vendredi 13 juillet 2012
Je-ne-sais-quoi !
Ai passé quelques minutes dans un bureau au tribunal de paix aujourd’hui. Le fonctionnaire de l’État (adjoint de je-ne-sais-quoi, je n’ai pas compris) m’a fait entrer dans son bureau où il y avait déjà 5 personnes qui attendaient. J’ai déposé ma personne sur le dernier siège libre. Outre tout ce monde, on comptait sur les étagères autant de poussière que de papiers. Deux ventilateurs attendaient le retour de l’électricité pour assumer leur fonction. Il faisait trop chaud dans ce petit enfermement plein d’humains, de papiers et de poussière, mais on s’habitue. Le plus vieux des invités a recommencé son histoire. Un proprio qui a des problèmes avec un de ses locataires qui en plus de ne pas avoir assumé son loyer, aurait foutu l’appartement dans un état indescriptible. Le granmoun (une personne âgée) était dans un tel état de désespérance, qu’il s’était résigné pour la première fois de sa vie à porter la cause devant la justice. L’assistant du je-ne-sais-quoi derrière le bureau posait des questions sans réellement prendre de notes. À la fin de son histoire, le plaignant a été invité à sortir et revenir lundi. Ceux qui m’avaient précédé dans le bureau restaient silencieux. L’assistant du je-ne-sais-quoi me demande pourquoi je suis là. Je lui indique que ces quatre moun étaient arrivés avant moi et qu’il devait en prendre soins avant de se pencher sur mon cas. On me fait comprendre que ce ne sont pas des ‘clients’, mais des gens qui attendent là la fin de la journée, son bureau étant éventuellement plus confortable que le coin de la rue. De la même manière que mon prédécesseur a eu à raconter son histoire devant cette petite foule, je lui raconte ce qui m’amène. Trois des invités écoutent attentivement alors que le dernier tente de colmater un gros trou dans son soulier. J’ai besoin (pour Jo itou) d’un certificat de bonne vie et mœurs. Est-ce que ça vous dit un petit échange sur ce qu’est une bonne vie et de bonnes moeurs ? Non pas vraiment ! Ok… Le gars assis de l’autre côté du bureau me fait comprendre que je devrai descendre au bas de la ville - tout près de l’aéroport - pour trouver ce certificat, ce n’est pas lui qui pourra me le fournir. « J’y arrive justement. Et on m’envoie vous voir ! Est-ce qu'on peut commencer à être sérieux ... »
- Reviens lundi.
- Avant ou après le granmoun qui vient de sortir ?
- Ben ??? Lundi !
- Il y aura quoi de nouveau lundi, quelle réponse différente trouverai-je ?
- Moi je suis l'assistant, le 'je-ne-sais-quoi'sera là et pourra vous aider.
- Nap wè lundi
jeudi 12 juillet 2012
Lutter contre l'impuissance
Quelques fois, des parallèles émergent de la lecture des journaux haïtiens et québécois. Je pense entre autres à cet homme au Qc qui vient de tuer ses deux enfants avant de s’enlever la vie. C’est fou comment la politesse ne nous sert pas toujours. Imaginez qu’il ait été moindrement égoïste, il aurait commencé par lui-même et… Le bonhomme écrit sur sa page Facebook qu’il en est arrivé à la conclusion que la société ne lui offrirait jamais de vraie justice et que dans ce contexte, il avait tiré la conclusion qu’il devait se la donner lui-même. Je suis certain qu’il y a quelques milliers d’énervés qui voudraient également se donner une ‘vraie’ justice dans le dossier du cardiologue filicide. Merci de ne pas annoncer la date et l’heure de sa libération. Souvenons nous aussi de la sortie ‘accompagnée’ des mohawks de d’Oka au moment de la crise du golf. Disons qu’on ne faisait pas dans la dentelle. Le parallèle avec ce qui se passe en Haïti concerne le lynchage récent de trois petits voyous, des voleurs de motos. Je suis en Haïti depuis plus de trois ans et ces histoires de lynchage reviennent régulièrement dans l’actualité. Plus souvent les victimes sont des criminels ‘reconnus’ par le voisinage, mais il est arrivé que la victime ait été ciblée pour des raisons mystico-religieuses. On a vu ce genre d’histoire au moment du choléra où des personnes ont été bâtonnées par les voisins après avoir été accusées d’être les vecteurs mystiques par lesquels la bibitte s’est installée dans le village. Dans les derniers jours au Pakistan, une personne (déficiente intellectuelle selon certains médias) a été lynchée après avoir profané le Coran. Dans le cas des criminels lynchés, il y a toujours cette même analyse du sentiment d’impuissance face à la justice. Je me souviens d’un policier québécois qui me racontait une histoire horrible (photos à l’appui) d’un bonhomme assassiné par ses voisins. Le gars en question tabassait régulièrement sa femme malgré des plaintes aux autorités et quelques tentatives musclées des voisins de l’apaiser. Un matin, ces mêmes voisins ont découvert la femme morte et des fils se sont touchés dans le cerveau exaspérés de quelques-uns. Le batteur de femme n’a jamais eu la chance de recommencer ni de croupir dans l’une de ces belles prisons haïtiennes. Je pense à la faiblesse de la justice haïtienne, tant au plan de la forme que de l’esprit, en me disant que ça devrait une priorité, la priorité. Je me souviens d’avoir écrit à peu près la même chose au sujet de l’éducation et de l’environnement pour comprendre que je tourne en rond. En fait, la priorité devrait être de lutter contre l’impuissance. Ça ne veut encore rien dire de très précis, mais j’aime la formule !
mercredi 11 juillet 2012
Pauvre bébé
La vie de couple s’appuie toujours sur un partage tordu des responsabilités. Même sur certaines responsabilités tordues… À 4h15 du mat, le coude pointu de Jo s’est légèrement enfoncé entre mes côtes : « Mon homme, ton bébé pleure. » Mon homme, ton bébé pleure !! Le chiot est donc devenu mon bébé, probablement entre 22h00 et 6h00. Le petit prend du mieux et a maintenant une énergie assez forte pour que ses pleurs perturbent notre sommeil. Ses déplacements restent précaires, sa patte continuant à le faire souffrir. On lui donne un autre 24 heures pour reprendre la forme avant de le faire adopter par de vrais parents. Pauvre bébé !
mardi 10 juillet 2012
Ti pitou-piteux
J’ai dit à Jo qu’on avait le coeur trop fragile pour continuer à vivre en Haïti. En tout cas, dans une Haïti où la mort côtoie intimement la vie, d’aussi près que l’opulence vulgaire côtoie l’indigence extrême. Le réveil du lundi matin s’est fait au son des pleurs d’un chiot qui errait dans le voisinage. Ayiti reste une terre de chiens errants où la loi du plus fort régule la vie, meute ou pas, roues de 4X4 ou pas. J'étais sorti sur la terrasse voir le petit qui tournoyait dans la rue avant qu’on ne le perde des yeux et des oreilles. On avait oublié son existence jusqu'à ce matin en quittant pour le travail, on a vu notre ti-pitou écrasé, grelotant dans la fond d’une petite rigole. Impossible de le laisser là même si on ne sait pas vraiment qu’en faire. Jusqu’à aujourd’hui, avoir un chien n’a jamais fait parti de notre plan de vie. « On le sauve et après on verra ! » me dit l’enthousiaste Jo. "On le sauve !!!" lui répondis-je... On sort du 4X4, fait une place au ti-pitou et retourne vers la maison. Prépare un bol d’eau et des restants d’un poulet rôti. Le chien qui n’a pas d’autre énergie vitale que celle de greloter arrive à boire un peu d’eau sans toutefois être en mesure de toucher à la viande. On donne nos recommandations à Claudette et retournons vers le bureau. Ce midi, je téléphone à Claudette pour voir comment se comporte notre nouveau colocataire. Au plan alimentaire, les choses semblent aller, l’assiette de poulet est propre… le hic vient du fait que le chien ne se porte pas sur l’une de ses pattes arrière. Avant d’enter à la maison ce soir, on a acheté ce qu’il faut pour le nourrir et lui enlever les poux et les puces que son petit corps transportait. Même après le bain, j’imagine qu’il compte encore quelques amis, on refera le travail demain. Une de ses pattes semble effectivement mal en point, mais selon mon œil de vétérinaire patenté, il devrait s’en sortir. Le jeune gaillard ne pette pas la forme, mais a au moins il a de l’appétit, c’est le début de la vie ! On sent surtout une espèce de frayeur dans ses yeux et malgré nos bons soins, il n’a pas encore l’intention de nous porter sa confiance. La bonne nouvelle dans l’affaire est que Jo a déjà trouvé une mère adoptive pour lui. Quelques jours à lui redonner le goût à la vie et après, j’imagine que dans quelques semaines il ira cruiser les petites voisines.
dimanche 8 juillet 2012
Psychédélique
Il y a de ces choses impossibles à
expliquer. Expliquer clairement j’entends. Comme ce sentiment que l’on vit face
à une situation que ni notre intelligence ni notre capacité de traduction
arrivent à rendre intelligible pour tous. Ce sentiment d’être face à des gens
très critiques (en québécois, ça ressemblerait davantage à critiqueux) sans
avoir certains prérequis pour établir cette dite critique. Je tente de
m’expliquer. En ce beau samedi d’été, Jo et moi partons pour la province et nous
accompagne dans la machine un beau timoun de 3 ans. En québécois bien induits
des bonnes pratiques en matière de sécurité automobile, nous avons de manière
sécuritaire installé le ti-cul en question dans un siège d’enfant conformes aux
exigences du CSA (Canadian Standards Association). Le siège bien amarré à la
bagnole et le timoun aussi bien amarré au siège. Toujours dans cette logique
‘sécuritaire’, Jo et moi avons bouclé nos ceintures. Je ne parle pas de celles
qui tiennent nos culottes, mais de celles qui nous lient à notre siège. Le
ti-cul bercé par les trous de la chaussée s’est endormi. Jo, bercée par je ne
sais quoi, c’est elle aussi assoupie en donnant à son siège des allures qui se
rapprochent davantage d’une chaise longue. RFI me berce les oreilles au son du
blues de Buddy Guy. Des moments de petits bonheurs. Dans un de ces villages où
la route nationale sert de marché, la vitesse se réduit de manière drastique.
Vitesse réduite encore davantage par un fonctionnaire de la PNH qui décide de
m’arrêter. Le moteur électrique du 4x4 descend rapidement la fenêtre pour que
le policier puisse assumer auprès de moi sa fonction. Il s’engage
énergétiquement dans un long monologue sécuritaire pour m’expliquer qu’en cas
d’accident, la position assoupie de Jo est hautement risquée. Il nous fait donc
don de ses conseils… Pire, pour le timoun qui dort derrière, on devrait ajouter
un support supplémentaire à son cou pour éviter qu’il ne se blesse gravement si
jamais on crashait dans un autre voiture au moment où Morphée envahissait ses
pensées. Il devait comprendre à ma politesse légèrement hébétée que j’entrais
dans la quatrième dimension… Par jour, le bonhomme voit passer en silence 845
taptap et 169 autobus super-bondés où des gens sont accrochés n’importe comment
sur la carlingue. Des familles qui circulent dans des véhicules finis où les
enfants se tiennent debout devant le passager le menton bien appuyé sur le
‘dash’, ou d’autres debout entre le conducteur et sa passagère. Sans compter
ceux debout sur le siège arrière qui te saluent amicalement quand tu les suis.
Ce même policier qui m’interpelle pour faire une trop longue leçon sur le
respect de certaines règles de sécurité. Le moteur électrique a remonté la
vitre et nous avons silencieusement repris la route. Jo a lentement grogné
« Est-ce que j’ai rêvé ? » « C’est sûrement plus simple de
penser que tu as effectivement rêvé, que d’essayer de donner un sens à ce qui
vient de se passer. » Cet évènement est malheureusement représentatif de
cette attitude locale de sauter sur toutes les occasions pour écraser doucement
le nez d’un blanc dans son caca, peu importe l’épaisseur. Chacun ses petites victoires.
mardi 3 juillet 2012
Il y a eu un feu à Montréal
Les médias haïtiens avaient suivi plus ou moins assidument les troubles politico-sociales qui sévissaient au Qc depuis au cours des derniers mois. C'était intéressant pour un québécois installé ici d'entendre des nouvelles du Canada. Vaste pays, diversité des perspective. Depuis deux jours, odes médias locaux se sont délectés de l'incendie criminel de la saltation radio haïtienne de Montréal (Radio CPAM, Radio pour moi traduit du créole). Il semble que le feu ait été allumé par quelqu'un qui aurait déjà menacer les animateurs (ou un animateur ?) suite à des propos critiques à l'égard de Duvalier et à l'égard de Martelly. Asefi me disait qu'elle était surprise de voir ses compatriotes transporter la vie politique nationale à Montréal.
- Personne ne met le feu aux stations de radio ici !!
- C'est normal, nos grandes gueules qui animent les émissions de radio contrôlent quand même leurs sorties, ils savent qu'ils vont en payer le prix. Tu n'as qu'à regarder les tensions entre Martelly et certains médias pour comprendre que la critique représente un risque. Ce qui me surprend c'est de voir que ce genre de pratiques soient rétablies chez vous.
- Il faut attendre, on est peut-être face à l'action d'une personne plus envahie par des problèmes de santé mentale que par quelqu'un d'allergique à la liberté d'opinion.
- Je pourrais bien te laisser le bénéfice du doute ou continuer que tu es indécrotablement naïf, mais couper le sifflet à des journalistes reste une pratique bien établie en Ayiti, donc chef les haïtiens.
- 'Des' haïtiens.
- Arrête de nuancer, tu comprends ce que je veux dire !
- Personne ne met le feu aux stations de radio ici !!
- C'est normal, nos grandes gueules qui animent les émissions de radio contrôlent quand même leurs sorties, ils savent qu'ils vont en payer le prix. Tu n'as qu'à regarder les tensions entre Martelly et certains médias pour comprendre que la critique représente un risque. Ce qui me surprend c'est de voir que ce genre de pratiques soient rétablies chez vous.
- Il faut attendre, on est peut-être face à l'action d'une personne plus envahie par des problèmes de santé mentale que par quelqu'un d'allergique à la liberté d'opinion.
- Je pourrais bien te laisser le bénéfice du doute ou continuer que tu es indécrotablement naïf, mais couper le sifflet à des journalistes reste une pratique bien établie en Ayiti, donc chef les haïtiens.
- 'Des' haïtiens.
- Arrête de nuancer, tu comprends ce que je veux dire !
dimanche 1 juillet 2012
Reloger les campeurs
Cette semaine, une nouvelle concernant Ayiti s’est retrouvée dans plusieurs médias du monde. On serait passé sous la barre de 400 000 personnes qui vivent toujours dans les camps depuis janvier 2010. 390 276 selon le dernier rapport de OCHA, Une diminution de 7% depuis avril dernier. On entre maintenant dans les phases les plus ardues, c’est-à-dire celles où les gains seront de plus en plus difficiles. L’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations) a été financée par le Canada pour reloger les campeurs du Champs de Mars. Un gros dossier (20 millions de $ pour reloger 5 000 familles ou 20 000 personnes), surtout parce qu’au plan symbolique, ce camp voisin du Palais National continuait depuis plus de deux ans d’être la preuve que la reconstruction était au neutre. Aujourd’hui, c’est presque terminé et comme pour les autres grands camps, on retrouve un espace que notre mémoire avait oublié. J’ai appris cette semaine toute la logistique qui sous-tend ce genre de manœuvre. Wow ! Un recensement détaillé fait avant l’annonce publique du projet de relocalisation des familles, question d’éviter que certains s’inventent un statut de campeur au moment où les enveloppes brunes commencent à être distribuées. Chaque famille relogée doit trouver un logement pour toucher une première partie du chèque. Un logement avec un vrai bail d’une année, logement que les gens d’OIM visitent, question d’éviter les arnaques. Une fois la famille réinstallée dans son nouveau logis, la deuxième partie du montant qui totalisera autour de 500$ sera décaissée. A cette relocalisation, s’ajoutait un programme pour aider les familles à trouver un boulot question qu’elles soient en mesure d’assumer leurs frais de logement après que la somme reçue soit épuisée. C’est sensiblement le même genre de projet qui a permis de vider le terrain de foot de Sainte-Thérèse. J’y suis passé faire des photos il y a une semaine. Il reste encore un dizaine de campeurs frustrés qui estiment avoir été floués par des représentants des autorités qui n’auraient pas accepté de leur distribuer les dites sommes, préférant garder ces kob pour eux. Du côté des autorités, on nous raconte que ces gens sont des nouveaux campeurs, qu'ils se sont inventés cet état tout récemment question de toucher un peu d'argent. Au Champs de Mars, il y a le même genre de phénomène où des familles s’accrochent à une tente sans que l’on sache si c’est effectivement la leur depuis 2010. Même si tout ce qu'il y a d'Avocats Sans Frontière dans le pays ont confirmé la 'justice' du processus, il reste bien évidement des zones grises. Dans ce contexte de magouille généralisée, contexte où l’arnaque est une stratégie de survie, on n’arrive plus à savoir qui dit vrai, Avocats Sans Frontière ou pas.
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