dimanche 14 juin 2009

Maudit athéisme


Mercredi matin dernier, on part en voiture avec Claudette et Jean-Claude. Jean-Claude nous amène au bureau et Claudette débarquera en chemin pour acheter ce qu’il faut pour préparer le souper, cabrit boucané, akras et pikliz sont au menu. En m’asseyant dans la Patrol, je pratique mon créole et demande à Jean-Claude ‘Ou te pase on bon nuwit ?’ (Est-ce que tu as bien dormi ?). ‘Wi, gras a dye (Oui, Grâce à Dieu). Les haïtiens t’offrent toujours une réponse en référant à la grâce de Dieu pour une question qui réfère au passé, ou à sa volonté pour le futur. Johanne lance donc un débat : ‘Jean-Claude, si tu avais passé une mauvaise nuit, est-ce que ce serait à cause de la volonté de Dieu ?’ Promptement, Claudette intervient : ‘Mais non, Dieu est bon. Si quelqu’un passe une mauvaise nuit, c’est qu’il n’est pas bon, qu’il n’a pas assez prié.’ S’ensuit une longue discussion (blocus ce matin-là dans les rues de PAP) sur l’impact de la bonté et de la volonté de Dieu sur la situation du pays, de la très grande pauvreté de sa population. Dans l’échange, Claudette a lancé une affirmation qui continue à me tourner dans le cœur et dans la tête : ‘Dieu a décidé de faire de moi une personne pauvre, et vous, des personnes riches. Si ce n’était pas sa volonté, on ne se serait pas rencontré.’. Elle est pauvre pour pouvoir travailler pour nous qui sommes riches. Pour elle, nos liens sont régulés par cette vérité. Jo a bien tenté de lui expliquer que nous serions bien plus heureux d’établir avec elle des rapports sur une autre base, mais rien à faire. Pour Claudette, et Jean-Claude qui silencieusement appuyait les propos de sa compatriote, si Dieu n’avait pas décidé de faire d’elle une personne pauvre, elle ne travaillerait pas pour nous. L’analyse qu’elle développe sur sa propre situation et celle de son pays, réside dans une résignation bien inscrite dans le discours religieux. Le QC francophone d’avant la révolution tranquille a bien connu ce genre d’état d’esprit, et ce même si le contexte est hautement différent. À l’inverse, la résistance tout athéiste avec laquelle j’intègre ce genre de discours, est coincé entre une certitude (peut-être naïve) et une dose de culpabilité. Claudette me ramène en fait en plein visage une réalité à laquelle je participe et qui induit un sentiment confus : La satisfaction d’aider quelqu’un qui voit sa vie et celle de son fils s’améliorer de manière hautement significative en travaillant pour moi, et une culpabilité d’entretenir une situation historique qui ne promet pas un changement positif réel et durable à une personne (une population). Je pense que je vais me remettre à croire en Dieu…

Aucun commentaire: