dimanche 20 mars 2011

Pays sans chapeau


C’est le titre d’un roman de Dany Laferrière. Pour plusieurs, le meilleur. Le pays sans chapeau, c’est la mort. Là où les morts enterrés sans leur chapeau vont vivre. C’est bien connu, les mort vivent. Je ne fais pas de référence simpliste à l’idée que les morts vivent dans la mémoire ou le coeur des vivants, ils vivent. Eux-mêmes pour eux-mêmes. J’ai eu cette conversation avec Cetout cette semaine. J’étais surpris, il évite plus souvent ce genre de sujet, la politique l’intéresse davantage. La discussion, c’était le pays rêvé. Pas le pays idéalisé, inventé. Les grandes lunettes roses qui poussent les haïtiens à la cécité. Je ne parle pas ici du rose Martelly, je parle de cette vision du grand pays, du grand peuple, de la grande nation. Ce pays de la liberté, précurseur des lumières, instigateur de la lutte anti-esclavagiste. Le premier pays nègre à affirmer dans la lutte son indépendance, lutte qui se continue toujours aujourd’hui.
- C’est le pays qui est sans chapeau aujourd’hui. On l’a enterré, il est mort.
- Mais il vit, si les morts vivent ?
Il vit effectivement, mais dans la mort. Dans l’absence d’espoir. Je nous vois nous offusquer nationalement de la présence des blancs, alors que c’est notre gouvernement qui demande la présence de cette force étrangère. En plus, deux tiers du budget de l’État vient de l’argent des blancs. Je nous vois nous gargariser des grands écrivains et intellectuels haïtiens alors que 99% de nos écoles forment des illettrés. C’est presque une chance que 50% des enfants n’y aient pas accès. Je nous entend parler de politique toute la journée alors que l’espace politique est vide, que la cité n’est plus. 1804 hante continuellement notre cerveau et on accueille dans la joie deux Présidents qui nous conduisaient directement vers la violence, comme si notre mémoire pouvait éclipser des bouts de notre histoire, alors que d’autres sont constamment illuminés. Comment mon peuple si fier, si propre, peut en être arrivé à se salir autant ? Je te le dis, Ayiti est morte. J’ai honte d’être haïtien. Être fier de l’être, c’est être aveugle et sourd en même temps.
- Wow ! Il te faut plus qu’un nouveau Président.
- Les élections, ce sont les funérailles de mon pays. Et le mort n’a ni les moyens ni l’élégance de se payer un chapeau.

3 commentaires:

Marico Renaud a dit…

L'implacable lucidité de ton ami Cetout m'impressionne. Assez pour que je mette la lucidité au programme de mon année.
Je souhaite quand même la lumière et l'oxygène dans la vie quotidienne de tous les Haïtiens.

Gaspareau a dit…

Wow !!! assez raide Cetout ce soir

Malheureusement, depuis
quelques jours c'est un peu l'essence
de mes réflexions à moi aussi

C'est triste

Salutations à tes 2 fidèles amis

Dany alias Gaspareau

Anonyme a dit…

Génial ce billet!