mercredi 6 avril 2011

What does Wajdi Want ?


Je ne le fais pas souvent, parler du Québec je veux dire. Pour ne pas oublier, il ne faut pas l’oublier, vise à conserver une mémoire de ce que cette aventure haïtienne a eu et aura de mémorable. Même l’anodin peut être mémorable, c’est toujours ce que je dis à mes ex ... Je voulais réagir concernant le dossier Cantat qui noircit silencieusement les pages de plusieurs journaux/blogues depuis maintenant quelques jours. Je ne vous rappelle pas l’histoire, elle devrait sortir en film bientôt (à moins que ce ne soit déjà fait ?). En fait, je lis plusieurs des commentateurs dans les médias québécois (je ne peux prétendre les avoir tous lus), mais il y a quand même quelque chose qui me surprend. Tout y passe. Le droit à la réhabilitation, la chaise électrique, le statut de l’artiste face à ses crimes, des gens qui veulent aller le huer et d’autres qui disent qu’un artiste a le droit de vivre de son art même après l’odieux, de la provocation ou un gros coup de pub, les douaniers le laisseront-ils passer et les politiciens commencent à récupérer l’affaire… Jusque là, on me semble tourner un peu en rond. Comment, dans cette affaire, on n’arrive à ne pas interpeller directement Wajdi Mouawad ? Comment peut-il refuser de répondre aux questions des journalistes ? Quelles sont ses intentions ? Théâtralement je veux dire. Le gars ne fait généralement pas dans du ‘Fabienne Larouche’. Incendies dans le vieux Quat’Sous, on se désole encore en fouinant dans tous les théâtres de la ville. Littoral, … Son théâtre est généralement porteur d’une humanité assez forte, d’une humanité qui a migré, d’une humanité victime de la guerre. Le message est appuyé. Que veut-il donc en engageant ce musicien pour faire partie de son spectacle ? J’imagine un metteur en scène qui implique une association de ‘pédophiles repentis’ dans un spectacle pour marquer davantage son propos contre les violences sexuelles faites aux enfants. Bien ficelé, tout le monde (ou presque) reconnaîtrait que ces ‘pédophiles repentis’ amplifient la force du message de l’auteur, de la théâtralité du spectacle. On serait heureux d’ovationner leur réhabilitation. Wajdi a-t’il ce genre d’intention, ou avait-il seulement besoin d’un guitariste ? Il me semble que le débat part de cette question. Si le crime et la réhabilitation font partie du propos du metteur en scène, on pourrait avoir droit à du grand Wajdi. S’il a simplement souhaité donner un job à un ami guitariste, il faudra se rappeler que la rationalité de la justice face à un délit, et l’émotivité ambiante face à ce même délit sont souvent aux antipodes. On pourra encore avoir droit à du grand Wajdi, mais avec une distribution qui égratigne la portée du message.

7 commentaires:

Marico Renaud a dit…

Merci Jean-François pour cette réflexion posée que je fais mienne à 100%. Il parait que Wajdi s'expliquera d'ici quelques jours. Et je m'attends bien sûr à du grand Wajdi.
J'avais cessé de lire sur le sujet (jusqu'à ce matin), écoeurée par tout ce tapage pas toujours intelligent. Les grossièretés et les coups de gueule même bien intentionnés, je n'aime pas trop!
Alors doublement merci et bonne journée.

Anonyme a dit…

La pièce va s'appeler "Cycles de femmes" et il est clair que quelqu'un de l'intelligence et de la sensibilité de Wajdi Mouawad n'a pas choisi d'y associer Bertrand Cantat par hasard ou par mégarde.

Anonyme a dit…

Il est assez évident aussi, étant donné son intelligence et sa senbibilité, que le propos de Mouawad va voler plus haut que les niaiseries qu'on entend ces temps-ci: ce sera du théâtre, pas une rencontre de travailleurs sociaux.

Anonyme a dit…

C'est comme si l'on se questionnait sur la moralité du théâtre de Sophocle où les mères couchent avec leurs fils et où les hommes jaloux tuent leurs femmes à tout bout de champ.

Anonyme a dit…

Sans présumer de la démarche de Mouawad, il y a quelque chose de sublime à imaginer Cantat, ange déchu qui a tué son amour, tenir le rôle du destin dans une histoire de femmes, de l'orchestre à l'opéra, d'un choeur de tragédie grecque ou d'un évangéliste de Passion muet condamné à la seule émotion. Et ça reste aussi fort qu'il soit "réhabilité" ou non. On s'en fout. Ça n'a rien à voir.

Anonyme a dit…

Cantat ne viendra pas mais on comprend l'idée de Mouawad. Les Trachiniennes de Sophocle, la pièce où Cantat devait composer et jouer la musique, est la tragédie d'une femme qui tue son mari involontairement en voulant le retenir alors qu'il est épris d'une autre...

Anonyme a dit…

Les héros de Sophocle sont victimes d'une "ironie tragique": le destin vient inverser les conséquences attendues de leurs actions et ils se retrouvent dans un "isolement progressif de toute aide et de tout soutien humains" (Romilly, 1970). Ajoutez à cela un choeur de femmes déchaîné et Mouawad a produit, dans la vraie vie, l'image en miroir des Trachiniennes. Et la pièce est jouée sans même l'avoir été. Si c'était volontaire, c'est un chef d'oeuvre absolu.