… c’est le progrès qui nous arrête ! Une des retombées concrètes de la présence du président actuel a été l’investissement significatif pour la construction des routes. Il y a eu de gros investissements (entre le Nord et le Nord-Est, Cayes-Jérémie, routes nationales 1, 2 et 9, St-Marc-Gonaïves, …) qui, dans une logique économique du moins, doivent favoriser le progrès. Il y a autour de ces grands projets toute une histoire de magouilles autour de la constitution de la CNE, le Centre National des Équipements (ou la Corruption National Éhontée selon certains). En fait, le CNE est une façon (toute canadienne et québécoise avec la création de nos agences) de sortir de la fonction publique dans les modalités de fonctionnement, tout en se gardant bien évidemment la protection des fonds publics. Une agence sous contrôle publique qui n’a pas à rendre de compte aux politiques. Pour la petite histoire également, il faut rappeler que le DG de la CNE a été Jude Célestin, cette étoile filante politique que Préval avait lancée à la dernière minute dans l’arène de la course présidentielle. On connait la suite. Cette semaine, j’étais dans le Nord-Est du pays. L’avion nous largue à Cap-Haïtien d’où on prend une machine pour Fort-Liberté et Ouanaminthe. Pour le premier arrêt à Fort-liberté, le trajet prend autour de 45 minutes alors qu’il y a un peu plus de deux ans, il fallait compter 2h30. Net progrès. Vingt minutes plus loin, on arrive à Ouanaminthe, ville frontalière avec la République Dominicaine. La douane a dû être refaite considérant l’augmentation significative du débit des échanges entre les deux pays. Après maintenant plus de deux ans de ce trafic croissant, les hôpitaux du coin assument certaines conséquences. « Quand on va plus vite, on arrive plus rapidement au cimetière » me dira Alfred, un partenaire du coin. Les cas de trauma sont donc en forte hausse et plus souvent, ce sont des accidents de moto. On constate effectivement assez rapidement en mettant les pieds en Ayiti que les motos (presque exclusivement des motos-taxis) représentent un risque significatif au plan de la santé publique. En premier lieu à cause de leur façon de conduire : zigzag entre les voitures, sens inverse des sens uniques, sur les trottoirs, transporter six personnes sur deux roues, etc. . En second lieu également parce que dans cette lutte continue pour l’espace routier, ils ne font pas le poids contre les 4X4, les tap-tap, ou les camions. Tout ça bien évidement dans un contexte où l’État n’a ni le cadre légal ni les ressources pour encadrer minimalement l’utilisation de l’espace routier. Il faudrait donc réfléchir le genre de projets de construction où les bailleurs (les routes sont presque toujours financées par l’international) sont forcés d’investir un certain pourcentage pour appuyer l’État dans sa capacité à gérer ce qui s’y passera. On ne paie pas que pour l’asphalte, on augmente la capacité de l’État à éviter que ce progrès mène moins de monde plus rapidement vers le cimetière. Je vais en parler à la CIRH, je suis certain qu’ils vont trouver mon idée géniale.
1 commentaire:
Il y a quelques années, sous Aristide, quand il n'y avait pas de routes fonctionnelles dans le pays, une amie me disait toujours que le piètre état des routes empêchait une hécatombe et qu'il valait mieux les laisser comme ça. C'est comme pour les arbres: quand on va ouvrir la Grande-Anse, tout ça va devenir du charbon en un rien de temps. Mais on n'arrête pas le progrès...
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