reloger 5 000 familles ou 20 000 personnes), surtout parce qu’au plan symbolique, ce camp voisin du Palais National continuait depuis plus de deux ans d’être la preuve que la reconstruction était au neutre. Aujourd’hui, c’est presque terminé et comme pour les autres grands camps, on retrouve un espace que notre mémoire avait oublié. J’ai appris cette semaine toute la logistique qui sous-tend ce genre de manœuvre. Wow ! Un recensement détaillé fait avant l’annonce publique du projet de relocalisation des familles, question d’éviter que certains s’inventent un statut de campeur au moment où les enveloppes brunes commencent à être distribuées. Chaque famille relogée doit trouver un logement pour toucher une première partie du chèque. Un logement avec un vrai bail d’une année, logement que les gens d’OIM visitent, question d’éviter les arnaques. Une fois la famille réinstallée dans son nouveau logis, la deuxième partie du montant qui totalisera autour de 500$ sera décaissée. A cette relocalisation, s’ajoutait un programme pour aider les familles à trouver un boulot question qu’elles soient en mesure d’assumer leurs frais de logement après que la somme reçue soit épuisée. C’est sensiblement le même genre de projet qui a permis de vider le terrain de foot de Sainte-Thérèse. J’y suis passé faire des photos il y a une semaine. Il reste encore un dizaine de campeurs frustrés qui estiment avoir été floués par des représentants des autorités qui n’auraient pas accepté de leur distribuer les dites sommes, préférant garder ces kob pour eux. Du côté des autorités, on nous raconte que ces gens sont des nouveaux campeurs, qu'ils se sont inventés cet état tout récemment question de toucher un peu d'argent. Au Champs de Mars, il y a le même genre de phénomène où des familles s’accrochent à une tente sans que l’on sache si c’est effectivement la leur depuis 2010. Même si tout ce qu'il y a d'Avocats Sans Frontière dans le pays ont confirmé la 'justice' du processus, il reste bien évidement des zones grises. Dans ce contexte de magouille généralisée, contexte où l’arnaque est une stratégie de survie, on n’arrive plus à savoir qui dit vrai, Avocats Sans Frontière ou pas.