lundi 5 avril 2010

Pauvre riches


Le titre a l'air d'une mauvaise blague, mais c'est platement sérieux. On ne reviendra pas ici sur la relativité de la notion de richesse, surtout dans le cadre spécifique dans lequel l'auteur que vous lisez actuellement vit depuis plus d'un an. Cette richesse 'contextuelle' n'est pas encore totalement apprivoisée, demeurent encore plusieurs malaises. Les riches ont donc quelques petits problèmes depuis bagay la. Un de leur problème (donc un des miens !) est l'accès aux services de santé. La participation des hôpitaux privés à l'effort humanitaire des premières semaines et l'accès gratuit aux services offerts par les ONG poussent à la faillite (ou sur le bord) les hôpitaux privés de PAP. Deux de ces hôpitaux (les deux plus importants) vivraient une situation économique passablement difficile selon certaines rumeurs. Dès les premières heures et pour les semaines qui ont suivies (jusqu'à la semaine dernière dans au moins un des cas), ils ont rendu disponible tout ce qu'ils avaient : Salles d'opération, équipements, médicaments, stationnements (tu couches pas mal plus de blessés dans un stationnement que dans un corridor d'urgence, ça pourrait donner des idées aux hôpitaux du Qc) et ressources humaines. Ces dépenses n'ont bien évidement jamais été compensées. Le manque à gagner est grand pour ces organisations qui doivent également débourser des montants très importants pour réparer et sécuriser leurs bâtiments. Financièrement en fait, plus beaucoup d'intérêt à rester en business : On s'est vidé les poches à faire dans l'humanitaire depuis près de trois mois et les ONG nous siphonnent une grande partie de la clientèle potentielle. Ces hôpitaux n'avaient bien évidement rien à voir avec les hôpitaux publics. Équipés des nouvelles technologies médicales et de ressources humaines 'présentes', on y trouvait entre autres de l'eau courante et de l'électricité ! Surpris ? De l'eau courante et de l'électricité effectivement. Dans une salle d'opération, c'est relativement pratique ! La situation des hôpitaux publics est bien évidement désastreuse : Manque complet d'équipement, de médicament, absence de toutes les commodités dites de base (eau, électricité, toilettes, lingerie, nourriture, …) et des problèmes des ressources humaines assez importants (mobilisation, présence, compétences, …). Il faut visiter certaines salles de chirurgie où une table rouillée attends un patient qui se sera rendu dans la cours de l'hôpital pour acheter à un revendeur le matériel (bistouris, tampons et le reste) et les médicaments nécessaires à sa propre chirurgie. Ainsi, dès que les gens ont un peu d'argent, ils se dirigent vers des hôpitaux privés pour y recevoir des services. Les limites de mon ouverture d'esprit m'ont toujours appelé à éviter les hôpitaux publics, pour y recevoir des soins du moins. J'y côtoie plusieurs cliniciens à qui je ferais pleinement confiance, mais on ne pourrait m'y amener pour des soins que si j'étais désespéré ou inconscient. J'aimerais bien voir les choses autrement, mais il n'y a pas meilleur place pour devenir malade que dans un hôpital et disons qu'à cet effet, certains hôpitaux sont meilleurs que d'autres. La pratique médicale des ONG ressemble en bonne partie à la médecine de guerre et ce fait dans hôpitaux publics, les équipements médicaux ayant servi dans les premières semaines sont repartis avec les équipes d'urgence. Dans plusieurs cas, tout se fait sous la tente : Urgences, hospitalisation, cliniques externes, salle d'accouchement, chirurgie ... On entend donc des histoires de malaises cardiaques ou de péritonites qui tournent mal pour une partie de la clientèle qui fréquenterait habituellement les hôpitaux privés. Je ne parle pas ici de ceux qui peuvent se rendre à Miami en moins de 24 heures (location de jet privé ou achat d'un billet de dernière minute sur American Airlines), mais des autres assez riches pour débourser un gros 40$ pour une consultation médicale et des tests de laboratoire. Il faut se rappeler que 40$ équivaut à 8 jours de travail au salaire minimum ou à 20 jours de revenus pour 80% de la population… En fait, on retrouve donc une classe moyenne qui actuellement se retrouve dans un on man's land en matière d'accès aux soins de santé. Vous me direz que de se questionner sur la situation de cette population n'est pas trop pertinent dans le contexte. Vous avez sûrement raison, oubliez mon idée...

2 commentaires:

Une femme libre a dit…

Mais voyons donc, c'est tout à fait pertinent! Voilà une des raisons qui fait que les gens qui ont des revenus moyens quittent Haïti dès qu'ils le peuvent et vous faites partie des courageux qui osent y rester. Ne pas pouvoir se faire soigner et faire soigner ses enfants, c'est très insécurisant.

Anonyme a dit…

Bonsoir Jean-François !
J'espère que les ONG internationales présentes en Haïti ont la présence d'esprit d'embaucher prioritairement le personnel opérationnel et compétent de ces Établissements privés au chômage avant de faire intervenir des intervenants internationaux ...
Maryannic'k