jeudi 15 septembre 2011

À l'ombre

Deux jours que le centre-ville est bloqué. Le mouvement anti-minustah ne s’essouffle pas même si on ne peut pas dire qu’il prend de l’ampleur ou mobilise des milliers de personnes. Pour le moment, les étudiants de la Faculté d’ethnologie semblent être les instigateurs de ce mouvement de protestation. C’est du moins autour de leur faculté que les esprits s’échauffent. Hier, on avait été averti de ne pas s’y montrer le nez, mais ce matin, c’était le calme plat. On est donc parti avec Jean-Claude pour aller au ministère. Dès que nous sommes arrivés sur le Champ de Mars, on sentait une fébrilité naissante, un petit quelque chose que t’arrives à sentir sans toutefois pouvoir l’objectiver. Drôle de réflexe, comme si un sixième sens s’était développé. On a vu une bonne trentaine de personnes à un carrefour. Un gars qui sort du groupe et dépose un pneu dans le centre de la voie, un qui suit et vient asperger le kawoutchou d’essence. Pas eu le temps de voir le troisième qui allait tirer une allumette dans le cocktail, on a changé de direction et repris la route de la maison. Les hélico ont circulé au dessus de la ville une partie de la journée et le centre-ville une zone de restriction dans le langage de la sécurité de la coopération canadienne. Outre la récente agression sexuelle d’un jeune haïtien par des soldats uruguayens, il y a le questionnement ‘annuel’ aux Nations Unies sur le maintien de la Minustah. La fin officielle du mandat de la force onusienne est dans quelques semaines, mais personne ne doute qu’il sera renouvelé. C’est le souhait du président même si un sondage maison faite par HPN (plus de 1500 répondants) montre que près de 2 haïtiens sur 3 estiment que le pays pourrait se passer de la présence de la Minustah. Avec ces manifestations, ce sont les quelques milliers de ‘campeurs’ du Champ de Mars qui sont coincés entre les tirs de fusil, les pneus qui brûlent et la vapeur des gaz lacrymogènes. Pendant ce temps, le reste du pays se la coule douce. Comme ce timoun qui apporte à sa marchande de mère le matériel qui lui permettrait de se faire gazer par les voitures toutes la journée, confortablement assise sur le bord du trottoir et à l’ombre.

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